Comment Biomimetic prépare son déploiement industriel

Son métier : produire des insectes qui dégradent des déchets organiques pour en faire des protéines destinées à l'alimentation animale ainsi que de l'engrais. Installée à Avignon, cette PME compte parmi ses clients des géants de ces secteurs. Disposant pour l'heure d'un démonstrateur industriel qui lui permet de transformer 2.500 tonnes de produits entrants, elle souhaite monter plusieurs usines sur le territoire régional, passant ainsi à une capacité de 100.000 tonnes d'intrants. Des sites potentiellement créateurs d'une soixantaine d'emploi au total, situés chacun à proximité des fournisseurs et clients pour limiter l'impact carbone.
(Crédits : DR)

Leur érosion est massive. Avec une population qui a chuté de 70 à 80 % en Europe au cours des dix dernières années, les insectes devraient être au cœur des inquiétudes liées à la préservation de l'environnement. Mais on a tendance à sous-estimer leur importance. Leurs qualités de pollinisateurs sont bien identifiées, à tel point qu'on ne compte plus le nombre d'organisation revendiquant l'installation de ruches.

Néanmoins, cette capacité à polliniser n'est qu'un des très nombreux services que nous rendent les insectes. Acteurs primordiaux de la fertilité des sols, ils constituent également un maillon essentiel des chaînes alimentaires, ce qui les rend indispensables à notre vie sur terre. De même qu'à notre organisation économique. C'est cette interdépendance qui est au cœur de l'activité de Biomimetic, PME originaire d'Avignon de sept salariés.

Entomoconversion

Son fondateur s'appelle Damien Sabatier. « Dans une première vie professionnelle », raconte-t-il, « je menais des travaux de recherche pour le Cirad », un organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale. À l'occasion d'une mission d'exploration en Afrique du Sud, il constate qu'un insecte joue un rôle majeur dans le traitement des déchets des marchés alimentaires. « Ces mouches se posaient sur les amoncellements de détritus et pondaient des œufs ». Ces monticules de déchets recouverts de larves étaient ensuite récupérés par les producteurs de fruits, légumes et poissons. « Une partie servait à nourrir les poissons et le reste permettait de fertiliser les sols ». En jargon technique, on parle d'entomoconversion. Un terme qui définit ces processus biologiques dont les insectes sur les protagonistes.

« Il s'agit d'une logique écosystémique dans laquelle l'activité humaines s'intègre parfaitement à son environnement. On utilise tout ce que nous offre la nature et les insectes sont des alliés et non des ennemis ». A l'inverse des systèmes agro-industriels dominants, dans lesquels l'usage de pesticides et d'engrais chimique est monnaie courante, empêchant les processus naturels de se mettre en branle. Dans un cercle vicieux qui oblige à consommer toujours plus d'intrants chimiques.

Industrialiser la production de mouches

Pour calmer cette spirale, Damien Sabatier souhaite importer ses observations sud-africaines en France. Il faut pour cela industrialiser la production de cette mouche soldat noir qu'il a vu officier en Afrique du Sud. « Cette mouche, originaire d'Amérique du Sud, était déjà présente en France. On la trouve même dans le catalogue des espèces autorisées à la production en Europe ».

Il faut dès lors comprendre son fonctionnement, son mode de reproduction, les conditions les plus propices à son développement ; maîtriser sa génétique ... Soit cinq années de recherche et développement avant de pouvoir proposer les petites bêtes sur le marché. Au travers de deux principaux débouchés.

Alimentation et fertilisation des sols

« Le premier, c'est l'alimentation animale. Les larves permettent la fabrication de protéines et de graisses qui peuvent être incorporées à des recettes pour les animaux d'élevage, les animaux domestiques et mêmes pour les humains ».

Et comme rien ne se perd dans le monde de l'entomoconversion, Biomimetic utilise également les déjections des insectes pour fabriquer des engrais, son second marché.

Parmi ses clients, « de très grosses structures, des majors de l'industrie agroalimentaire, des coopératives en recherche de solutions pour mieux valoriser leurs coproduits ». Coproduits dont l'enlèvement coûte cher, ce qui rend Biomimetic plus attractive.

Une meilleure valorisation économique

D'autant que l'entreprise a un atout : une valorisation économique supérieure aux autres voies de valorisation comme le compostage ou la méthanisation. « Avec le compostage, une tonne de matière organique permet de produire une demi tonne de produit à faible valeur économique. Avec la méthanisation, une tonne de matière permet de produire 100 kg de biogaz et les coûts liés à la technologie sont importants ». Qui plus est, la méthanisation a été pensée pour valoriser des matières d'origine animale, et elle est moins efficace avec les fruits, légumes et céréales. À l'inverse, Biomimetic est capable de transformer tout type de matières organiques.

Quid des déchets organiques des ménages que ces derniers seront obligés de trier dès janvier 2024? « C'est un sujet qui n'est pas prioritaire mais sur lequel on avance ». L'entreprise est par ailleurs impliquée dans le métaprogramme Better (Inrae), et plus précisément dans le projet exploratoire Fly4waste, qui a pour but d'établir la faisabilité de l'entomoconversion comme voie de valorisation des déchets urbains et périurbains.

Autre piste de travail pour la PME : la production de vitamines essentielles à partir des larves de mouches. Un sujet en cours d'exploration.

Déploiement industriel

Mais pour l'heure, Biomimetic a une priorité : son déploiement industriel. D'un démonstrateur industriel qui lui permet de transformer 2.500 tonnes de matières, elle veut passer à plusieurs usines qui accroîtraient cette capacité à 100.000 tonnes. De quoi produire 5 à 10 tonnes de protéines par an, et 40.000 à 50.000 tonnes d'engrais.

Pour cela, elle compte installer plusieurs usines en propre, à proximité de ses sources de gisement plutôt d'une gigafactory, afin de minimiser les pollutions liées au transport. « La première usine se situera dans le nord du Vaucluse ». Quant aux deux ou trois autres, elles devraient prendre racine dans les Bouches-du-Rhône et le Var. Une façon de « décarboner la filière du traitement des matières organiques ».

Ce projet, qui devrait aboutir d'ici trois ans, nécessitera plusieurs dizaines d'embauches. « Nous devrions passer de 7 à 70 salariés », prévoit Damien Sabatier. Une levée de fonds sera nécessaire. Avec l'ambition de collecter 30 millions d'euros d'ici 2024, dont une première tranche à hauteur de 12 millions d'euros.

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