Fos-sur-mer, de bassin industriel polluant à vitrine de l’industrie décarbonée ? 2/2

Elle traîne sa réputation de bassin regroupant en un seul et même lieu une industrie polluante. Pourtant, cette très proche voisine de Marseille est le lieu qui concentre des leviers essentiels de l’économie du territoire, à commencer par le Grand Port Maritime. Et c’est aussi ici que sont nés des projets de décarbonation, bien avant l’heure, à l’image de PIICTO. C’est dans cette ville de 92 km2 dont 370 hectares d’espaces naturels que la future usine d’acier vert d’envergure européenne, GravitHy a choisi de s’implanter. Un mouvement de transformation qui s’opère et que même le maire, René Raimondi, a décidé de pousser. Demandant le soutien d’Emmanuel Macron, la levée des freins législatifs et autres réglementations qui empêchent, dit-il, d’accueillir comme il se doit de grands projets industriels, capable précisément de faire basculer Fos dans une ère définitivement plus durable.
(Crédits : DR)

Faire de Fos-sur-mer un démonstrateur totalement tournée vers l'industrie verte, alors que la ville vient d'être lauréate, via PICCTO de l'appel à projet ZIBaC, c'est précisément le vœu - très fortement exprimé - de son maire. René Raimondi - qui a endossé l'écharpe de premier magistrat durant 14 ans avant de démissionner en 2020 et d'être réélu voici 4 mois après le décès de Jean Hetsch le maire alors en exercice - enfourche vigoureusement le cheval de la décarbonation. Confirme que « une dizaine de projets » exogènes lui sont soumis, que les entreprises de la zone ont-elles-mêmes des velléités en ce sens, citant par exemple le projet MetamorFos d'Elengy qui prévoit de transformer la part biodégradable des déchets ménagers issus du périmètre de la métropole Aix-Marseille en biométhane, lequel servira notamment au transport maritime et à CMA CGM particulièrement. Ou rappelant celui de Geosel Manosque qui avec HyVence prévoit de produire de l'hydrogène renouvelable à partir du parc photovoltaïque de l'Engrenier, à Fos.

Un Fos en Grand ?

Il y a aussi Jupiter 1000, le démonstrateur power-to-gaz de GRTGaz qui a réussi le recyclage des fumées émises par Asco Industries en e-méthane l'an dernier. Sans oublier le parc éolien flottant et ses éoliennes construites par Eiffage. René Raimondi qui fait part de son agacement quand le projet ZIBaC de Dunkerque est doté de 13 millions d'euros par l'Ademe alors que celui de Fos-sur-mer n'obtient que 4 millions d'euros. Mais ce qui agace très fortement René Raimondi c'est le frein législatif. Celui qui, précisément dénonce-t-il, empêche certains projets de s'installer. Et d'en remettre une couche sur celui qui prévoyait l'installation du chinois Quechen, acteur du pneu vert, lequel avait choisi après une longue bataille avec d'autres destinations européennes, Fos-sur-mer pour y installer son usine européenne. Las, Quechen a annoncé récemment la suspension de son projet d'installation. Et pour René Raimondi, la lenteur administrative française n'a certainement pas aidé. « Il nous faut des lois d'exception. Il est indispensable de faire évoluer les textes et de faire en sorte que les projets qui se présentent ne soient pas stoppés. Il faut que les ayatollahs du risque industriel deviennent raisonnables ». Et le maire de la cité provençale de rappeler ce que la crise a enseigné. « Nous avons bien vu que l'indépendance industrielle est indispensable ».

René Raimondi qui en appelle à Emmanuel Macron, suggérant que certes le Plan Marseille en Grand c'est bien mais qu'il ne faut pas oublier ce qui existe autour de la Cité phocéenne. Un Fos en Grand est-il souhaitable ? « Oui bien sûr. Marseille en Grand, c'est de l'argent. Ce que je demande c'est une politique industrielle et un changement de textes réglementaires. TotalEnergies a mis six ans pour arriver à faire de son parc photovoltaïque, une réalité. Ailleurs, c'est 6 mois ».

