Fralib : Victoire à la Pyrrhus des salariés

Les anciens salariés du seul site français de production de thé et infusions sous la marque Élephant, condamné à la fermeture par Unilever depuis 2010, obtiennent après plus de trois ans de lutte des concessions sans précédent. Un chèque d'une valeur de 19,1 M? assorti de mesures d'accompagnement de nature industrielle et commerciale.


Le dossier, qui était géré au niveau national par le ministère au Redressement productif d'Arnaud Montebourg, faisait partie des points chauds de l'actualité sociale du département des Bouches-du-Rhône et était sans aucun doute, avec la SNCM, celui qui a eu le plus de portée médiatique au-delà des frontières administratives du territoire. Avec la signature le 25 mai d'un protocole d'accord d'une valeur de 19,1 M€ sous la forme d'indemnités pour le personnel et de mesures destinées à accompagner le démarrage d'une société coopérative et participative gérée par des anciens salariés, c'est un long chapitre judiciaire qui se clôture et une page industrielle qui va pouvoir s'ouvrir.

1 336 jours

Les 76 salariés de l'(ancienne) usine de thé et d'infusions sous la marque Éléphant Fralib de Gémenos étaient en guerre ouverte contre le conglomérat anglo-néerlandais Unilever depuis l'annonce en 2010 de fermer son unique site en France qui employait 182 salariés. Entre la décision de fermeture, l'arrêt effectif de la production en juillet 2011, la fermeture effective en septembre 2012 et ce jour "historique" pour le syndicat CGT, il se sera donc écoulé plus de trois ans, jalonnés par des manifestations, occupations des lieux, pratiques d'un syndicalisme violent avec séquestration du directeur du site, menaces d'évacuation par la force, trois plans différents de sauvegarde de l'emploi (PSE), ayant fait l'objet de recours devant la Cour d'appel et annulés en justice, plusieurs projets de reprise avortés.... Le tout entrecoupé d'échéances municipales qui ont vu les candidats instrumentaliser le site.

Dialogue rompu

Emmenés par la CGT, les 76 "travailleurs", qui arborent aujourd'hui sur leur T-shirt le nombre de jours de "lutte" soit 1 336, refusent depuis le début d'entendre les raisons évoquées par leur propriétaire pour justifier la fermeture - trois de leur usines (sur 4) suffiraient à assurer les besoins du marché de l'Europe de l'Ouest - et portent un projet alternatif sous forme de SCOP en vue de poursuivre l'activité de l'usine sans Unilever à qui ils avaient demandé dans un premier temps de leur céder l'outil de production, un volume de sous-traitance ainsi que la marque Eléphant. Suite à un accord trouvé entre la Communauté urbaine de Marseille (sous la présidence de l'ancien élu socialiste Eugène Caselli) et les SCI Gounod-Gémenos et Gounod-Joucques pour le rachat du site, Unilever avait fini par signer un protocole de cession des machines, d'une valeur de 7 M€ mais a toujours exclu de livrer la marque Éléphant. Puis englués dans les procédures judicaires, les deux parties avaient fini par rompre tout dialogue jusqu'à ce que la décision fin 2013 du TGI de Nanterre astreigne le groupe à verser de 3 000 à 10 000 euros par jour s'il ne reprenait pas les discussions sur un quatrième PSE.

Aide à l'amorçage
"C'est la preuve qu'il n'y a pas de fatalité, que la lutte paie, que l'on peut l'emporter contre des mastodontes"
a réagi en boucle dans les médias Olivier Leberquier, l'un des responsables CGT. Le syndicat assure que "cet accord permet d'ouvrir de réelles perspectives de construction de notre SCOP." Toujours selon les représentants CGT, Unilever se serait engagé à accompagner à l'amorçage de l'activité notamment par une contribution financière au fonds de roulement, à la formation des salariés et à la modernisation de l'outil industriel. Sur un plan commercial, la multinationale de l'agro-alimentaire doit aider à la recherche de débouchés, à la réalisation d'une étude de marché, à la construction d'une marque propre et au renforcement de l'appareil commercial et administratif. Dans un communiqué en date du 27 mai, Frédéric Faure, président de Fralib, évoque "un accord équilibré qui met définitivement fin à ce conflit et à toutes les procédures en cours (...) permettant à chacun de se projeter dans des projets d'avenir, en toute indépendance", sans détailler le contenu du protocole si ce n'est "l'accompagnement social des 14 derniers salariés concernés", "les conditions de l'indemnisation des anciens salariés qui n'ont pas encore transigé individuellement à ce jour", et "un volet financier destiné à soutenir le possible démarrage d'une SCOP totalement indépendante."

Modération syndicale

Il reste désormais à transformer l'essai. Énorme challenge pour les porteurs du projet qui espèrent démarrer la production en fin d'année avec une soixantaine d'emplois. "On n'a pas lutté pour obtenir un gros chèque, mais un outil industriel pour rebondir. Rien n'est encore gagné jusqu'au redémarrage de l'usine et la concrétisation du projet", a ajouté le délégué CGT Olivier Leberquier. Une modération toute nouvelle...

A.D

Photo : Les Fralib devant la préfecture de région PACA à l'occasion d'une de leurs nombreuses manifestations

©Pennant


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