Emploi : offre et demande, à quand l’adéquation ?

C’est l’éternelle question dès lors que l’on aborde le chapitre de l’emploi. Si elle est le fait de causes plurielles, l’inadéquation entre l’offre et la demande devra forcément faire l’objet d’une multiplicité de réponses, ce sur divers fronts, pour que son sort soit enfin réglé.

Reprise économique oblige, la région connaît l'état de grâce en termes de recrutement. Selon les derniers chiffres Pôle Emploi PACA, 357 401 demandeurs d'emploi ont retrouvé une activité en 2017. C'est 18 564 de plus qu'en 2016. Les cadres ont connu une situation encore plus bénéfique : avec 13 850 embauches et 4 790 créations de nouveaux postes, 2017 a fait figure pour eux d'année record. "Avec un taux de chômage de 4,5 %, on connaît une situation de plein emploi", analyse Bruno Jonchier, délégué territorial Apec. Pour autant, tout cela ne veut pas dire que les deux mondes en question, demandeurs d'emploi d'un côté, entrepreneurs de l'autre, se rencontrent toujours. Ainsi, 20 000 emplois demeurent non pourvus sur le près de 1,9 million que compte la région.

Diagnostic

Mais tout d'abord... quelles sont les causes de cette inadéquation ? Touche-t-elle des filières en particulier ? Pour Thierry Lemerle, directeur régional Pôle Emploi, elle est surtout le fait de "cinq secteurs : le commerce, les services à la personne, les services aux entreprises, les transports et la logistique et l'hôtellerie restauration". Du côté des cadres, Bruno Jonchier pointe du doigt l'impact du digital : "parmi les prévisions d'embauche en 2018, 40 % des recrutements sont portés par cette transition numérique, 21 % par le commercial. Lorsque l'on est dans cet ordre de chiffre, on se trouve forcément dans une situation frictionnelle". Mais au sein de l'Observatoire Régional des Métiers PACA Céline Gasquet, sa directrice, entend plutôt raisonner en termes de métiers. Et plus précisément de métiers en tension, un objet d'étude privilégié pour l'entité, sollicitée par la Région pour produire des analyses sur cette thématique. "L'idée est d'identifier les métiers en tension sur le long terme. L'ORM en a dénombré 54, ils sont issus de tous les secteurs : BTP, commerce, informatique... 21 de ces métiers ont été jugés prioritaires pour conduire une démarche d'analyse globale". Dans le viseur, les professions de boucher, boulanger, dessinateur en bâtiment, technicien informatique, technicien de l'environnement, télévendeur... "Nous nous sommes attachés à comprendre pourquoi les employeurs éprouvaient des difficultés à recruter. L'unique cause avancée est le déficit de formation. Or, non seulement ce n'est pas la seule raison, mais en plus, ce n'est pas le cas le plus fréquent".

Quel diagnostic ?

Parmi les autres causes mises en exergues par l'ORM, des problématiques d'information et d'orientation. Ainsi certains métiers ne seraient  pas suffisamment connus, les jeunes n'y pensent donc pas dès lors qu'il s'agit de bâtir leur avenir. "Autre problématique, celle de l'attractivité du métier. Parfois c'est fondé, lorsque les conditions de travail sont précaires ou difficiles ... Mais parfois, ça ne l'est pas". Communiquer pour changer d'image apparaît donc comme une priorité. Le monde de l'industrie, lui aussi en mal de main d'œuvre et victime de préjugés, en sait quelque chose... "Il faut faire comprendre que ce secteur a changé, que ce n'est plus celui du XIXe siècle : il s'agit aujourd'hui d'énergies propres, de salaires plus élevés que la moyenne nationale, de formations plus pointues", expliquait récemment Alexandre Saubot, président de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie venu à la CCI Marseille Provence au deuxième forum de l'industrie de demain. Dernier facteur explicatif évoqué par Céline Gasquet, "il est souvent difficile de lancer une procédure de recrutement dans une petite entreprise. Elle exprime difficilement ses besoins".

