Il ne s'était pas exprimé jusqu'à présent. Frédéric Touati, le porteur du projet de Valentine village, vient de présenter les contours du dossier, qui doit passer devant la Commission le 10 juillet prochain.

Il aura fallu d'une alerte, celle donnée par la Chambre d'industrie et de commerce de Marseille Provence en avril dernier, découvrant in extremis qu'un projet de "Village des marques", prévu en proximité du centre commercial de La Valentine, allait être étudié en Commission départementale d'aménagement commercial (Cdac), pour susciter un débat sur la politique du département en la matière. Une politique - au passage - que les professionnels de l'immobilier commercial jugent depuis des années peu cohérente et illisible.

Quoi qu'il en soit, le projet porté par la société Estimmo, créée par Frédéric Touati, le P-d.g de MIF (Marseille Investissement Finance*), a eu le mérite de poser les termes du débat.

Y-a-t-il nécessité d'autoriser l'implantation sur 26 000 m² de 125 magasins d'usines, sachant que d'ici 2014, le département accueillera 200 000 m² de surfaces commerciales supplémentaires dont 140 000 m² à Marseille (7 000 m²à la Capelette, 5 500 m² au Centre Bourse, 5 200 m² à la Major, 54 000 m² aux Terrasses du Port, 25 000 m² au stade Vélodrome) ?

Une inquiétude renforcée par le fait que les projets s'inspirant d'un concept né au Nord de la France (Troyes, Roubaix, Talange) se multiplient dans la région : Marques Avenues aux Pennes-Mirabeau et Mac Arthur Glenn à Miramas.

Silencieux jusqu'à présent, Frédéric Touati a présenté la semaine dernière son concept, organisant finement sa communication : plusieurs conférences de presse distribuées en petits comités de journalistes, gageant ainsi tant sur l'esprit plus convivial que sur une plus grande disponibilité intellectuelle de ses interlocuteurs.

Pour soutenir le concept - un village de marques de 15 000 m² (90 à 110 boutiques) adossé à un deuxième pôle de 30 000 m², uniquement dédiés à la maison et à la décoration via des espaces de 700 à 1000 m² - Frédéric Touati revendique d'abord un accompagnement d'experts. "Archimed est le cabinet d'urbanistes de la ZAC de la Valentine, et Accessite est un opérateur spécialisé en immobilier commercial, qui a en outre l'expertise de 8 villages de marques en France".

En guise de soutiens, il cite allègrement quelques personnalités locales dont le président de la Ccimp Jacques Pfister, qui pourtant deux jours auparavant, se demandait si "les villes étaient sérieuses dans leur développement commercial" avant d'ajouter que "le seul projet qui corresponde aujourd'hui à la définition de village de marques est celui de Miramas".

Il revendique également le soutien de l'adjointe au commerce de la ville Solange Biaggi (UMP), qui y verrait l'occasion de contrer les zones existantes voisines et ainsi, de limiter une évasion commerciale, estimée selon les services de la ville à plus d'un milliard d'euros.

Parmi les arguments de poids : la reconversion d'une friche industrielle - ancien site Seveso de l'usine d'engrais Procida (11ha situés le long de l'Huveaune) - que la société a acquis après dépollution pour 24 M€ ; des retombées économiques directes (200 M€, 100 personnes par jour) durant les trois ans de travaux et la création de 1300 emplois pérennes après ouverture.

"En termes de retombées économiques pour la ville, nous nous appuyons sur une étude de la ville de Troyes dont il ressort qu'elle a reçu 200 M€ par an. La dépense moyenne du ménage qui se rend dans un village est estimée à 274 euros dont 120 dépensés dans les commerces du centre-ville et de son agglomération. Les chalands parcourent en moyenne 238 km pour venir dans un village de marques et s'y rendent 2 à 3 fois par an. Le plus souvent, ils associent cette visite à un séjour de deux à trois jours sur place (loisirs et tourisme)". Village Valentine table sur 4 millions de visiteurs.

Pour désamorcer la critique de la sur-offre commerciale, les porteurs de projet indiquent qu'ils sont dans une logique d'offre : de grandes marques proposant la collection précédente à prix réduits, de l'ordre de moins 30 à moins 70% par rapport aux circuits de distribution classiques.

Reste la problématique de la circulation sur un axe congestionné. Frédéric Touati explique à cet égard que la création du Village va permettre de débloquer les projets de désenclavement de la zone. "Il existe un schéma viaire de circulation, étudié avec les services techniques du Conseil général et de la communauté urbaine, qui irriguera le sud de la zone. Une voie nouvelle, en sens unique dans la direction de la sortie, passera sous la rue Léon Bancal et permettra de rejoindre directement l'A50 sans passer par la zone".

Enfin, sur la multiplication des projets, l'investisseur est ferme. "Il n'y aura qu'un seul projet et à ce que je sache, nous sommes les seuls à avoir déposé en Cdac et les seuls à pouvoir démarrer une fois les autorisations reçues". Verdict le 10 juillet.

Adeline Descamps

* MIF est un groupe spécialisé dans l'immobilier commercial en France (400 000 m² de surfaces commerciales en projet dans l'Hexagone). Il est propriétaire de 50 000 m2 sur la zone de la Valentine dont le centre commercial des Trois Horloges (Cultura), Castorama (soit un tiers du Printemps-La Valentine) ou le centre commercial Grand V (Saturn)

 
Photo : Le projet intègre un espace vert paysager de 4,5 ha, la réhabilitation complète des berges de l'Huveaune et la totalité des parkings (4 niveaux ; 2590 places) en sous-sol pour qu'aucune voiture ne soit visible à la surface.