Anima Investment Network ou comment le (discret) réseau œuvre (efficacement) pour l'équilibre économique entre les deux rives de la Méditerranée

Siégeant à Marseille, l’association Anima Investment Network fédère 70 organisations issues d’une vingtaine de pays de part et d’autre de la Méditerranée. Son ambition : favoriser l’investissement et la création d’activité économique, tout en répondant aux grands enjeux environnementaux et sociaux.
(Crédits : DR.)

Voilà des millénaires que les pays du pourtour méditerranéen se font face, partageant des problématiques communes : inégalités, pauvreté, migrations périlleuses, réchauffement climatique, affaiblissement de la biodiversité, quête de souveraineté économique...  Ils ont pourtant bien du mal à se parler. Et surtout à agir ensemble.

Un enjeu que l'on pourrait croire éminemment politique. Relevant de l'essor des grandes institutions. Mais à Marseille, une petite association de seize salariés a décidé de s'y attaquer.

Résorber les inégalités entre rives nord et sud

Anima Investment Network naît en 2006. Constatant un « écart de richesse important entre le Sud et le Nord de la Méditerranée », explique Emmanuel Noutary, délégué général de la structure. Pour résorber ces inégalités, « Anima veut contribuer à la convergence économique, à la réduction des écarts en faisant en sorte que les économies montent en gamme et captent plus de valeur ».

Il s'agit en fait de bâtir des ponts entre les pays pour que les flux financiers circulent de façon plus équilibrée sur l'ensemble du territoire. Et ce, au moyen de création d'entreprises et d'investissements s'inscrivant dans une logique de développement durable.

Pour cela, Anima s'appuie sur un réseau de soixante-dix organisations, publiques comme privées. « Nous travaillons avec des agences publiques de promotion de l'investissement comme Business France au niveau national. Mais aussi leurs équivalents locaux sur les territoires, des fédérations d'employeurs, des pôles d'innovation. Ou encore des organisations internationales comme l'Agence France développement, l'OCDE ... ». Sans compter les 400 experts et partenaires qu'elle sollicite en cas de besoin sur des sujets précis.

Un réseau qu'elle implique dans les différentes étapes de sa méthodologie de travail.

Du défi à l'opportunité

Une méthodologie qui commence par la détection des besoins. « Nos partenaires nous font remonter ceux qu'ils identifient. Il arrive parfois que nous menions nous-mêmes une étude pour faire un diagnostic ».

Et l'horizon des problématiques susceptibles d'intéresser Anima est très large : large proportion de jeunes dans la population de certains pays, taux de diabète élevés, dépendance alimentaire, urbanisation massive, accès à l'eau, gestion des déchets, transports ...

Autant de défis qu'Anima entend transformer en opportunités pour les entreprises et investisseurs du secteur privé, en lien avec les institutions publiques.

Une fois cette détection des besoins établie, place à la mobilisation des partenaires afin d'apporter des solutions concrètes. « Nous réunissions un consortium d'acteurs qui travaillent avec nous pour imaginer les solutions à développer et les manières de les financer. Et nous mettons à profit notre expertise en ingénierie, montage et gestion de projet ».

Dès lors, les projets menés peuvent être valorisés. « Nous diffusons les bons résultats. Nous organisons également tous les mois des webinaires dans lesquels nous partageons les connaissances. L'échange d'expériences peut aussi se faire au travers de voyages. Et parfois, une nouvelle initiative peut être engagée pour poursuivre le travail accompli ».

Vingt-quatre projets menés en quinze ans

Depuis sa création il y a quinze ans, l'association a ainsi conduit 24 projets pour lesquels elle est parvenue à lever 52 millions d'euros.

Parmi ces projets, un accélérateur de startup dénommé « The Next Society », qui a accompagné la création de 250 jeunes entreprises dans les domaines de l'alimentation, de la santé ou encore de l'énergie verte. « Nous les avons aidées à lever 4 millions d'euros, ce qui est significatif sur les marchés du Sud ». Et au-delà de l'accompagnement et de la mise en relation des entreprises, The Next Society agit aussi auprès des pouvoirs publics pour promouvoir des lois favorisant l'innovation. « Nous avons permis l'adoption d'un Crédit impôt recherche au Maroc et en Tunisie. Tandis qu'au Liban, nous travaillons sur une réforme pour inciter les chercheurs à valoriser leurs travaux de recherche sur le marché économique ».

Autre exemple : la constitution de coopératives de producteurs laitiers dans huit régions du pourtour méditerranéen afin de les aider à investir dans de nouveaux outils de production, de transport et de promotion de leur travail. « En Sicile, nous avons par exemple accompagné des producteurs en démarche slowfood dans la mise en place d'un site web pour l'export ». Tandis qu'en Grèce, c'est l'obtention d'un label pour la feta de Thessalie qu'a soutenu l'association.

Ou encore la création d'un outil visant à optimiser les choix d'investissement. « Lors du Printemps arabe, nous nous sommes rendu compte que la moitié des investissements réalisés dans les pays concernés n'avaient que peu d'impact localement. Nous avons donc créé Edile, un outil d'évaluation de l'impact environnemental, social, économique des investissements ». De sorte que les investisseurs, y compris publics, puissent choisir les projets qu'ils soutiennent en fonction de leur impact social, économique et environnemental. «Il est utilisé en Tunisie. Il a également été reconnu par la Commission méditerranéenne du développement durable ».

Anima travaille actuellement avec l'agence de développement économique Provence Promotion pour adapter l'outil à ses besoins.

La Méditerranée : nouvelle centralité économique ?

Si l'essaimage d'Edile fait partie des grands axes de travail d'Anima, l'association planche aussi sur la relocalisation économique autour de la Méditerranée. « L'Europe achète beaucoup à l'Asie plutôt qu'à l'Afrique ». Et ce, alors que produire et acheter dans les pays du Sud de la Méditerranée « ne coûterait pas plus cher », assure Emmanuel Noutary. « D'autant que nous avons avec ces pays des accords de libre-échange qui n'existent pas avec l'Asie. Que les coûts de transport explosent. Et que le climat est devenu un impératif pour tous»

Dans les prochains mois, l'association voudrait jouer la carte de la proximité en installant deux bureaux au Maroc et à Chypre. Mais Marseille demeure le cœur du réacteur. Porte sur l'Afrique et sur la Méditerranée, comme on le dit à loisir. « Nous sommes soutenus par la Ville et la Région depuis notre création. Les collectivités locales sont bien conscientes de cet ADN méditerranéen et africain ». Et plus que des intentions, Emmanuel Noutary constate une évolution dans la pratique. « Tous ces acteurs travaillent entre eux. Ils collaborent tous. Dans nos programmes, nous avons attiré à Marseille des startups qui sont accompagnées par des incubateurs locaux comme l'Accélérateur M, ou même Provence Promotion. Et qui perçoivent des subventions de la Région ».

Une coopération de tous qui pourrait contribuer à ériger de nouvelles centralités économiques et sociales. Pour continuer à compter dans un monde en plein chamboulements.

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