Sur la Côte d’Azur, le tourisme durable prend corps

Qu’est-ce que le tourisme durable ? Sur la Côte d’Azur, c’est sans conteste un positionnement fort, une volonté commune à l’ensemble des acteurs d’activer ce levier environnemental, sociétal, économique qui préside aux destinées d’un secteur capital pour le territoire azuréen. Dans le cadre de sa stratégie de développement tournée vers l’accompagnement des filières d’excellence régionale, la Caisse d’Epargne Côte d’Azur s’est logiquement emparée du sujet en concentrant son expertise au sein d’une structure dédiée, Territoire Tourisme, lancée officiellement le 17 octobre 2023 à Cannes. L’occasion pour la banque coopérative régionale de décrypter, à travers deux tables-rondes, les enjeux du tourisme durable sur la Côte d’Azur et les solutions qui existent pour l’y ancrer… durablement.
(Crédits : DR/CECAZ)

Sur la Côte d'Azur, le secteur touristique pèse plus de 15% du produit intérieur brut (PIB), génère 5,5 milliards d'euros de retombées économiques directes et occupe 75.000 emplois, 150.000 si l'on y inclut les indirects. C'est dire l'héritage encore vivace des pionniers du XVIIIe siècle qui ont posé les premiers jalons constitutifs du tourisme sur ce territoire. Si celui-ci s'est depuis éloigné de ses composantes originelles, il n'a cessé d'évoluer, de se massifier, de se solidifier, prompt à relever les défis de son temps où la notion de durabilité domine. Comme celui de la désaisonnalisation, qui vise à diffuser la fréquentation dans l'espace (le moyen et haut pays) et le temps (sur les 4 saisons). Celui, aussi, du respect environnemental et sociétal devenu au fil du temps, et des effets visibles du réchauffement climatique, un des fils d'Ariane du secteur.

Le label pour montrer son engagement

«Le touriste, qu'il soit d'affaires ou de loisirs, est imprégné aujourd'hui d'une démarche environnementale qui influe sur ses choix professionnels ou personnels » , constate Frank Goldanel, président du directoire des Aéroports de la Côte d'Azur, deuxième infrastructure aéroportuaire de France et première à avoir obtenu, dès 2018, l'Airport Carbone Accreditation niveau 3+. Elle s'est engagée à parvenir en 2030 à la pleine neutralité carbone sans compensation. « Il s'agit de démontrer que nous avons pris à bras le corps la problématique de l'empreinte carbone dans notre offre. Nous sommes la porte d'entrée et de sortie du territoire, à ce titre nous devons être à l'unisson du message véhiculé par tous. » . A savoir, afficher son engagement, sa position affirmée vers une activité touristique plus vertueuse, certifications à l'appui.

C'est ce que fait le Palais des Festivals et des Congrès de Cannes, estampillé depuis décembre 2022 entreprise à mission. « C'est une réponse à nos clients, organisateurs d'événements et exposants, qui nous demandent des garanties liées à l'environnement. », explique son directeur général, Bruno Desloques.« En France, poursuit Alexandre Vautrin, chef de projet chez KPMG, environ 7% des 20 000 hébergements touristiques détiennent un label vert. Cela dénote un début de prise de conscience qu'il est important d'accélérer. ». A l'échelle azuréenne, on en compte une trentaine sur 600 établissements. L'offre, toutefois, se structure et ils devraient être une centaine l'année prochaine. Cette accélération est perçue avant tout comme « une démarche de progrès du territoire, souligne Claire Béhar, directrice du Comité régional du Tourisme (CRT) Côte d'Azur France, même si le label durable devient, on le voit notamment chez Booking, un critère de sélection. ».

Une destination globale

Si le label compte, il ne suffit pas pour autant. Le développement durable nécessite une cohérence d'ensemble, un jeu collectif mobilisant l'entièreté de la chaîne de valeur, puissance publique comprise. En témoigne le sujet de la mobilité : « Avec le train, le tram, le bus, les 320 kilomètres de pistes cyclables, sur la Côte d'Azur, on peut se déplacer de façon quasi neutre en carbone. Même dans le haut et le moyen pays. », affirme Claire Béhar. Bruno Desloques, lui, avance la notion de destination globale. « Un événement ne se cantonne pas au Palais, il déborde très largement. ». D'où l'importance de faire vivre la ville, les plages, de proposer des visites alternatives comme celles délivrées par les greeters... Et de le faire savoir.

