« Si la France est une startup nation, les Alpes-Maritimes demeurent une PME nation » (Pierre Ippolito, UPE 06)

ENTRETIEN - Lancement du fonds Boost dédié aux TPE et PME, succès du Passeport Transition 06 initié conjointement avec la Chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur, création des clubs ETI et Entreprises à mission… A mi-mandat, le président de l’Union pour l’entreprise, membre du conseil exécutif du Medef, déroule sa feuille de route avec la volonté de faire bouger les lignes. Et pose la question de la place de l’entreprise dans la société.
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LA TRIBUNE : A mi-mandat, quel premier bilan tirez-vous de votre mandature à la tête du syndicat patronal azuréen ? Les ambitions exprimées dans le rapport de l'Institut Montaigne, paru en 2022 et identifiant les défis prioritaires du territoire des Alpes-Maritimes pour 2040, sont-elles en bonne voie ?

PIERRE IPPOLITO : Les projets dépendant de l'UPE avancent bien, à l'image de ceux liés à la gouvernance, au financement des entreprises locales via le fonds Boost ou encore à la transition écologique. Le passeport Transition 06, par exemple, initié avec la chambre de commerce et d'industrie pour accompagner les chefs d'entreprise dans la transition écologique, a déjà formé une cinquantaine de personnes depuis son lancement et devrait en former une centaine d'autres en 2024. A l'inverse, les projets que je qualifierais de lobbyistes, du moins d'actions sociales ou sociétales, sont sujets à frustration. Nous n'avons pas encore atteint nos objectifs. Nous n'avons pas été entendu ou si nous l'avons été, il n'y a toujours pas de suivi d'effet. Mais nous ne perdons pas espoir.

Parmi eux figurent des projets majeurs comme la création de nouvelles infrastructures de transport décarboné pour désengorger l'autoroute, en l'occurrence un métro souterrain reliant Nice à Monaco. Comment cela a-t-il été accueilli ?

Bien, parce que ce projet, commun aux organisations patronales azuréennes et monégasques, a du sens. Cela répond à un vrai besoin, non pourvu, et les acteurs, élus, collectivités et services de l'Etat, en ont pris conscience. C'est une première étape. Nous en sommes désormais à celle de la mise en place opérationnelle et là, nous butons contre les problématiques administratives et autres carcans juridiques. C'est un projet très complexe, transfrontalier, hautement énergivore, épineux aussi dans la mesure où il n'y a aucune certitude d'aboutissement, qui nécessite donc d'être porté, du moins initié, par des personnes politiques de conviction. A l'UPE 06, nous avons cette conviction, c'est pourquoi nous continuons de travailler sur ce sujet de façon récurrente auprès des collectivités concernées.

L'autre grand sujet, le logement et plus particulièrement le logement des actifs, est touché de plein fouet par la crise actuelle de l'immobilier...

Ce sera pour nous le sujet le plus criant de l'année 2024, en termes de destruction d'emploi, de destruction de valeur, de destruction d'attractivité aussi du fait de notre incapacité à loger les actifs du territoire. Nous plaidons pour que les Alpes-Maritimes soient dans une logique dérogatoire sur ce sujet car nous sommes dans une situation exceptionnelle, entre concurrence touristique, contraintes foncières et réglementaires, prix stratosphériques. Aussi avons-nous créé une task force, en complément de l'Observatoire Immobilier de l'Habitat de la CCI Nice Côte d'Azur, regroupant les fédérations du BTP, des promoteurs, des architectes, la FNAIM et les notaires, pour synthétiser des propositions claires, entendables, concrètes et, si nécessaire, mener des actions coup de poing. Il s'agit de limiter la casse, car casse il y aura.

Pour répondre au problème du logement des actifs, certaines entreprises envisagent de plus en plus d'acquérir des logements pour leurs salariés. Etes-vous aussi dans cette réflexion ?

Tout à fait. Quand on sait que le délai d'obtention d'un logement social pour un actif dans le département est de 21 à 25 mois, que des entreprises se fédèrent pour construire ou acquérir des logements destinés à loger leurs collaborateurs apparaît comme une vraie piste d'avenir. L'entreprise devient bailleur social mais pour son propre compte. C'est un sujet sur lequel nous allons travailler au sein du club Etincelles 06, créé récemment pour fédérer les dirigeants de nos ETI (seuil d'entrée fixé à 30 millions d'euros de chiffre d'affaires, NDLR) qui ne se connaissent pas toujours. C'est une initiative importante car nous entrons dans une économie où les entreprises devront être de plus en plus autonomes sur tout un tas de sujets. Peut-être reviendra-t-on au système d'antan, de type Michelin, avec de grands industriels qui logent, nourrissent et transportent leurs collaborateurs.

N'est-ce pas un retour en arrière ?

Je ne suis pas certain que les collaborateurs d'hier étaient moins heureux que ceux d'aujourd'hui. Je ne suis pas certain non plus que les entreprises d'hier étaient moins performantes que celles d'aujourd'hui. Ce n'est pas un retour en arrière mais l'entrée dans un cycle différent où l'entreprise se substitue à l'Etat et aux collectivités sur certains sujets d'intérêt général quand elle a les moyens de le faire.

Se pose alors la question de la place de l'entreprise dans la société ?

C'est en effet une question centrale. L'entreprise n'est-elle qu'un modèle d'ajustement à un modèle social qu'on maintient malgré les déficits, ce que laisse penser le flot de taxes qui nous submerge, ou a-t-elle d'autres finalités qui font d'elle un pilier de l'économie et de notre nation ? C'est un choix de société, et il serait bon de trancher, surtout dans un contexte peu porteur comme celui qui s'annonce en 2024. Beaucoup de signaux négatifs clignotent, ne serait-ce que la recrudescence énorme des défaillances d'entreprises qui concernent notamment les PME, or ce sont elles qui créent le plus de richesse sur notre territoire.

D'où la création du fonds Boost, dédié à financer les TPE et PME locales réalisant entre 1 million et 6 millions d'euros de chiffre d'affaires qui ont des velléités de croissance forte. Quand sera-t-il opérationnel et quels seront ses objectifs ?

Il devrait être opérationnel à la fin du premier trimestre 2024. Le fonds est doté à ce jour de plus de 10 millions d'euros et vise en effet à soutenir, via un soutien financier mais aussi un programme d'accompagnement dédié, les TPE et PME du territoire azuréen qui ont l'ambition de doubler leur chiffre d'affaires dans les trois ans grâce, entre autres, à la croissance externe. Il s'agit de toucher l'économie de terrain, le restaurant, l'agence immobilière, la petite industrie ou encore l'entreprise de jardinage, cette économie traditionnelle pour laquelle les besoins en financement sont parfois peu ou mal pourvus et qui nous paraît primordial d'aider à changer d'échelle. Car si la France se veut une start-up nation, les Alpes-Maritimes restent une PME nation. Qu'il convient de consolider. Ce sont elles qui dégagent le plus de retombées économiques et de valeur en local, bien plus qu'un grand groupe d'ailleurs. Il y a en effet un attachement particulier au territoire qui les pousse à investir dans la culture, le mécénat, le sport, il me semble donc important qu'elles gardent cette capacité d'investir.

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