« L’export doit devenir la nouvelle grande cause économique de la France » (Laurent Saint-Martin, Business France)

Depuis près d’un an directeur général de l’agence en charge de l’internationalisation des entreprises et de l’attractivité de la France, l’ancien député LREM, venu à Marseille porter la bonne parole, estime que l’export « doit changer de braquet », insistant sur le rôle majeur du Plan France 2030 pour augmenter de 30% le nombre d’entreprises exportatrices. Et de souligner l’importance de la structuration de filières pour contribuer au retournement de la balance commerciale de la France.
(Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - Vous estimez que 2024 sera une année de croissance. Et que l'export en sera un contributeur notamment grâce au Plan France 2030...

LAURENT SAINT-MARTIN - Nous mettons des moyens que nous n'avons jamais mis sur la table pour l'export. France 2030 c'est 54 milliards d'euros. Nous accompagnons, dans ce cadre, le chef d'entreprise pendant 30 mois, nous le subventionnons à hauteur de 50.000 euros... Ceci est un vrai changement d'échelle et un vrai changement de braquet dans ce que nous voulons faire. Nous assumons que la France, demain, aura des champions et ce sont ces entreprises labellisées France 2030. Nous les accompagnons et les projetons durablement à l'international sur des marchés sur lesquels il y existe un fort potentiel. C'est cela, le vrai gamechanger à partir de 2024. Depuis mon arrivée en janvier dernier, j'ai lancé un plan stratégique avec la volonté de faire de cette agence, une entreprise publique de conseil à l'international qui soit performante, musclée avec une culture, un peu nouvelle, d'entreprise. Nous voulons parler la langue du chef d'entreprise et passer d'un rôle parfois un peu administratif à un vrai regard d'entrepreneur. Cette bascule doit être ressentie par les chefs d'entreprises.

Vous parlez de momuntum à propos de la capacité d'attractivité de la France. La stratégie de réindustrialisation impulsée depuis deux ans contribue-t-elle à cette attractivité ?

La France est le pays le plus attractif d'Europe depuis 4 ans. Il y a dix ans, personne n'aurait parié sur cela. Il y a eu une accélération dans le regard vers la France et ça s'est accéléré avec la stratégie de réindustrialisation depuis le Covid. En 2017, le Président de la République a eu la volonté de rendre le pays plus attractif par des mesures que nous appelons des mesures d'attractivité du quotidien - baisse de la fiscalité, réforme du marché du travail - qui ont envoyé un message selon lequel il est bon d'investir en France. Mais le véritable changement de braquet de la réindustrialisation c'est la période Covid qui a mis en exergue les problématiques d'autonomie stratégique sur certains produits. France 2030, avec dix verticales très claires, doit nous permettre de regagner en souveraineté alimentaire, sanitaire et, de manière générale, industrielle. L'enjeu est de créer les grandes filières de demain, sur l'industrie décarbonée, sur le nucléaire, sur le véhicule électrique... Nous voulons reprendre les beaux sites industriels - comme Dunkerque ou Fos - qui ont été totalement oubliés, pour en faire des champions industriels. Et ça, ça se voit dans le monde.

Le phare vert et bleu, qui additionne l'écologique et l'industriel, le Coq Vert et la French Fab, sont de plus en plus visibles, ensemble. Il nous arrive désormais, régulièrement, de recevoir directement de potentiels investisseurs désireux d'installer leur usine décarbonée en France. La réindustrialisation c'est des roues dentées entre elles, c'est un engrenage. Bien sûr, il reste encore des challenges, comme trouver davantage de foncier disponible clés en main, trouver les compétences, les formations à mettre en face, continuer à trouver des financements. Car il ne faut pas se voiler la face. Certains grands projets comme ProLogium (projet d'usine de batteries devant s'installer à Dunkerque NDLR) et XTC (associé à Orano pour un projet de fabrication de composants pour véhicules électriques NDLR), viennent chez nous car nous savons les accompagner en termes de financement public. Dans les grands chambardements géopolitiques du moment, la France tire bien son épingle du jeu, même si, malheureusement, elle est également victime d'attentisme concernant les investissements.

L'annonce de l'investissement de 2,1 milliards d'euros réalisé par Novo Nordisk à Chartes a eu une énorme caisse de résonance. Est-ce que ce type d'annonce provoque un effet d'entraînement ?

Les baromètres, les classements sont très regardés dans le monde. Lorsqu'on est premier depuis quatre ans, cela signifie que la stratégie fonctionne. Ça attise une curiosité. Mais c'est aussi le fruit d'une politique économique constante. Je dis cela à tous ceux qui pourraient être tentés, dans des périodes un petit peu tendues, d'augmenter les impôts ou de dire que désormais la France est attractive durablement. Non, nous ne sommes pas attractifs durablement. Tout peut changer dans le sens inverse, d'une année à l'autre. Il faut garder ce cap, avoir une politique économique cohérente, stable dans la durée, et nous pourrons continuer à attirer de grands projets dans le monde.

La balance commerciale de la France n'est toujours pas positive. Que faut-il faire pour qu'elle soit moins négative ?