A cet égard, le CRT Côte d'Azur France développe des stratégies touristiques affinitaires. «Nous travaillons sur le tourisme culturel, sportif, de shopping, sur l'écotourisme aussi en fonction des pays ciblés et des saisons à améliorer en termes de fréquentation. », précise sa directrice. A l'image de l'Inde, peu intéressée par le tourisme balnéaire d'été, mais friande de la « dualité mer-montagne hors-saison ». La clientèle étrangère, dont le pouvoir d'achat est plus élevé que la clientèle domestique, est particulièrement visée, via les réseaux sociaux notamment. « Plus de 50% de nos followers sont étrangers, nous avons des relais dans chaque pay s». Le CRT Côte d'Azur France cumule ainsi 500 000 abonnés sur Facebook, 200 000 sur Instagram, et 80 000 sur Twitter.

Un financement qui s'adapte

Cependant, si la prise de conscience des vertus d'un positionnement responsable, l'accélération des labellisations, la mobilisation du territoire sont indéniables, la question du financement, nerf de la guerre, se pose. Et FrédéricLe Beuzit, membre du directoire de la CECAZ, de recontextualiser la chose : « L'AIE annonce 4500 milliards de dollars pour accompagner la transition énergétique, l'OCDE, 6900 milliards de dollars, la France, 2 milliards d'euros ». C'est dire le rôle essentiel des banques pour drainer l'épargne vers cette transition énergétique. A cet égard, la CECAZ a mis en place plusieurs véhicules pour collecter des fonds qui viendront financer localement les initiatives durables, mais aussi les encourager à travers un prêt impact qui mesure, comme son nom l'indique, l'impact des investissements et le transforme en bonification si les objectifs de performance sont atteints.

Inciter plutôt de contraindre, c'est aussi le parti-pris choisi par le Fonds Tourisme Côte d'Azur, géré par M-Capital et dont la CECAZ est à l'initiative et le principal investisseur. Depuis une paire d'années, il apporte une réponse complémentaire à l'offre bancaire sous forme de dette privée aux professionnels du secteur qui s'engage « pour aller vers le mieux environnemental. Nous essayons d'apporter plus que du financement, avec des produits qui prennent en considération les critères extra-financiers comme l'empreinte carbone, le respect de l'approvisionnement en circuit court, la mixité et qui peuvent conduire à une réduction du taux d'intérêt pouvant aller jusqu'à 10% », détaille sa directrice, Laetitia Estrosi-Schramm. Laquelle alerte toutefois sur un durcissement de la réglementation et le positionnement d'actionnaires du fonds comme la Banque Européenne d'Investissement qui pourrait, si un deuxième véhicule voyait le jour, imposer des orientations environnementales plus fortes dans l'utilisation de ses fonds.

Anticiper les investissements

D'où la nécessité d'anticiper, « de ne pas attendre le dernier moment avant d'engager des investissements », insiste Frédéric Le Beuzit. A l'instar du Golf Country Club de Cannes Mougins, très observé comme tous ses homologues pour ses consommations en eau. « Cela fait deux ans que nous sommes sous le feu des projecteurs, raconte Olivier Villaeys, son directeur général. Nous avons donc apporté deux réponses, le raccordement du site aux eaux usées, effectif en 2025, et le remplacement des 32 hectares de gazon par un gazon plus économe de 50% en eau qui interviendra cet été ». Coût de l'opération, 3 millions d'euros, possiblement subventionnable jusqu'à 50, voire 70%, auxquels s'ajoutent une perte d'exploitation de deux mois. Un handicap sonnant et trébuchant que l'entreprise a anticipé, entre autres, par « des changements commerciaux forts et un travail de labellisation orientée biodiversité » qui vise à inventorier les espèces présentes sur le parcours. Histoire de travailler l'image externe, mais aussi interne, en faisant monter en compétence les collaborateurs.

La montée en compétence

Pour Fabrice Lavergne, président de Linkeus, le bureau des congrès régional représentant 17 destinations, 250 membres et plus de 10 000 salariés, c'est là que réside le sujet principal, la montée en compétence des salariés, des dirigeants aussi. Laquelle passe selon lui par la norme ISO 20121, dédiée à l'événementiel durable. « Il y a beaucoup de notions de bon sens dans cette norme qui incite à prendre conscience, à former, à communiquer, à formaliser les actions de façon rigoureuse, à mettre en place des chartes éthiques et de développement durable, à officialiser les enjeux et à impliquer les parties prenantes », liste-t-il. Une feuille de route en somme pour un tourisme d'affaires plus responsable, durable et qui alimente l'économie locale. « Les pressions positives sont toujours bonnes pour tirer les acteurs vers le haut, les plus saines étant celles qui émanent du marché, plus à mon sens que les directives étatiques, conclut Fabrice Lavergne. Toutefois c'est la combinaison des deux qui fait qu'on avance ». Et en matière de tourisme durable, la Côte d'Azur avance, et s'organise pour passer la vitesse supérieure.

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