Elle contrarie nombre d'idées reçues entretenues à l'égard de ce phénomène que l'on croyait réserver aux entreprises dont les dirigeants sont âgés et porte un regard nouveau sur les opérations de cession-transmission. C'est d'ailleurs le titre de l'étude réalisée par BPCE L'Oservatoire, l'outil d'analyse économique crée en 2001d'ailleurs par Alain Lacroix, l'actuel président du directoire de la CEPAC, qui officiait alors à la Caisse nationale des Caisses d'Épargne.

Hormis "un renouvellement dans la méthode puisque la mesure de la cession-transmission ne procède pas d'une estimation globale, comme il était d'usage jusque-là, mais bien d'un dénombrement réel des entreprises concernées", elle révèle bien d'autres enseignements, dont en premier lieu que l'âge du dirigeant n'est pas la donnée déterminante dans une cession d'entreprise. En effet, 58% des opérations interviennent avant 55 ans. Et elles sont deux fois plus fréquentes pour les entités de 100 à 249 salariés dont le chef d'entreprise a entre 45 et 49 ans que pour celles de 10 à 19 salariés qui ont à leur tête une personne de 64 à 65 ans. Elle montre par ailleurs que 12 315 PME ont été cédées en 2010, soit deux fois et demi plus que les données officielles couramment admises. Ces opérations ont de surcroît impliqué entre 1,4 et 1,5 million d'emplois.

En plus d'éclairer largement sur les facteurs structurels qui motivent ces opérations, l'enquête renouvelle également la représentation que l'on peut avoir du sujet "complexe dans ses modalités comme dans ses finalités. La cession-transmission renvoie, chez les entrepreneurs et dans la relation cédant-repreneur, à des enjeux non seulement économiques mais aussi patrimoniaux et symboliques".

L'on apprendra également que le prix n'est pas un facteur bloquant. "Il n'est pas l'essentiel en tout cas : un vendeur ne vend jamais à un pur acheteur. Le cédant n'attend pas un acheteur qui a des capitaux. Il attend un repreneur qui développera son entreprise et préservera les emplois et ses savoir-faire", explique Alain Tourdjman. "Le cédant transigera d'autant plus sur le prix qu'il se sentira assuré de la préservation des emplois comme des valeurs qui ont fait l'entreprise (la technicité, le travail bien fait...). Le repreneur, de son côté, bénéficie, au-delà d'un prix plus "acceptable", d'un capital informel plus complet (savoir-faire, confiance des parties prenantes) qui peut être décisif les premiers mois".

Reste qu'il y a eu l'an dernier entre 14 000 et 20 000 intentions de cession exprimées et seulement 12 000 transmissions effectives. Un décalage important. "49% des plus de 60 ans souhaitent céder leur entreprise d'ici à moins de deux ans alors que le taux de cessions effectives progresse peu avec l'âge. Ceci met l'accent sur le principal enjeu identifié par les dirigeants souhaitant céder à court terme : "trouver un repreneur de confiance". Il semblerait donc qu'ils demeureraient à la tête de leur entreprise plus longtemps que souhaité. "Entre 2004 et 2010, la part des 60 ans et plus a crû de 12,8 % à 17,7 %". Ce qui pose une autre question éminemment politique : la vitalité du tissu des PME et leur compétitivité. Que deviendront en effet les entreprises qui ne trouveraient pas durablement leur "bon" repreneur ?

La région se distinguerait notamment par la part des entreprises, bien plus importante qu'ailleurs en France, qui seraient reprises par les grandes entreprises.Avec perte ou pas du pouvoir de décision. Un question donc cruciale pour le territoire. Toutes ces questions ainsi qu'un éclairage régional seront abordés dans le prochain magazine de Méridien Mag (numéro 14), en kiosque en mai, avec une interview exclusive d'Alain Tourdjman.

A.D

Alain Tourdjman, directeur des études économiques et de la prospective au sein du groupe BPCE