Quechen ne viendra pas et avec l'annonce du suspens du projet d'installation du n°3 de la silice verte à Fos, c'est un coup qui est porté à l'enthousiasme soulevé dès 2016 par l'intérêt chinois.
Pour rappel c'est en 2016 que Christian Estrosi entame l'une des démarches qui doit amener le groupe chinois à choisir Fos comme terre d'implantation. En déplacement officiel en Chine, celui qui est alors président de la Région Sud, se rend à Wuxi, au sein de l'usine chinoise de Quechen pour porter la bonne parole et convaincre son PDG, Weidong Que, des atouts du Sud. Une étape qui fait suite aux premiers contacts établis dès 2015 par la Métropole Aix-Marseille Provence. Il faudra ensuite que Renaud Muselier, entre-temps devenu président de la Région, rassure sur le climat social du Port de Marseille-Fos pour lever les doutes - on sait les Chinois particulièrement précautionneux - et pour qu'en 2018 le choix de Fos, face à Rotterdam, soit officialisé.
L'industrie, enjeu régional
Entre temps, études de courantologie - financées par la Métropole - études de terrain et accord d'exonération de taxe foncière pour 5 ans, notamment, figuraient dans la corbeille de la mariée, comme preuve de la volonté de permettre une implantation la plus fluide possible. Il faut dire que l'investissement consenti par le groupe spécialiste du pneu vert, de l'ordre de 105 millions d'euros pour le volet financier assorti d'une promesse de centre de R&D, pour le volet compétences, avaient de quoi donner envie. Donner envie à d'autres, c'était d'ailleurs bien aussi, l'une des externalités positives attendues.
Car forcément, un géant industriel qui opte pour le Sud, terre d'industrie encore trop méconnue, ça en jette dans les arguments de stratégie d'attractivité.
En 2016, comme en 2018 d'ailleurs, on est loin de la volonté d'une grande et vaste réindustrialisation de la France. Mais si ce n'est pas un sujet d'envergure hexagonale, c'est alors un sujet régional. Lorsqu'il accède à la présidence du Conseil régional en 2016, l'ancien ministre de l'Industrie qu'est Christian Estrosi inscrit la chose industrielle dans son plan de développement. C'est alors notamment qu'il crée les Opérations d'Intérêt régional, les OIR, dont l'une est d'ailleurs dédiée à l'industrie du futur.
Point fort et faible à la fois
L'industrie, ce point faible et ce point fort à la fois pour une région qui peine à se faire voir sous ce prisme. Pourtant, l'industrie est un pilier majeur de l'économie régionale, mais il est vrai, moins visible que le tourisme. Pourtant c'est 11% du PIB régional, 426.000 emplois soit 32% de l'emploi salarié privé. C'est de l'industrie agro-alimentaire, de la parfumerie, de la logistique, de la métallurgie. Des ETI et grands groupes mais aussi des PME. Quechen c'était finalement le bon signal envoyé en France, en Europe et au monde entier, celui capable de dire qu'en Provence on est bon en industrie verte. Ce prisme est d'ailleurs clairement inscrit dans la feuille de route des agences de développement économique et d'attractivité. On retiendra l'annonce récente d'Euro Packaging Group d'installer sa première unité de production d'emballages papier d'Europe à Fos, précisément. Un choix d'installation - pour un investissement déjà consenti de 47 millions d'euros - qui doit beaucoup à l'écosystème : on en veut pour preuve la prise de participation au capital d'une autre entreprise venue s'installer sur le territoire, Eranova, qui a installé à Port Saint-Louis du Rhône, à proximité immédiate de Fos, un démonstrateur pré-industriel de production de biomatériaux à partir d'algues d'échouage. Le tout mobilisant 63 millions d'euros d'investissement. Annoncée aussi, mais les retombées seront à mesurer plus tard, la création d'une usine d'acier vert à horizon 2027, devrait avoir un effet d'entraînement conséquent. Car GravitHy, tel est son nom, profite précisément du positionnement géostratégique de Fos et de son ouverture sur la vaste Méditerranée.
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La non-venue de Quechen ne doit donc pas être l'arbre qui cache la forêt, mais doit être l'occasion de se poser les bonnes questions : 6 ans après de premiers contacts très avancés, est-ce un délai raisonnable quand un industriel étranger décide d'investir en Provence ou ailleurs en France ? Ce délai - une éternité quand on parle le langage entreprenarial, langage universel - est-il entendable, raisonnable ? Vouloir réindustrialiser oui, mais ne faut-il pas aussi faire correspondre ambitions et moyens ? A défaut donc d'accueillir le n°3 de la silice verte, que Quechen soit la bonne raison pour remettre à plat ce qui constitue des freins à une installation rapide. L'enjeu de compétitivité est évidemment mondial. Et quand on sait être plus séduisant que Rotterdam ou toute autre destination mondiale, on ne doit pas pécher par excès, de zèle ou d'autre chose.
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