Transition alimentaire  : quels enjeux et solutions en Provence-Alpes Côte d'Azur  ?

En matière d'alimentation, Provence Alpes Côte d'Azur a des atouts. Première sur le bio, elle compte une grande diversité de cultures et de nombreux produits consacrés par des signes de qualité. Pourtant, il reste beaucoup à faire en matière de transition alimentaire. Car la région est bien loin de l'autosuffisance alimentaire. En outre, alors que le régime méditerranéen - reconnu comme l'un des plus vertueux pour la santé et l'environnement - pourrait être la norme, il ne l'est plus. Alors qu'il est urgent de changer nos systèmes alimentaires, comment proposer une alimentation de qualité, consommée localement et accessible à tous les habitants ? C'est tout l'objet d'un cahier du Grec Sud (déclinaison locale du Giec), publié en novembre 2022, inspiré du travail de 46 spécialistes de l'agriculture et de l'alimentation.
(Crédits : DR)

En matière d'alimentation, Provence-Alpes-Côte d'Azur est une terre de paradoxes. Une terre qui, malgré sa géologie et son climat, est parvenue à se doter d'une grande diversité de cultures grâce à ses grands ouvrages hydrauliques, à l'image de la Durance. Une terre qui fait office de meilleure élève en matière d'agriculture biologique (32 % de sa production est bio), proposant des produits à haute valeur ajoutée, consacrés par de nombreux labels... mais sur laquelle les agriculteurs peinent à joindre les deux bouts, et s'exposent à des pesticides dont la présence demeure importante. La région produit beaucoup de nourriture qui pourrait contribuer à sa souveraineté alimentaire. Pourtant, elle exporte 61 % de sa valeur agricole produite, alors que la consommation de produits agricoles et agroalimentaires est principalement issue d'importations.

C'est sur ces constats, ces paradoxes, que débute le cahier « Face au changement climatique, quels systèmes alimentaires et agricoles privilégier en région Provence-Alpes-Côte d'Azur », publié en 2022 par le Groupement régional des experts sur le climat Sud, à partir des connaissances de 46 spécialistes de l'alimentation et de l'agriculture. Un outil très riche, transversal, qui explique pourquoi notre « système agriculture-alimentation n'est aujourd'hui ni satisfaisant, ni durable ». Émetteur de 25 % des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle du pays - soit autant que la mobilité et l'habitat, il nuit fortement à la biodiversité et empêche à la nature de rendre ses services écosystémiques (maintien de la vie et de l'eau dans les sols, prévention des ravageurs par la chaîne alimentaire, ...). Il génère pollutions de l'air, de l'eau, des sols. Ce qui nuit à la santé humaine.

Un régime méditerranéen délaissé

Côté consommation, notre région dispose de nombreux atouts qui permettraient à ses habitants de revenir à un régime méditerranéen, caractérisé par une part dominante de produits végétaux, bruts et peu raffinés (légumes, fruits, légumineuses, huile d'olive, noix, amandes ...), de poissons, de produits laitiers et de volaille en quantité raisonnable, de peu de charcuterie, de viande rouge et de produits sucrés. Un régime reconnu parmi les plus vertueux en matière de santé et d'environnement, puisqu'il consomme 70 % moins de surfaces agricoles, 80 % moins d'énergie  et émet 70 % moins de gaz à effet de serre.

Pourtant, le régime alimentaire régional demeure trop riche en produits d'origine animales - dont la production génère un impact environnemental. Il contient trop de produits raffinés et ultra-transformés néfastes pour la santé. Exigeant une production et des besoins en transports néfastes pour l'environnement.

Comment revenir à ce régime méditerranéen ? Comment assurer une plus grande autosuffisance alimentaire ? Comment promouvoir une agriculture plus vertueuse pour la santé et l'environnement ? Le cahier du Grec Sud dresse plusieurs pistes. Et souligne quelques initiatives qui lui paraissent pertinentes.

Reterritorialiser l'alimentation

Parmi ces pistes, il est nécessaire de reterritorialiser notre alimentation en favorisant la consommation sur-place des productions locales, alors même qu'une part importante de la population n'a pas accès à une alimentation suffisante en quantité et/ou en qualité. Pour ce faire, le Grec suggère d'abord de préserver les exploitations agricoles existantes malgré les pressions foncières et la tendance à la concentration des parcelles, voire d'en créer de nouvelles. Il appelle aussi à « tisser ou retisser des liens entre la production agricole locale ou environnante et les habitants du territoire, sans multiplier les déplacements de petits volumes pour limiter l'empreinte carbone ». Pour ce faire, les groupements de consommateurs peuvent être intéressants. De même les communes pourraient « se mobiliser pour soutenir et renforcer la vente ambulante de produits locaux sur leur territoire, en encourageant la création d'une activité locale avec des emplois non précaires et à l'aide d'un véhicule écologique ». Autre piste : l'organisation de points de dépôts de produits locaux. Le Grec Sud recommande aussi le soutien des pouvoirs publics à l'autoproduction, autrement dit du jardinage, moyen de « reconnecter les habitants à l'agriculture, de mieux en cerner les contraintes et de saisir l'intérêt de soutenir les productions agricoles locales ».

En matière de souveraineté alimentaire, le Grec Sud explique que les Projets alimentaires territoriaux peuvent être un outil pertinent. Mais rappellent l'existence d'études selon lesquelles « les ambitions écologiques des PAT sont souvent invisibles ».

Défendre des modes de production plus vertueux

Côté pratiques culturales, le rapport défend l'agroécologie, qu'il définit comme reposant « sur les fonctionnalités écologiques de l'agrosystème », favorable à la biodiversité et capable de rendre les cultures plus résilientes face aux effets du réchauffement climatique, et de limiter ce dernier grâce à une absorption accrue de carbone par les plantes et les sols. La replantation de haies est également nécessaire en ce sens. Le dossier pointe par ailleurs les efforts de bon nombre d'agriculteurs pour réduire leur consommation d'énergie, s'attardant notamment sur le principe de serres bioclimatiques ou la production de gaz renouvelable grâce à la méthanisation.

Et l'agriculture ne se déroule pas que sur terre. La région est ainsi, rappelle le Grec, la première en matière d'aquaculture. Une pratique qui pour l'heure, « ne répond pas au triple impératif de nourrir l'humanité, préserver le climat et la biodiversité ». Mais qui, à condition d'importants efforts d'innovation, notamment en matière d'alimentation des poissons, pourrait « devenir une pratique régénératrice et réparatrice ».

Enfin, le Grec pointe une responsabilité forte des collectivités locales à travers les menus proposés dans les cantines. La présence dans ceux-ci de plus de produits végétaux et de moins de viande rouge pourrait par exemple réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre. De même, dans une région particulièrement inégalitaire, où le taux de pauvreté atteint les 17 % et où les structures de l'aide alimentaire sont submergées, les cantines, scolaires en particulier, ont un rôle à jouer, tant en matière de sensibilisation au mieux-manger (promotion du régime méditerranéen par exemple), que de réduction des inégalités alimentaires et - de fait - de santé.

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