Isabelle Rivière : "Le véhicule électrique arrive en masse dès 2021"

Par Laurence Bottero  |   |  702  mots
(Crédits : DR)
Alors que l'incitation gouvernementale se fait en défaveur du diesel et que la mobilité propre devient de plus en plus un sujet pour les collectivités comme le consommateur, la fondatrice des Assises des Infrastructures de Recharge qui se tiennent cette semaine à Nice explique en quoi le virage du durable est proche mais la route, pas forcément une ligne toute droite.

La Tribune - Vous avez créé en 2012 les Assises des Infrastructures de recharge électriques. Qu'est-ce qui a changé en 7 ans ?

Isabelle Rivière - Tout ! Il y a 7 ans il n'y avait pas encore de voitures... et pas encore de bornes. Lors des 1ères Assises, nous avions senti une tendance, un marché frémir et nous avons créé cet événement. J'étais alors présidente de l'AVEM (association pour l'avenir du véhicule électro-mobile, basée à Nice NDLR) et c'est à l'issue de cette première édition dans une salle pleine que la Mairie de Nice a choisi de garder cet évènement sur le territoire. Depuis, nous sommes fidèles et les professionnels européens apprécient beaucoup d'y venir pour parler business.

La prise de conscience sur le véhicule électrique semble effective - on constate le "rejet" du diesel par le législateur -, mais l'est-elle réellement ?

Oui, les chiffres des immatriculations le prouvent. En janvier, les immatriculations des véhicules essence ont progressé de 16,4 % alors que celles des véhicules diesel ont chuté de 14,1 %. Mais les véhicules avec beaucoup d'autonomie ne sont pas encore sur le marché français, hors Tesla. Il faut attendre 2019-2020.

Entre l'ambition politique et la réalité du terrain, y a t-il adéquation ?

Le gouvernement français a maintenu les aides financières, voire les a modifiées afin qu'elles soient accessibles à des revenus plus modestes. Mais nous sommes encore dans la carotte financière. Pourquoi n'investit-on pas davantage dans l'exemplarité pour aller vers l'électrique ? Il manque en France une agence d'Etat qui embrasse le sujet à tous les niveaux, qui ait du poids et qui fédère en partant de l'école, en passant par le ministère de la santé publique jusqu'aux initiatives de régulation des marchés et juridiques. Tous les pays qui ont réussi à imposer l'électrique ont une agence d'Etat. Il en faudrait donc une en France mais qui ne soit pas uniquement dédiée à l'électrique mais plus largement à la mobilité durable afin d'avancer vers une mobilité décarbonate c'est-à-dire tous carburants alternatifs.

Comment PACA se place sur les sujets de mobilité propre ? Quid des corridors ?

Jusqu'à présent, Provence Alpes Côte d'Azur a été très en retard - hormis les Auto Bleue à Nice -, mais elle va capitaliser sur son retard en essayant d'être dans le coup d'après, c'est-à-dire en préparant une politique de mobilité durable qui intègre les trois carburants que sont le gaz, l'hydrogène et l'électrique. Pour ce qui est des corridors, existent ceux déployés par Proviridis (entreprise basée à Marseille NDLR), certaines bornes du CNR passent par PACA ainsi que certaines du Corri-Dor (porté par Sodretel/EDF et des constructeurs NDLR). Provence Alpes Côte d'Azur n'a pas investi dans un large déploiement, en tout cas pas pour le moment.

Quels sont encore les freins réels ?

Le manque de simplicité quand on veut acheter un véhicule électrique, le manque de formation des vendeurs pour aiguiller les nouveaux acheteurs sur la réelle utilisation de la recharge... Plus les voitures vont avoir des batteries importantes, plus le besoin d'avoir une wall box sera indispensable et les vendeurs de voitures ne sont pas au point sur ce sujet, ce qui risque de provoquer un désenchantement rapide de la part des nouveaux acquéreurs à qui l'on n'aura pas suffisamment dit que ce n'est pas si simple... Le coût de la voiture électrique est encore important... L'autonomie qui n'est pas encore réellement suffisante mais qui arrive à grand pas dès 2019-2020. Il faut s'attendre à voir arriver le véhicule électrique en masse à partir de 2021-2023.

L'électrique n'apparaît pas comme étant la réponse à tout. Comment penser multi-énergies ?

Tout dépend des usages... c'est comme la puissance d'une borne ou le choix d'un forfait de téléphone... ça dépend de ce que vous voulez faire... A une chose près c'est qu'alors que les camions n'étaient pas une cible pour l'électrique, ils le deviennent ! Il faut des dynamiques de territoire, venant du public et du privé.