Il faut deux choses. Tout d'abord accélérer la réindustrialisation du pays car on ne peut pas exporter ce que l'on ne produit pas. Plus on réindustrialisera vite, plus on exportera et nous aurons alors une première clé du retournement de la balance commerciale. Ensuite, c'est posséder davantage d'entreprises présentes à l'export. Nous avons un cap, avec le ministre de l'Europe et des Affaires Etrangères, Olivier Becht, celui d'avoir plus de 200.000 entreprises exportatrices d'ici 6 à 7 ans. C'est faisable, mais nous avons besoin d'un sursaut général. L'export doit devenir la nouvelle grande cause économique de la France. Nous sommes devenus attractifs, compétitifs, nous sommes devenus un pays d'entrepreneurs, un pays pro-business, avec un gouvernement pro-business. Maintenant, ce qu'il manque, c'est l'export. Là où nous n'avons toujours pas changé de braquet depuis 7 ans, c'est l'export. Toute entreprise qui dispose d'un savoir-faire et d'une compétitivité par l'innovation doit se poser la question de l'international. Il n'y a aucune bonne excuse pour ne pas aller à l'international quand on est une PME et une ETI qui possède des avantages comparatifs par rapport à d'autres.

Vous venez de prononcer les mots PME et ETI. L'Etat a également mis en place un dispositif baptisé ETIncelles qui a vocation à transformer les petites et moyennes entreprises en entreprises de taille intermédiaire. Si les startups, par nature, sont très tôt tournées vers l'international, ce n'est pas le cas des PME et ETI qui ont longtemps été « oubliées » des stratégies d'exportation.

Nous ne regardons qu'elles... Le programme ETIncelles est un très bon programme soucieux de la simplification administrative et d'encourager l'export. Nous allons proposer à toutes les entreprises ETIncelles un programme d'accompagnement. Il faut que les PME deviennent des ETI, il n'y a pas le choix, il faut grandir. Le problème du patron de PME c'est qu'on lui demande, en même temps, de trouver des compétences et des talents et il galère à recruter, on lui demande de s'occuper de sa facture énergétique qui a augmenté, de régler les problèmes d'approvisionnement générés par les différentes crises et, en même temps, on lui demande de ne pas oublier l'international... C'est difficile pour lui de recevoir toutes ces charges mentales et d'investissement. L'international n'est pas seulement un problème en plus à résoudre, c'est la solution à d'autres problèmes. Cela permet d'augmenter le chiffre d'affaires, les marges, de diversifier les réseaux de distribution, de repenser son produit, de réfléchir différemment pour le marché domestique... L'international est une ouverture culturelle pour les produits et les solutions. Aucun chef d'entreprise, qui a réussi à l'export, ne le regrette.

Concernant les startups, il est vrai qu'elles sont, par nature, très tôt tournées vers l'export mais ce n'est pas pour cela qu'il ne faut pas les accompagner. Nous avons un programme French Tech 2030 au sein de France 2030 dont l'objectif est d'envoyer 125 jeunes entreprises à l'international, avec la French Tech.

Un nouveau dispositif, baptisé VTE pour Volontariat territorial en entreprise, vient d'être institué. Son rôle est d'aider les entreprises dans leur démarche export. Est-ce une demande venue des entreprises elles-mêmes ?

Les PME et les ETI, qui ont déjà entamé une stratégie d'exportation, ne savent pas toujours comment déployer cette stratégie plus largement. La stratégie export de l'entreprise, c'est le rôle du VTE. Pour cela, nous allons aider les entreprises à hauteur de 12 000 euros par an. C'est un emploi aidé par l'Etat pour inciter l'emploi des jeunes, mais pas que.

Quels secteurs, possédant tout le potentiel nécessaire, n'exportent pas encore suffisamment ?

Souvent il existe une corrélation entre potentiel d'amélioration à l'export avec structuration des filières. Les industries agro-alimentaires disposent d'un potentiel pour faire mieux. Les entreprises du patrimoine vivant représentent un potentiel du savoir-faire français à mieux faire connaître dans le monde. Les ICC, les industries culturelles et créatives, excellence française reconnue, doit pouvoir faire davantage à l'international. Nous construisons des programmes spécifiques pour que ces filières puissent faire encore plus, qu'elles se sentent rassurées, accompagnées... Il faut viser haut et loin.

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Commentaires 6
à écrit le 23/12/2023 à 14:30
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C'est une pensée digne d'un pays en voie de développement qui ne pense qu'a l'export pour rapatrier des devises ! ;-)

à écrit le 23/12/2023 à 9:12
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Pour exporter il faut déjà produire or nos usines sont partout ou il y a des esclaves salariaux. même si le travail détaché européen permet en effet de payer un européen moins cher qu'un chinois.

à écrit le 22/12/2023 à 21:58
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On nomme cela une lapalissade. Il vient de regarder la balance commercial extérieure.! C'est dommage que cela arrive alors que la France s'isole de plus en plus du monde extérieur.

à écrit le 22/12/2023 à 20:45
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wow, il est impressionnat de detemrination, le jeunot! qu'il aille faire un stage dans une entreprise du Mittelstand, il verra la realite......euh sinon on a compris que la france cherche des victimes pour redresser la barre.........voila donc mon co...

à écrit le 22/12/2023 à 15:20
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Beaucoup de vent, comme d'habitude. Chez nos voisins allemands, l'export est porté par de nombreuses ETI de 500 à 5000 salariés. Ce gabarit d'entreprise a les reins solides pour tenter l'export. Chez nous en France , nombre de patrons refusent de fra...

à écrit le 22/12/2023 à 13:31
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Bref ! C'est ce que disent tout les pays, en voie de développements, qui nous envies ! C'est pathétique ! ;-)

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