« Ce n’est pas parce qu’une entreprise n’est pas une startup qu’elle ne fait pas de l’hyper-croissance » (Jonathan Laroussinie, Rise Partners)

Alors que la fin du quoi qu’il en coûte est là, que les taux espérés de croissance ne cessent de monter, que l’on répète à l’envi que l’argent est disponible, le regard se porte presque plus facilement post-crise sur ces petites et moyennes entreprises, dynamiques, solides, agiles qui elles aussi innovent, inventent, créent de nouveaux usages et qui méritent la même attention que les jeunes pousses tout juste écloses. Car dans la volonté de relance de la France, ce sont bien ces sociétés dites en hypercroissance qui sont capables de jouer l’effet d’entraînement, explique le dirigeant du cabinet spécialisé dans le conseil à l’innovation, basé à Sophia-Antipolis.
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LA TRIBUNE - Rise Partners, que vous dirigez, accompagne les entreprises en hyper-croissance. On rappelle ce que signifie ce terme ?

JONATHAN LAROUSSINIE - Une entreprise est considérée comme étant en hypercroissance dès qu'elle génère une croissance de son chiffre d'affaires de plus de 40%, qu'elle va doubler de taille en 24 mois, et cela, rarement par croissance organique. C'est donc parce qu'elle possède une innovation qui rencontre un marché. Cette entreprise va devoir se structurer pour livrer, pour continuer à vendre. L'investissement qu'elle a consacré au développement de son produit ne va pas générer des retombées financières immédiatement. Il faut donc aller chercher du financement complémentaire, c'est pour cela que l'entreprise lève des fonds, pour renforcer les fonds propres, possédant un consortium non dilutif, bancaire, régional, avec toutes les solutions de financement public qui existent. La notion d'hypercroissance est une conséquence de l'accessibilité que nous avons à tout - via le smartphone notamment - tout de suite, à cette immédiateté de solutions, à cette immédiateté de consommation. Il faut aller vite, on n'a plus le choix, car si on ne le fait pas, d'autres le feront. On est dans un monde de compétition.

On a aussi beaucoup parlé des startups. On évoque désormais de plus en plus la scale-up...

Une startup, c'est un entrepreneur parti de rien, qui crée une solution. Une scale-up, c'est une startup qui a atteint une certaine maturité, qui possède un actif validé, pérenne et qui entre dans un schéma d'industrialisation de son modèle. Après 5 ans d'existence, la startup entre dans un modèle de scale up car elle possède une certaine inertie de business. C'est un autre schéma de financement, mais aussi d'organisation, de gouvernance de société. C'est une question de passion. C'est la passion de créer, du management, du recrutement, de travailler en équipe - car sans un capital humain, il n'y a pas d'entreprise - c'est la passion de résoudre des problèmes en permanence. S'il y a un talent que l'entrepreneur doit maîtriser, c'est celui de la communication. Il doit être un bon communicant vis-à-vis de ses actionnaires, de ses partenaires, de ses clients, de ses équipes. Son rôle, c'est de communiquer, car il est le premier représentant de sa société. S'il n'a pas ce talent-là, c'est compliqué.

L'hyper-croissance concerne aussi bien les jeunes pousses que les PME déjà installées...

On voit en effet de plus en plus de PME venir nous chercher. Beaucoup se disent, pourquoi moi aussi ne me ferais-je pas financer ? L'argent est disponible pour les startups, pourquoi pas pour ma PME ? Ce sont souvent des sociétés dirigées par des entrepreneurs qui ont de l'expérience, la moyenne d'âge se situe autour de 35-45 ans. C'est une tranche d'âge qui bénéficie de maturité professionnelle, qui connaît ses limites et qui a conscience que l'entreprenariat est un domaine où on est désespérément seul.

Provence Alpes Côte d'Azur est composée de bassins très différents, avec des écosystèmes spécifiques. Cela lui confère quelle force d'attractivité, notamment sur des talents ?

Comme dans toutes régions, la réponse n'est pas unique. L'entrepreneur doit se dédouaner de la politique, ce n'est pas son rôle. Le seul dénominateur commun, c'est l'humain. Il y en a beaucoup en entreprise, il y en a beaucoup en politique. Garder une équipe avec une motivation élevée, un bon niveau de capital humain, cela reste compliqué. Ceci mis à part, l'entrepreneur a tout pour se développer ici, ne serait-ce grâce aux infrastructures de réseaux, de communication, aux infrastructures de transport, extrêmement accessibles. Le territoire offre des compétences, une expertise, un réseau, des infrastructures adaptées à l'implantation d'un écosystème ultra-dynamique tel que celui de l'hypercroissance.

Nous recevons des porteurs de projets qui regardent la région comme territoire d'implantation. Et il ne faut pas le voir qu'au niveau national mais aussi au niveau international. Nous sommes d'ailleurs en train de développer des liens forts avec d'autres pays d'Europe en termes d'accélération. La France reste un très grand marché, mais reste aussi un marché compliqué. En simplifiant l'accès au marché français, on attirera d'autres types d'entreprise. Et pour tout cela, nous n'avons pas de politique pour le faire.

Certains secteurs sont-ils en train d'émerger, de se renforcer ? On évoque beaucoup les deeptech comme les entreprises disruptives...

La deeptech, c'est la capacité à créer une technologie qui apporte un plus à une industrie. Cela prend du temps, le cycle de création est de deux à cinq ans pour créer l'apport technologique et après nous sommes sur un cycle de création d'entreprise à partir de cette technologie, de deux à cinq ans. La deeptech c'est super, mais c'est à horizon de dix ans. C'est indispensable pour nous donner une compétitivité future, dans dix ans et c'est stratégique pour un territoire, pour un pays. Mais on n'a pas attendu l'hypercroissance pour faire de la deeptech. Avant, on appelait cela des projets de R&D.

Il existe aussi une difficulté à transformer les innovations nées dans un laboratoire en projet d'entreprise...

On en revient à la France, un pays ultra généreux qui finance les Sociétés d'accélération de technologies (SATT), des centres de recherche mais qui est d'une complexité incroyable lorsqu'il s'agit de mettre cela à disposition d'un marché. Trouver les financements, les compétences pour faire basculer un projet de recherche vers un applicatif, c'est compliqué.

Quels sont donc les secteurs qui émergent ?

Nous croyons beaucoup à l'innovation d'usage. Lorsqu'elle fonctionne, elle est révolutionnaire. C'est très tendance, et ce, quel que soit le secteur. Il y a aussi tous les projets liés à la réindustrialisation, à l'industrie 4.0, c'est-à-dire comment on va essayer de produire quelque chose sur un territoire donné, qui fait du sens. Et puis il ces petites PME, qui font de l'innovation, qui ne sont pas des startups, mais qui, si on leur applique les critères de valorisation de la startup, s'envolent. Il y a donc tout un travail d'éducation de l'écosystème financier pour faire comprendre que ce n'est pas parce qu'une entreprise n'est pas une startup qu'elle ne fait pas de l'hypercroissance. Il y a trois niveaux très importants dans une entreprise qui est la solidité financière, l'équipe, à qui il faut donner une raison d'être et la mission. Tout cela est interdépendant. Fédérer les partenaires de l'hypercroissance, c'est notre rôle.

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