Pollution de La Crau : La SPSE condamnée

Poursuivie pour une pollution aux hydrocarbures en 2009, en pleine réserve naturelle de la Crau, la SPSE a été condamnée le 29 juillet à près de 77 000 euros d'amendes et 400 000 euros de dommages et intérêts par le tribunal de Tarascon. Le Conservatoire d'espaces naturels (CEN) de PACA a annoncé qu'il allait faire appel du jugement.

Filiale de Total, Exxon Mobil et BP, la Société du Pipeline Sud-Européen (SPSE), qui exploite l'oléoduc traversant la Crau, est à l'origine en août 2009 d'une véritable catastrophe écologique au coeur d'une zone protégée. Suite à la rupture du pipeline, 85 000 m² d'une végétation unique au monde se sont retrouvés noyés sous 4,7 millions de litres de pétrole brut alors que la zone, à l'Ouest du département des Bouches-du-Rhône, entre Fos-sur-Mer, Salon-de-Provence et Arles, fait l'objet d'une remise en état. L'accident nécessitera l'excavation de 74 000 tonnes de terres souillées. In fine, 5 ha de terrain seront concernés. Le chantier de restauration a coûté 48 M€, hors coûts de dépollution. La plaine de la Crau est reconnue comme la dernière steppe d'Europe occidentale. Un site rare et unique réputé mondialement pour sa faune et sa flore mais que l'activité humaine - agriculture intensive, implantations militaires, installation d'une décharge, aménagement de la zone industrialo-portuaire de Fos, voies rapides et axes autoroutiers - a considérablement fragilisé.


Demandes excessives selon le juge
La SPSE a donc été condamnée le 29 juillet par le tribunal correctionnel de Tarascon à environ 77 000 euros d'amendes pour "déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer" et 400 000 euros de dommages et intérêts alors que le parquet avait demandé 250 000 euros d'amendes. Les dommages et intérêts sont en outre plus faibles que ceux demandés par les 12 parties civiles, qui s'élevaient à plusieurs millions d'euros. Lors de l'annonce du délibéré, le juge a mis en avant le caractère "excessif" de ces demandes. Dans ses attendus, le tribunal a justifié les amendes "nettement inférieures" aux réquisitions en invoquant "le principe de l'individualisation de la peine", soulignant "la prudence de la SPSE dans la gestion de ses oléoducs" et la collaboration de la société aux travaux de dépollution.

Appel des cogestionnaires

Parmi les parties civiles, Le CEN et la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône, cogestionnaires de cette réserve, estiment aussi les sanctions sont dérisoires : "La SPSE a été condamnée comme si elle était un quelconque contrevenant", déplore le CEN, selon lequel le niveau des peines constitue "un signal inquiétant pour la protection de la nature en France et ses défenseurs". En tant que partie civile, la CEN ne peut faire appel que sur les dommages et intérêts qui lui ont été attribués. En l'occurrence, la SPSE a été condamnée à lui verser ainsi qu'à la chambre d'agriculture 20 000 € au titre du préjudice moral.


Terrain d'expérimentations

Il faut savoir que la plaine de la Crau fait l'objet de mesures de protection et de réhabilitation depuis le début des années 2000. Dès 2008, une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, CDC Biodiversité, a installé un laboratoire pour mettre en oeuvre un système de mesures compensatoires inédit dans le pays. Car depuis la loi de 1976 sur la protection de la nature, les maîtres d'ouvrage susceptibles de nuire par leur activité au milieu naturel environnant sont tenus de compenser ces nuisances par des actions vertueuses sur des milieux identiques et alentour. Avec l'opération Cossure notamment, il s'agit pour la CDC Biodiversité de revendre à des aménageurs, soumis à une obligation de compensation écologique - dont font partie d'ailleurs la Société du Pipeline du Sud-Est -, des actifs naturels sous forme de parcelles ("unités biodiversité") d'un ancien verger (357 ha d'arbres fruitiers). Le coût global du projet, mené en partenariat avec l'État, la réserve naturelle des Coussouls de Crau et l'Université d'Avignon, est estimé à 13 M€, une somme couvrant l'acquisition des terres, leur réhabilitation et la gestion durant 30 ans.

Fourmis moissonneuses
Par ailleurs, la marée noire liée à la rupture de l'oléoduc a aussi donné lieu à une autre expérience.  Il faudrait des milliers d'années pour retrouver l'écosystème de la zone affectée par la fuite. Les scientifiques ont réalisé que les fourmis de la Crau transportent les graines qu'elles glanent sur de longues distances à leur échelle et que sur leur trajet, elles perdent une partie de leur butin, ce qui pourrait contribuer à restructurer la végétation dans de meilleurs délais. Il faut désormais attendre quelques années avant que les reines aient produit 5 000 moissonneuses nécessaires à ce long travail de reconstitution, ce qui permettra de mesurer les premiers effets.

A.D

Photo : Suite à la rupture du pipeline, 85 000 m² d'une végétation unique au monde se sont retrouvés noyés sous 4,7 millions de litres de pétrole brut.


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