Hervé Martel - GPMM : « Être un port entrepreneur ne signifie pas modifier notre métier de base »

DOSSIER - Episode 1/3 - Alors que le projet stratégique 2020-2024 a été adopté il y a près de trois mois, le président du directoire de Marseille-Fos détaille la stratégie du deuxième port de France, comment l’évolution de la consommation impacte son propre modèle économique et le pousse à l’innovation. Ou il est aussi question de fluvial, de ferroviaire et… de garder, bien en tête, les fondamentaux…
(Crédits : DR)

Marseille-Fos est entré dans une nouvelle dimension. De conquête, d'affirmation de ses atouts, de positionnement différenciant. Bref, un port, le premier de France, qui veut concilier - c'est le projet stratégique qui le dit - croissance économique et excellence environnementale. Pour l'accompagner, un budget de 350 millions d'euros, injectés en 4 ans sur la période 2020-2024, dont les deux tiers sont consacrés aux projets de développement.

Incubateur d'innovation

Et dans le projet stratégique, figure cette volonté de faire de Marseille-Fos, encore plus qu'auparavant, un port entrepreneur. Une orientation qui n'est pas une lubie mais qui, au contraire, s'inscrit « parfaitement dans la stratégie nationale portuaire », fait remarquer Hervé Martel. Et qui, dit le président du directoire, répond à un double constat. D'abord celui d'un modèle économique qui évolue. Le pétrole étant moins consommé, il est nécessaire de trouver des relais de croissance. Pourquoi alors ne pas valoriser le foncier dont le port dispose tout en profitant de la période de transition rapide qui se joue, autant d'un point de vue énergétique que numérique. « Ces transitions représentent des relais de croissance », acquiesce Hervé Martel. Et l'opportunité de monter dans la chaîne de valeur. Concrètement, l'idée est de prendre des participations dans des projets qui concernent l'immobilier logistique, l'énergie - « sous toutes ses formes. Nous le faisons déjà » - et le numérique. Avec un bout de ligne, l'incubation de jeunes entreprises qui s'inscrivent dans une démarche smart port. Un métier nouveau, Hervé Martel ne le cache pas, qui nécessite évidemment de trouver les compétences capables d'accompagner le port sur ce nouvel axe. « Cela suppose de bien analyser les risques et de trouver de bons partenaires ». On rappellera que l'écosystème marseillais n'est pas dépourvu d'acteurs capables de ce type de collaboration partagée. Mais le président du directoire de rappeler aussi que « cela ne doit pas modifier notre métier de base ». Ni faire « oublier les fondamentaux. Nous prenons des risques avec prudence. Notre ambition est assez forte, elle nécessite des compétences idoines ».

L'enjeu « collectif » de la formation

Un port qui s'ouvre donc à de nouvelles activités, ce qui contribue aussi à démontrer que les métiers portuaires évoluent. Un sujet qui n'est pas très éloigné des enjeux stratégiques. D'autant que le port possède son propre centre de formation. « Nous devons consolider les métiers traditionnels mais également accueillir des métiers un peu nouveaux. A l'échelle du port et de la place portuaire, la gestion des compétences est un enjeu majeur ». Car il est aussi question de susciter des vocations sur le territoire même. « Nous avons un travail à mener afin d'expliquer la pluralité des métiers portuaires », reconnaît d'ailleurs Hervé Martel. On sait l'Union Maritime et Fluviale (UMF) être aussi attentive au sujet. « C'est un sujet collectif », répond Hervé Martel. C'est là où peut intervenir également le lien entre le port, la place portuaire et le monde universitaire. L'idée d'un Port Center, qui crée le lien avec les habitants et qui pourrait, entre autres, être une jolie vitrine pour faire connaître les différents métiers est une solution sérieusement envisagée et, dit Hervé Martel « qui me tient particulièrement à cœur ».

Marseille-Tanger, la bonne idée

Si l'innovation est souvent technologique, elle prend aussi d'autres formes. Dont cette ligne Ropax entre Marseille-Fos et Tanger-Med, initiée par La Méridionale, il y a quelques semaines. Une innovation car l'idée, si elle n'est pas nouvelle dans l'approche, l'est dans la réalisation. Une initiative que soutient fortement le GPMM. « Cela fait longtemps que le port se positionne sur le Ropax. Le passager et le transport de fret sont deux segments, qui habituellement, ne se parlent pas. De façon générale, le trafic de remorques est important pour nous. Et il existe des ambitions de croissance ». Des remorques, qui, arrivées à Marseille, peuvent être connectées sur le ferroviaire et ainsi permettre de viser l'Angleterre, la Suisse ou encore l'Est de la France. « La connexion avec le Nord de l'Europe doit trouver sa place ».

Ferroviaire, fluvial... le multimodal, défi clé

Autre sujet d'importance, le report modal. Qu'Hervé Martel préfère appeler offre multimodale. « Il faut des terminaux pour charger des trains et nous y travaillons. Il faut notamment pouvoir passer dans les tunnels, ce qui pose la question du gabarit. Le ferroviaire est un enjeu majeur pour le développement du GPMM ». Un sujet qui existe de discuter en partenariat avec SNCF Réseau, notamment pour faire la liaison fluide avec le réseau national. « L'entrée par le Sud semble s'imposer, ce qui est bien pour les chargements qui adresse l'Europe. Mais le ferroviaire est aussi important sur les bassins ouest », note Hervé Martel. « Nous reconfigurons le ferroviaire pour traiter de façon optimum la rupture de charge ».

Mais, « le ferroviaire ne se limite pas au conteneur » dit aussi Hervé Martel. L'offre ferroviaire passe également par des quais de chargement dans les zones logistiques en proximité, comme Distriport ou Clésud. Par un doublement de la ligne, aussi, peut-être, à plus au moins court terme. « Tout le système ferroviaire est en cours de reconfiguration pour engendrer cette dynamique ».

Et si on continue de parler multimodalité, on ne peut évidemment pas ignorer le fluvial, qui figure bel et bien dans le projet stratégique. Un mode de transport mis à mal par les ruptures de charge. Ce qui signifie travail à mener « sur la fluidité de l'interface des terminaux », ce que le GPMM effectue notamment au sein de l'association Medlink. « Au travers des indicateurs de performance, il faut collectivement travailler sur le transfert entre navire et bateauL'image du transport fluvial c'est d'expliquer que c'est une solution logistique performante. C'est un beau défi, collectif ».

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