La guerre des casinos est déclarée dans le Var

Le tribunal administratif de Toulon a annulé le 3 février les autorisations ministérielles concernant l'ouverture de deux casinos à La Seyne et à Sanary, exploités respectivement par le groupe JOA et Viking Casinos. Cette décision intervient quatre mois après la pose de la première pierre du casino de La Seyne où le groupe JOA annonce avoir déjà investi 9 M?.

"On connaît le jugement mais pas le contenu exact de la décision, à savoir s'il s'agit d'un problème de forme ou de fond, indique en préambule Luc Le Borgne, directeur général du groupe Viking Casinos, qui exploite 9 casinos en France dont un établissement à Fréjus. Dans le premier cas, nous solliciterons un arrêté ministériel rectificatif et dans le second, nous verrons avec le maire (Ferdinand Bernhard, ndlr) s'il faut déposer un nouveau dossier." Pour le groupe Partouche, à l'origine du recours déposé en juin 2012 pour demander l'annulation de l'arrêté d'autorisation d'exploitation délivré par le ministère de l'Intérieur en mars 2012, le problème est assurément de fond. Selon le numéro deux du secteur, propriétaire des casinos de Hyères et Bandol, ces deux nouveaux établissements mettraient en péril son établissement bandolais. Lors de l'audience du 9 janvier dernier, le rapporteur public lui avait donné raison et préconisé l'annulation de l'arrêté ministériel autorisant ces deux ouvertures, au motif que l'Etat n'aurait pas analysé leur impact cumulé. Le tribunal administratif de Toulon a donc suivi la recommandation du rapporteur public, tout en précisant que le jugement ne prendrait effet qu'à compter du 1er novembre 2014.

Délit de protection

"Il est vrai qu'aucune étude croisée avec ces deux nouveaux établissements n'a été réalisée mais il n'y a aucune obligation selon la réglementation, précise Luc Le Borgne. Par contre, les deux dossiers ont bien été étudiés en même temps par la commission supérieure des jeux qui nous a délivrée l'autorisation. La vérité, c'est que le groupe Partouche veut protéger ses intérêts." Et chacun d'avancer ses chiffres. Le groupe Partouche affirmait aux Échos en juin 2012 qu'une "étude réalisée par Atout France, le bras armé de l'État en matière touristique, concluait à une baisse de 55 % du produit brut des jeux (PBJ) pour l'établissement de Bandol" du fait de la proximité de La Seyne et Sanary, distantes de seulement quelques kilomètres. À quoi Luc Le Borgne répond que son établissement de Fréjus (C.A prévisionnel de 12 M€ en année pleine), ouvert le 13 décembre dernier, a réalisé 608 K€ de recettes en décembre tandis que celui de Saint-Raphaël, distant de 3 km, voyait son C.A augmenter de 3 %. "L'ouverture d'un casino créé de la PBJ, il n'y a pas juste un phénomène de répartition", affirme-t-il, en espérant que le problème soit simplement de forme : le ministère n'a pas marqué sur l'arrêté le fait que les deux dossiers d'ouverture ont été étudiés en même temps.

Qui a le plus à perdre ?

Mais Viking Casinos est par ailleurs engagé dans une seconde bataille juridique concernant l'ouverture de son établissement à Sanary, initialement prévue en 2015 et dont le C.A est estimé à 12 M€ en année pleine. Son permis de construire sur l'espace boisé du Colombet fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Toulon, dont le jugement est attendu d'ici fin mars. Quoi qu'il en soi, c'est le groupe JOA qui a dans l'immédiat le plus à perdre. Le troisième opérateur français (22 casinos en France, 200 M€ de C.A en 2012, 1500 personnes) a en effet démarré les travaux de son futur casino de 5 800 m² pour un coût global estimé à 20 M€ et dont le potentiel est estimé à 20 M€. "Nous avons fini les fondations et allions entamer la construction des murs. Mais avec cette décision, nous arrêtons le chantier, explique Dylan Peyras, directeur du casino JOA de La Seyne-sur-Mer, casino provisoire installé début 2012 (C.A de 7 M€ à fin octobre 2013). Nous avons déjà investi environ 9 M€ sur le site et une centaine d'ouvriers travaillaient sur le chantier en incluant la sous-traitance." Le délai accordé par le tribunal administratif permet au casinotier de poursuivre l'activité de son casino provisoire et de déposer une nouvelle demande d'autorisation auprès du ministère de l'Intérieur, ce qu'il s'apprête à faire.

"Développement anarchique des casinos en France"

Mais les enjeux de cette bataille juridique dépassent le département du Var, où sept établissements sont actuellement en activité ( Bandol et Hyères exploités par le groupe Partouche, Cavalaire par le groupe Casino du Golfe, Fréjus par Viking Casinos, La Seyne-sur-Mer par le groupe JOA et Saint-Raphaël et Sainte-Maxime par le groupe Barrière). Mi-janvier, la section casinos et cercles de jeux de la fédération des employés et cadres de Force ouvrière (FO), a dénoncé dans un communiqué le développement "totalement anarchique et non maîtrisé" des casinos en France. "La municipalité concernée peut imposer une redevance allant jusqu'à 15 % des recettes du casino, poursuit FO, ainsi la mairie peut succomber à la tentation d'ouvrir un établissement de jeux sur son territoire, indifféremment de l'environnement économique local." Le syndicat préconise donc de "revenir sur ce modèle", appelant à une régulation à l'échelon régional ou départemental et à l'instauration d'un numerus clausus sur une zone géographique choisie.

Charlotte HENRY

Photo : Son autorisation d'exploitation annulée, le groupe JOA a démarré les travaux de son futur casino de 5 800 m² dans lequel il a déjà investi 9 M€

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