« Le secteur des transports publics va recruter plus de 100.000 personnes à échéance 2030 » (Florence Sautejeau, UTP)

Particulièrement en tension, le secteur des transports publics et ferroviaires se lance dans une opération séduction, co-pilotée par l’Union des Transports Publics et ferroviaire (UTP), pour faire découvrir ses métiers et susciter des vocations, initiative qui passe par les territoires. L’occasion pour Florence Sautejeau, déléguée générale de l’organisation professionnelle regroupant 200 entreprises de transports et 260.000 salariés, d’insister sur les enjeux et surtout les défis de ce secteur non-délocalisable considéré comme l’un des principaux leviers de décarbonation de la France.
(Crédits : Castille Alma UTP)

LA TRIBUNE - Parmi les leviers de décarbonation identifiés par le rapport Pisani-Ferry pour atteindre les objectifs de la France en matière de transition écologique, figure le report de la voiture vers les transports dits massifiés, donc vers le transport collectif. Comment l'Union des Transports Publics et ferroviaire (UTP) s'empare-t-elle de cet enjeu ?

FLORENCE SAUTEJEAU : Le report de la voiture vers le collectif est considéré comme le deuxième levier de décarbonation, juste après l'électrification des voitures, car les transports publics et ferroviaires, par nature, décarbonent. Le secteur des transports, dans son ensemble, représente 30% des émissions de gaz à effet de serre. Le transport public et ferroviaire pèse, lui, 3% de ces 30%, soit 2,7% pour les cars et les bus, 0,3% pour le train. La décarbonation, c'est donc notre ADN et c'est pour cela que nous sommes mobilisés pour accélérer le verdissement de nos flottes.


Quels sont les ressorts qui poussent les citoyens à lâcher la voiture pour le transport collectif ?

Nous nous sommes récemment posés cette question à travers notre observatoire de la mobilité et les réponses obtenues sont intéressantes. Là où il existe une offre de transports collectifs urbains et ferroviaires, on constate que le prix n'est pas déterminant, contrairement à la proximité du premier arrêt et à la fréquence, deux éléments fondamentaux. Le sujet de la sûreté apparaît également, tout comme celui du confort. Il ressort aussi que l'avantage des transports publics sur la voiture est qu'on peut y faire autre chose.

Et là où les transports collectifs n'existent pas ? Comment combler les maillages incomplets ?

La question ici est celle du premier et du dernier kilomètre, de l'articulation entre les modes. Il est clair que l'on ne peut pas mettre des bus partout. C'est pour cela que l'UTP, avec les autorités organisatrices de la mobilité, travaille sur l'intermodalité. Nous savons que les zones rurales n'abandonneront pas la voiture, d'où le besoin d'une articulation vélo, covoiturage, cars express, transports à la demande, crédible et pertinente avec des infrastructures adaptées, des parkings relais sécurisés. Il n'y a pas une solution, mais des solutions en fonction des territoires. Des choses marchent ici, mais pas ailleurs, ou pas encore. Il y a quelques années, le transport à la demande était balbutiant. Avec la diffusion des nouveaux modes numériques, la facilitation des réservations, ce mode de transport se développe aujourd'hui fortement.

Tout ceci suppose des investissements. Sont-ils à la hauteur de l'enjeu ?

Le rapport du Sénat (sur le financement des autorités organisatrices de la mobilité publié en juillet 2023, NDLR) estime les besoins en investissements entre 28 et 30 milliards d'euros à échéance 2030, hors Île-de-France, laquelle nécessiterait une enveloppe quasi identique. Il faudrait ajouter autant pour l'augmentation des dépenses de fonctionnement. Sur le ferroviaire, notamment le sujet des services express (ex-RER métropolitains), nous avons été entendus avec une nouvelle donne annoncée à 100 milliards d'euros à échéance 2040. Ce que l'on demande désormais, c'est une loi de programmation pour donner de la visibilité aux entreprises ferroviaires tant de voyageurs que de marchandises et programmer la rénovation des infrastructures. Mais sur l'urbain, nous sommes loin du compte.

Qu'est-ce qui manque ?

Une impulsion, des co-financements. Ces dernières années, des appels à projets ont permis de financer des trams en province, des BHNS (Bus à haut niveau de service, NDLR) dont les voies sont par ailleurs ouvertes aux mobilités douces. Le problème, aujourd'hui, c'est qu'il n'y a plus rien. Les transports publics urbains ne sont pas concernés par le fonds vert, ni par l'appel à projets de l'Ademe dédié à l'accompagnement de la transition énergétique des flottes. Celui-ci n'a été fléché que vers les routiers et les cars interurbains. Or, si nous voulons répondre à la nécessité du choc d'offres, par plus de lignes et plus de fréquence, il nous faut de l'offre supplémentaire. Concernant le verdissement, il faut savoir qu'un bus électrique coûte 550.000 euros, contre plus de 250.000 euros pour un diesel de dernière génération. Et je ne vous parle pas de l'hydrogène. Ce que nous craignons, c'est que les plus petites des autorités organisatrices ne puissent, demain, s'équiper en bus non émissifs, obligatoires à partir de 2030, et qu'elles doivent réduire l'offre pour payer la transition.

Les besoins sont aussi humains. A combien se chiffrent-ils ?

A échéance 2030, ce sont plus de 100.000 personnes que le secteur urbain et ferroviaire va recruter, indépendamment des grands événements. Beaucoup de conducteurs et de conductrices évidemment, mais aussi des agents de maintenance ou encore des ingénieurs. Tous les corps de métiers sont concernés, et ce dans un contexte de forte évolution de nos métiers. Or, contrairement à l'aéronautique, l'automobile ou encore le BTP, notre secteur n'a pas ses propres centres de formation, ce qui participe clairement à un déficit d'attractivité. C'est pourquoi nous sommes en train de répondre à l'appel à projets France 2030, volet compétences, pour construire cette offre de formation estampillée transports publics et ferroviaires.

A cet égard, l'UTP s'est engagée dans un Bus Tour pour faire découvrir les métiers du transport urbain et susciter des vocations. Est-ce suffisant ?

C'est une première étape nécessaire pour montrer qui on est, de casser les préjugés sur nos métiers. L'attractivité, c'est un mélange de différents leviers : la rémunération, la formation, mais aussi l'image, une image de services aux citoyens dans leur quotidien mais aussi d'innovation et de réussite à l'international, pour aussi capter le public des ingénieurs. Enfin, il convient de faire sauter tout un tas de verrous, comme celui de la délivrance du permis de conduire dont les délais d'attente font que certains candidats, alors même qu'ils l'ont obtenu, sont recrutés par d'autres secteurs. L'UTP travaille sur tous ces leviers.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.