Quel avenir pour le tiers-lieu solidaire Coco Velten, à Marseille ?

Ouvert depuis 2018 au cœur de Marseille, ce tiers-lieu expérimental combinant hébergement social, bureaux, ateliers et espaces publics a occupé pendant trois ans un espace vacant de 4.000 mètres carrés appartenant à l’État. Fin 2021, a été annoncé le prolongement de l’expérimentation pour un an. Et après ? L’incertitude plane. De même que les questionnements sur la manière de pérenniser le projet.
(Crédits : DR)

Des escaliers aux rampes arc-en-ciel. Des couloirs en béton apparent qu'ornent des affiches annonçant des événements culturels. Des habitations sociales, des bureaux d'associations, des résidences d'artistes. Puis encore des escaliers. Une cantine-salle de spectacle. Jusqu'au toit-terrasse et son imprenable vue panoramique sur Marseille. La visite de Coco Velten, ce tiers-lieu qui occupe depuis un peu plus de trois ans les anciens bureaux de la Direction interdépartementale des routes, rappelle celle d'un labyrinthe, avec à chaque recoin quelque chose ou quelqu'un d'inattendu. « On est un peu une énorme colocation », s'amuse Ambre Jouve, fraîchement recrutée comme chargée de communication.

L'hospitalité comme maître-mot

Une colocation qui héberge en premier lieu 80 personnes sans domicile fixe. « Il y a cinq profils », liste Kristel Guyon, coordinatrice des partenariats. « On a des femmes victimes de violence avec leurs enfants, des familles issues de bidonvilles, des personnes avec des problèmes d'addiction ou sorties de prison, ainsi que des jeunes majeurs éloignés de l'emploi ». Des personnes à qui Coco Velten propose également quelques chantiers d'insertion.

Mêlés à ces logements, des bureaux d'associations, de petites entreprises et des ateliers d'artistes.  « Il y en a 42 ». Soit environ 150 personnes qui y travaillent.

S'ajoutent à cela plusieurs espaces ouverts au public : salle de spectacle, cantine solidaire, toit-terrasse où « chacun peut venir planter les graines de la grainothèque. On peut aussi en prendre pour chez soi », assure Hamza, un habitué des lieux très impliqué dans les activités de jardinage.

Bien que très divers, les usages permis par ce lieu ont néanmoins un point commun : l'hospitalité. Que ce soit pour les personnes à qui il offre un toit, pour les artistes, jeunes et/ou émergents, qui peuvent se tester, pour le restaurant où l'on n'est pas obligé de consommer ... Et cette hospitalité doit aller de pair avec un autre principe : la mixité des publics. « On propose souvent une double programmation pour faire se croiser des publics qui n'ont a priori pas l'habitude de se parler. On a par exemple accueilli le repas solidaire de Ramina [un réseau citoyen d'aide aux jeunes réfugiés, ndlr] en même temps qu'un vernissage d'art contemporain. Les jeunes réfugiés ont pu visiter l'exposition et les personnes venues pour le vernissage ont participé au repas solidaire. Cela ne marche pas toujours, mais on essaie », sourit Kristel Guyon.

Répliquer le modèle parisien des Grands voisins

A l'origine du projet, une initiative portée dès 2017 par la Préfecture de région en vue d'expérimenter de nouveaux modèles d'action publique, le Lab zéro. A Marseille, l'enjeu est notamment de trouver des solutions d'hébergement pour les 14.000 sans-abris que compte la Cité phocéenne. Faut-il les accueillir dans des bâtiments vacants appartenant à l'État ? La Préfecture de région est plutôt réticente, jusqu'à ce qu'à une visite Des Grands voisins à Paris, un projet similaire. Naît alors envie de répliquer localement le projet, en impliquant les mêmes porteurs de projet que sont Yes We Camp, Plateau urbain et la fondation Aurore (finalement remplacée par le groupe SOS Solidarité faute d'antenne à Marseille).

C'est alors que les anciens bureaux de la DIR semblent constituer le lieu idoine avec ses 4000 mètres carrés situés en quartier politique de la ville, et une inoccupation garantie pendant 3 ans du fait d'un contentieux sur le prix de vente entre la Ville de Marseille et l'État.

Ainsi, l'expérimentation est censée courir jusqu'au 31 décembre 2021. Sauf qu'entre temps, la mairie de Marseille a changé de camp politique, et que le projet d'école à cet emplacement ne semble plus certain.

Un an de prolongation... et une pérennisation ensuite ?

En novembre dernier, les porteurs du projet apprennent alors son prolongement d'un an, avec le maintien de la subvention versée par la Préfecture, « le temps de concrétiser le projet de rachat avec la Ville ». Un rachat pour lequel plusieurs options sont envisagées. « Soit nous réalisons un rachat citoyen dans lequel la Ville serait co-investisseur. Soit la Ville rachète tout et alors il faudrait penser à un autre format, avec peut-être un bail emphytéotique ».

Se posera par ailleurs la question de l'évolution du modèle économique, alors que Coco Velten s'appuie pour l'heure sur 60 % d'auto-financement et 40 % de financements publics et privés. « Est-ce qu'on deviendra une délégation de service public ? Une scène conventionnée ? Comment garder les générosités actuelles dans un modèle économique plus contraint ? Nous sommes encore au tout début de la réflexion ».

Une réflexion qui impliquera par ailleurs les usagers du lieu, les habitants du quartier et les nombreuses structures partenaires, pour déterminer les services à maintenir, les besoins auxquels répondre.

Qui plus est, si projet de pérennise, il faudra également engager de lourds investissements pour la mise aux normes en tant qu'établissement recevant du public. « On pourrait peut-être demander une subvention d'investissement dans le cadre du Plan France Relance », imagine Kristel Guyon.

Les interrogations sont aussi nombreuses que l'incertitude quant à l'avenir du bâtiment. « Ce serait dommage de tout arrêter alors que la mayonnaise commençait à prendre », s'inquiète Kristel Guyon. « On ne voudrait surtout pas partir et voir le bâtiment rester vide ».

Des traces dans le quartier et au-delà

Quoiqu'il en soit, Coco Velten a laissé une empreinte dans le quartier. Pour les 150 personnes qu'elle a mises à l'abri depuis le début de l'aventure. Pour les associations de proximité avec lesquelles elle a tissé des liens, notamment pour faire face à l'urgence alimentaire générée par le covid-19.

Et hors du quartier, « nous sommes souvent sollicités par des porteurs de projet. Nous avons aussi participé à la mise en place d'un Diplôme universitaire sur les espaces communs à l'Université de Marne-la-Vallée ». Diplôme qui intéresse des porteurs de projets mais aussi des collectivités locales soucieuses de conférer une utilité à leur foncier inoccupé. Pour que le projet essaime, ailleurs, sous d'autres forme. Toujours au plus proche des besoins.

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