L'éco-tourisme, ou comment allier économique et social

Le Forum Zéro Carbone, organisé par La Tribune à Marseille, a exploré les enjeux spécifiques de la première métropole de France, dont ceux de la filière tourisme. Où il a été évoqué la nécessité d’un nouveau mode d'action orienté vers l'innovation et les infrastructures décarbonées, incluant aussi bien les pouvoirs publics que les acteurs économiques.
(Crédits : DR)

La région est célèbre pour ses villes mythiques, dont Marseille et Nice, sa Côte d'Azur, ses calanques et son arrière-pays, sans oublier son offre culturelle - des musées aux édifices religieux. Mais si, logiquement, elle attire, comment gérer le flot de visiteurs ? Comment s'assurer que l'activité touristique, qui contribue à la prospérité économique, n'endommage pas l'environnement ? Et comment faire pour que touristes et habitants vivent en bonne intelligence ?

Haut comportement éco-responsable

L'activité touristique étant responsable de 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, sans compter la dégradation de la biodiversité et l'accumulation des déchets, « il ne faut pas hésiter à miser sur des touristes à haut comportement éco-responsable », tranche Philippe Mangeard, président-fondateur de Global Climate Initiatives. Autrement dit, ceux qui viendront en train à Marseille, utiliseront des transports décarbonés sur place et choisiront des lieux de séjour où l'eau, l'énergie, les déchets sont gérés dans un souci de sobriété et de recyclage. Conscient que cette vision puisse faire débat, puisqu'elle risque de rebuter certains - « dont, par exemple, ceux qui viennent en 4 X 4, s'ils se voient mettre une amende par la municipalité » -, il déroule son argumentaire. « Selon les études, si l'on fait un ratio par habitant, les touristes consomment trois fois plus d'énergie, deux fois plus d'eau et génèrent 1,5 fois plus de déchets que les locaux », énumère-t-il.

Il s'agit donc d'abord de réduire cette empreinte. Mais encore faut-il que pouvoirs publics et entreprises, dont les groupes hôteliers et les compagnies de croisière, travaillent ensemble. Dans l'objectif de gérer les flux, de promouvoir la sobriété et de mettre en place des infrastructures de transports moins émetteurs tels les bus électriques et les pistes cyclables...

Concernant les flux, l'analyse des données est essentielle, affirmeIsabelle Brémond, directrice générale de Provence Tourisme. « Nous avons constaté que seul 10 % du territoire accueille des touristes, remarque-t-elle. Nous voulons donc développer certaines zones, dont l'Etang de Berre, qui sont autant de trésors insoupçonnés. » En outre, Provence Tourisme s'assure déjà que la publicité pour le territoire s'étale sur l'année et évite les pics de fréquentation. Enfin, si elle soutient le système de quotas dans les calanques de Marseille, mis en place il y a deux ans, Isabelle Brémond propose aussi de réfléchir à des choses toutes simples, comme une évolution dans les horaires des musées, pour les élargir jusqu'à 22 heures, l'été, quitte à les fermer aux heures les plus chaudes. « Et pourquoi pas, en plus du CityPass Marseille, qui peut donner accès aux transports en commun et aux musées, utiliser une partie de la taxe de séjour dont s'acquittent les touristes dans les hôtels pour mettre des bicyclettes à leur disposition ? », renchérit Philippe Mangeard.

Des quais électrifiés pour les ferries

Parmi les acteurs du territoire marseillais, le port et les compagnies de ferries ou de croisière tiennent une place de choix en matière de tourisme. « Sur les 17 grands ports mondiaux, très peu offrent une connexion électrique, un au Royaume-Uni et deux en Allemagne. C'est le cas de Marseille depuis 2017 sur les quais des ferries Corse, notamment, et en 2025, viendra l'accès à l'électricité pour les paquebots de croisière », rappelle Jean-François Suhas, président du Marseille Provence Cruise Club et président du conseil de développement du Grand Port Maritime de Marseille-Fos. En effet, les émissions des navires sont, à 90 %, dues au stationnement à quai. Sans accès à l'électricité, ils font tourner leurs moteurs à énergies fossiles pour assurer le fonctionnement à bord.

Reste à décarboner également les déplacements entre les terminaux du port et la ville, en particulier par voies d'eau. C'est ce qu'ambitionne la startup NepTech, née à Aix-en-Provence il y a trois ans, en misant sur l'hydrogène. Dès le printemps prochain, « nos navettes et bus fluviaux seront propulsés par batterie ou par électro-hydrogène », explique Tanguy Goetz, son CEO et co-fondateur. De plus, cette technologie protège la faune et la flore, car la propulsion se fait sans vibrations. « Nous ajoutons en outre de nouvelles briques technologiques pour réduire les besoins énergétiques et maintenir les performances opérationnelles des exploitants », poursuit-il. En effet, le modèle défendu par NepTech doit être éco-rentable, afin de susciter l'intérêt et l'investissement des opérateurs. Cette technologie renchérit certes de 15 à 20 % la mise initiale, mais en l'absence d'achats de diesel, elle est amortie en quelques années.

Analyse de la donnée, infrastructures, innovations : la nouvelle vision de l'éco-tourisme telle que la cultivent Marseille et le territoire est transversale. « Elle inclut à la fois l'économique et le social », résume Isabelle Brémond. Avec la notion bien ancrée de partage avec les habitants. Les énormes cars de touristes ont beau avoir été interdits aux abords de la basilique Notre-Dame de la Garde, les locations Airbnb, dans certains quartiers, tuent la vie sociale. Et les Marseillais se lassent des visiteurs. « Ce qui sert aux touristes doit aussi servir aux locaux », conclut Isabelle Brémond.

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