Après la crise, comment le fabriquant de boissons fruitées Kookabarra fait le pari du local

Installée à Cavaillon, cette PME de 25 salariés s’est longtemps concentrée sur le marché des hôtels et restaurants à qui elle distribuait ses jus de fruits haut-de-gamme. Le covid-19 l’a obligée à revoir ses plans et à élargir ses canaux de distribution, en s’adressant dès lors aux particuliers. Un pari qui commence à porter ses fruits grâce à une stratégie : celle d’un très fort ancrage local.
(Crédits : DR)

HPP. Ou pasteurisation à froid. C'est cette méthode qu'a choisie Kookabarra pour la stérilisation des bouteilles de jus de fruits qu'elle produit au sein de son usine installée à Cavaillon.

Le principe : l'utilisation de la haute pression et du froid pour détruire les agents pathogènes, virus et autres bactéries. « C'est comme si on plongeait une bouteille à 60.000 mètres sous la mer », compare le fondateur de l'entreprise, Jérémie Marcucilli. Une méthode permettant d'allonger la durée de vie des jus de fruits sans en altérer les qualités nutritives et gustatives. De sorte que la durée limite de conservation atteint les 150 jours, contre une poignée de jours pour un jus premium classique.

Si l'entreprise a développé cette technologie, c'est d'abord pour séduire ses clients historiques que sont les hôtels et restaurants, soucieux de proposer des jus de fruit de qualité lors du petit-déjeuner de leurs clients tout en réduisant le gaspillage grâce à la longue durée de conservation.

Le choc du covid-19

Grâce à ce positionnement, l'entreprise affiche en 2019 un chiffre d'affaires de 4,4 millions d'euros. Pour poursuivre sa croissance, elle se dote alors d'une usine de 4.700 mètres carrés où elle presse et transforme des fruits issus d'un réseau de producteurs locaux avec qui l'entreprise travaille depuis au moins dix ans. De quoi s'offrir un nouveau départ. Jusqu'à l'épidémie de covid-19 et les fermetures de lieux publics qui en découlent. Hôtels et restaurants en premier lieu.

Il faut donc trouver de nouveaux canaux de distribution pour continuer à vendre malgré tout. Et pour ne pas gâcher les jus déjà produits, bien que la conservation longue durée offre quelques semaines de latitude pour agir.

Du marché des professionnels à celui des particuliers

Les produits de l'entreprise sont ainsi proposés à la vente aux particuliers dans un rayon de 30 km autour de Cavaillon. « Cela n'a pas été une mince affaire. Il a fallu se doter d'un site de vente en ligne qui propose notamment aux clients de composer leur box de jus ».

S'y ajoute un défi logistique et une gamme de produits à étoffer sur un marché où les concurrents ne cessent de proposer de nouvelles saveurs. « Nous sommes devenus un fabricant de boissons premium ». Ce qui sous-entend de dépasser le seul segment des jus de fruits, avec une segmentation en plusieurs gammes : jus de fruits, smoothies, detox et, plus inédit, une « eau de café » née d'un partenariat avec Malongo. « Nous avons développé un process industriel pour extraire le café torréfié ». A ne pas confondre avec un café froid qui, passées quelques heures, devient amer et astringent. Là, il s'agit de figer les saveurs. Un peu comme l'entreprise le fait avec les fruits.

Elle vient également de lancer une citronnade au sein d'une gamme Boissons du monde. Celle-ci contient trois variétés de citrons issus du bassin méditerranéen. « Et comme nous n'avions jamais utilisé de sucre dans nos recettes, nous avons développé un sucre naturel à partir de betteraves françaises ». Une variété de produits qui permet à la marque de proposer « une boisson de tous les instants ».

Mailler le territoire dans un rayon de 30 kilomètres

Pour faire connaître ses produits au grand public, la marque fait immédiatement le pari du local. « Nous avons privilégié un réseau situé dans un rayon de 30 km autour de Cavaillon. Dans ce rayon, notre stratégie est de faire en sorte que pas un habitant, ni une association ne nous connaisse pas ».

D'où la présence dans de nombreuses manifestations sportives (rugby, athlétisme, vélo, VTT, ...) et gastronomiques (marchés), de même que dans les fêtes votives de villages. « Au lieu de boire de l'Oasis, on leur montre qu'il existe une marque locale et saine ». Kookabarra arpente aussi les écoles locales dans le cadre de séances d'éducation au goût et au bien manger.

Un ancrage qui ne l'empêche pas d'être sollicitée par les organisateurs du marathon du Beaujolais ou sur le Vendée Globe. De quoi asseoir plus encore sa notoriété.

Notoriété à qui elle veut offrir un point de chute physique avec l'ouverture en mai d'un caveau de dégustation attenant à son outil de production. « Cela permettra de faire part à nos clients de nos innovations et de nos recettes ». Et ces derniers ne viendront pas uniquement pour déguster les breuvages de la marque. Il s'agira d'un « pôle de vie » centré sur le bien-manger et le sport. Avec la présence de foodtrucks, et d'un acteur de la location de vélo.

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Faire preuve d'une « agilité de tous les instants »

Si l'hôtellerie-restauration demeure le cœur battant de l'activité de l'entreprise - qui travaille notamment pour de grands groupes comme Accor, Mariole, ou les Collectionneurs -, les efforts menés sur le marché des particuliers « commencent timidement » à porter leurs fruits, assure l'entrepreneur.

Après une année 2020 marquée par une baisse de 33 % du chiffre d'affaires et une année 2021 un peu meilleure, l'année 2022 doit être celle du retour au niveau de 2019, voire au-delà. A condition de faire preuve « d'une agilité de tous les instants » face aux nombreuses incertitudes du marché : hausse des prix des emballages, du gazole, de l'électricité. D'autant que pour l'heure, la PME se refuse d'opter pour une hausse de son prix de vente.

« Car notre ambition est de montrer que produire un bon produit en circuit court ne coûte pas plus cher qu'un autre ». Qu'en réduisant le coût du transport et le nombre de transformations, on peut valoriser des matières premières plus qualitatives. Et ainsi obtenir un produit transformé qui l'est tout autant.

Un message que Jérémie Marcucilli, après plus de quinze années à la tête de sa société, entend bien transmettre. Ce qui passe par la fidélisation de ses équipes. « Les métiers de l'agroalimentaire sont parfois pénibles car récurrents. On est sans cesse scruté car on est au cœur de la matière. Et la transformation se réalise dans des températures comprises entre 0 et 4°C. Nos salariés ne sont pas là juste pour presser ». Ils doivent trouver autre chose : des avantages sociaux, du sport ou encore des moments conviviaux. Essentiel pour maintenir la motivation des salariés dans un secteur en tension ; et pour que l'histoire de Kookabarra puisse s'inscrire dans la durée.

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