
C'est une aventure de relocalisation d'une filière tricolore qui connaît une étape significative, celle de sa première récolte. Soit 18 tonnes qui viennent avaliser le fait que replanter des amandiers en France, c'est possible. Le pari est né en 2018, unissant l'ancien ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg et un entrepreneur venu du monde viticole, François Moulias. Pour donner corps à son projet, la Compagnie des Amandes s'est également rapprochée d'Arterris, coopérative agricole regroupant 25.000 sociétaires, présente en Provence Alpes Côte d'Azur et en Occitanie, laquelle est entrée au capital de la société en 2022. Car l'idée de la Compagnie des Amandes est bien de s'appuyer sur les agriculteurs déjà engagés dans l'arboriculture ou ceux désireux de diversifier leur activité.
Un modèle qui lui permet de revendiquer aujourd'hui 350 hectares signés ou plantés, dans le Sud et en Occitanie. Et un modèle attractif si l'on tient compte « des 4.500 hectares de déclaration de candidatures et les 1.000 hectares déjà dans les tuyaux », indique Arnaud Montebourg.
En parallèle, avec l'INRA ce sont des travaux de recherche sur le biocontrôle qui sont menés et en passe d'être finalisés, « ce qui nous permet d'avoir un vrai parcours agro-écologique ». Et puis, il y a ce projet de casserie, prévu pour s'installer à Signes, dans le Var sur 7.400 m2 avec une capacité de stockage de 3.000 tonnes d'amandes. Une casserie dont l'investissement estimé s'élève à 12 millions d'euros.
« Sur le plan technique, sur le plan agronomique, sur le plan commercial, la Compagnie des Amandes est en train de réaliser ses promesses », note Arnaud Montebourg.
« Il n'y a plus de banques en France » s'indigne Arnaud Montebourg
Sauf que la Compagnie des Amandes fait face à une problématique à laquelle elle ne s'attendait pas forcément : le refus des banques de co-financer son développement à hauteur de 5 millions d'euros.
Une incompréhension et une source de frustration, car « nous n'avons plus qu'à appuyer sur le bouton » pour lancer la construction de cette usine, dont le permis de construire est purgé de tout recours, la promesse de vente sur le terrain obtenue et le contrat de construction établi à un prix stabilisé. Un projet immobilier dont la Caisse des Dépôts, via la Banque des Territoires, est partenaire à hauteur de 1,8 million d'euros. Outre cette caution qui aurait tendance à rassurer tout investisseur, la Compagnie des Amandes a également signé deux conventions d'aides publiques dont une avec la Région Sud, qui contribue à l'équipement pour 3,6 millions d'euros. Sauf que pour avancer, manque un prêt de 5 millions d'euros. Ce que les différents établissements bancaires, déjà sollicités, ont refusé d'accorder.
Certes, reconnaît François Moulias, le contexte conjoncturel entre resserrement économique et taux d'intérêt qui augmentent, n'aide pas. « Il n'y a plus de banques en France », tempête Arnaud Montebourg.
Car la Compagnie des Amandes dit ne pas pouvoir auto-financer l'intégralité de son développement, sachant que le volet immobilier de la casserie mobilise 8,5 millions d'euros et les machines devant l'équiper, pour leur part, 4 millions d'euros.
Un caillou dans la chaussure pour celle qui déploie une toute nouvelle offre ciblant désormais les vergers de petite taille, ceux de deux hectares ou moins, qui restaient encore en dehors de son radar et même en dehors du circuit de commercialisation, et qui pourtant, comptent dans la chaîne de valeur.
Boucler le financement avant la fin de l'année
« Lorsque vous disposez de deux hectares d'amandiers, vous n'avez pas les moyens d'acheter une machine à récolter, pas les moyens d'acheter une écaleuse ou un séchoir qui coûte 24.000 euros et qui est, pourtant, nécessaire à la qualité du produit », détaille François Moulias. Et pas la taille suffisante pour intéresser les clients de la grande distribution, de la pâtisserie ou de la cosmétique. Un trou dans la raquette qui laisse de côté une partie de la production française, estimée au total, selon France Amandes, à 2.231 hectares portés par 1.032 exploitations. La nouvelle offre de la Compagnie des Amandes comprend un achat des amandes, soit sur l'arbre, soit récoltées, soit récoltées et séchées, le tout à tarif tenant compte du niveau de transformation. Lancée officiellement ce 8 septembre, elle intéresse déjà, affirme François Moulias, plus de 25 exploitants.
Un directeur général qui a « bon espoir » de convaincre de nouveaux interlocuteurs bancaires d'ici la fin de l'année. Sinon... il faudra tout recommencer de zéro concernant les accords immobiliers et le permis de construire. Un comble quand on a été ministre du Redressement productif de la France et quand on se situe dans une région pilote de la planification écologique, par ailleurs première région en surfaces agricoles cultivées en bio. Ou quand Made in France et réindustrialisation se heurtent aux contraintes bancaires...
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