Il n'en reste pas moins que la question de la formation demeure centrale. "Aujourd'hui, à l'échelle régionale, 80 % des chômeurs n'ont pas le bac. Or, les pays les plus formés affichent un moindre taux de chômage", martelait récemment Pierre Grand-Dufay, président de la commission Economie et Emploi à la Région Sud Provence Alpes Côte d'Azur. Tout cela alors que transition numérique oblige, le marché du travail s'avère de plus en plus exigeant, induit une élévation générale du niveau de la formation et une montée des compétences. Un constat de même augure est réalisé au sein de l'Apec, malgré la situation favorable évoquée plus haut. Car divers publics éprouvent des difficultés à trouver un emploi, dont les tous jeunes diplômés : "ils arrivent sur le marché du travail et ne sont pas formés en fonction de la réalité. Ce sont des jeunes dont la formation initiale ne permet pas de coller complètement aux compétences requises par les entreprises. Les recruteurs peuvent avoir des critères de sélection trop drastiques, bien sûr... Avec des actions de formation courtes et bien ciblées, il est possible de faire se rencontrer ces deux mondes. Mais on n'ignore pas non plus qu'il existe un vrai sujet autour de l'orientation. Si les débutants sont moins courtisés, cela veut dire aussi que notre monde éducatif n'est pas adapté aux besoins".

Quelles solutions ?

Dès lors, quand il s'agit des jeunes, la réponse la plus adaptée pour Bruno Jonchier et Jean-Luc Monteil, président du MEDEF PACA, tient en un mot : apprentissage. Si le premier évoque son intérêt en termes d'acquisition d'expérience, le second n'hésite pas à rappeler qu'en "Allemagne et en Suisse, s'il y a peu de chômage, c'est aussi parce qu'il y a peu de bacheliers". L'Allemagne qui compte trois fois plus d'apprentis que la France... D'autres facteurs que la seule mise en œuvre de l'apprentissage entrent certainement en ligne de compte dans la performance de ces deux pays. Il n'empêche que pour Jean-Luc Monteil, elle représente un outil de choix pour résoudre la question de l'inadéquation de l'offre et de la demande. Tout d'abord parce qu'en début de parcours, le jeune se trouve en prise directe avec le marché du travail. "S'il ne trouve pas d'entreprise dans son domaine d'apprentissage, c'est qu'il  ne s'agit pas d'une filière porteuse d'emploi". C'est un peu pour cela que le MEDEF a conçu l'outil digital To My Job, plateforme géolocalisant  l'alternant, son centre de formation, son entreprise. "Il s'agit d'un modèle évolué, agile. En quelques clics, le contrat est édité entre les trois parties. Le site regroupe de fait de la data, cela donne une photographie d'un secteur". Rien de tel pour anticiper les besoins de demain et faire un peu de prospective...

Mais pour que l'apprentissage soit vu comme une solution d'orientation par la majorité, encore faut-il  qu'il règle son déficit d'image... ce n'est pas gagné. Pour Jean-Luc Monteil, peut-être faudrait-il aller jusqu'à changer le nom d'apprenti, communiquer sur le fait que la voie de l'alternance est moderne. "En PACA, certains élus comprennent que l'apprentissage a des vertus, ce jusqu'au supérieur. A titre d'exemple, le CFA Epure, c'est  3200 alternants sur 74 filières, jusqu'à bac +5, et cela marche très bien". Ce n'est pas le seul bémol observé par la patron des patrons régionaux : "un certain nombre de dirigeants hésitent à embaucher en apprentissage, parce qu'il faut mobiliser du temps, du personnel pour des jeunes qui ne connaissent pas le job. Il faut trouver un système pour que l'effort de l'entrepreneur et de l'entreprise soit davantage valorisé, pour que le coût de recrutement de cet apprenti ne soit pas un obstacle à son embauche. Ce que je regrette dans la réforme actuellement en discussion, c'est que si l'objectif est de faire plus d'apprentis, elle occulte deux choses : le coût et la valorisation des filières".

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