Un Conseil de défense de l'industrie demandé

Il y a les projets mais il y a aussi l'accessibilité. Serpent de mer (depuis les années 60-70), la liaison routière entre Fos et Salon de Provence a fait l'objet d'une concertation publique, l'objectif étant de déterminer quel est le meilleur tracé pour relier les deux villes, enjeu indispensable en termes de desserte et de logistique. Un débat public et un avis donné par la commission nationale plus tard, c'est non à une desserte autoroutière et la suggestion de recourir à la multimodalité... « Il faut remettre sur la table le tracé nord, appelé de ses vœux par Fos et le Grand Port Maritime », plaide René Raimondi. Une préférence que l'élu justifie par une vision future de l'aménagement de sa ville. « Je me bats pour ce tracé car le seul moyen d'agrandir la ville ce sera par le nord ».

Avoir une vision, c'est globalement ce que revendique le premier Magistrat de Fos-sur-mer. Une vision pour son territoire donc, défend-t-il mais une politique industrielle aussi exige-t-il. En suggérant de créer, à l'instar d'un conseil de Défense, un Conseil de Défense industriel qui regrouperait « entreprises, transporteurs, industriels, PIICTO, la Région Sud et pourquoi pas le maire », dit René Raimondi. Un Conseil pour mieux faire et faire de concert.

Mais au-delà des projets portés par tous les industriels, grands et plus modestes, l'idée phare c'est cette Cité de l'industrie qui serait la vitrine de ce qu'est l'industrie décarbonée à Fos, exposant les savoir-faire et les expertises. « Ce serait un lieu pour les industriels, qui serait aussi un endroit pour se retrouver, pour parler de ce qui est fait, avec un espace R&D, où l'on pourrait accorder l'accès à la population afin qu'elle découvre ce qui est fait à Fos. Cela serait une façon de ramener des jeunes dans l'industrie. Pourquoi ne pas imaginer un cursus universitaire ».

Fos, « une marque »

L'objectif d'une Cité de l'industrie c'est de montrer et de faire savoir. Les industriels sont souvent discrets sur leurs projets, par nature. Mais pour faire changer l'image - de Fos comme des industriels - pour créer un intérêt, pour attirer, il faut montrer, démontrer. Montrer comment cela fonctionne, démontrer les effets produits. Et attirer, donc. Car c'est cela aussi le but. Attirer sur le territoire d'autres industriels, d'autres projets, eux aussi porteurs d'innovation. On retiendra, par exemple, l'implantation annoncée d'Euro Packaging Group, spécialiste de l'emballage britannique, qui va s'installer tout à côté de Fos, à Port-Saint-Louis du Rhône, son unité d'emballage papier. L'attractivité, plus que jamais le nerf de la guerre...

Un alignement des planètes pourrait bien être en train de se produire, entre contexte global, engagements des industriels déjà actés en amont et capacité à accueillir de nouveaux projets. René Raimondi en convient mais en rajoute une couche sur le GPMM, qui bénéficie d'espaces à aménager, qui a donc tout un champ des possibles qui s'ouvre ? « Il a fallu que l'intérêt pour le pétrole se tarisse, pour que l'on réfléchisse autrement à l'aménagement », tacle encore le premier magistrat. Qui compte bien rencontrer prochainement le nouveau président du conseil de surveillance du GPMM, Christophe Castaner. Et qui compte tout autant sur « sa ligne directe » avec le plus haut sommet de l'Etat pour que les revendications soient entendues. Parce que plaide-t-il encore, « l'industrie et le Port, c'est à Fos ». Mais c'est tout de même aussi l'identité de tout un territoire. Dont le jeu collectif est plus que jamais souhaitable, pour que les rêves de tous - somme toute assez convergents - deviennent réalité.

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