« Le mandat de maire est un mandat d’action et de courage » (Christian Estrosi)

GRAND ENTRETIEN - Depuis 2008 il pilote la cinquième ville de France et préside aux destinées de la Métropole Nice Côte d’Azur depuis 2012, tout en assurant aussi la présidence déléguée de la Région Sud. Alors qu’il est engagé dans son troisième mandat municipal, celui qui a été ministre de l’Industrie évoque les grands projets structurants en cours et à venir, insiste sur l’accélération obligatoire en termes de transition environnementale, parle attractivité industrielle – un vrai axe d’amélioration – et attractivité tout court. Redit ce que représente pour lui le mandat de premier magistrat. Et parle dette, sujet qui cristallise et qui sera, sans nul doute, au centre des prochaines échéances électorales.
(Crédits : Olivier Huitel)

LA TIBUNE - Nice, la ville dont vous êtes le maire et Nice Côte d'Azur, la métropole que vous présidez, s'engagent dans de vastes travaux d'infrastructures dont une seconde phase de la Coulée Verte. Il y a aussi cet Hôtel de Police qui redonnera vie au bâtiment qui a abrité l'ancien hôpital Saint-Roch, situé en plein cœur de la cité. A mi-parcours de votre troisième mandat municipal, certains chantiers sont-ils plus prioritaires que d'autres ?

CHRISTIAN ESTROSI - Dès la loi sur le non-cumul des mandats, j'ai dit que je faisais le choix - tant que les électeurs me faisaient confiance - de ne m'engager que pour ma ville et la Métropole. Il existe, depuis le premier mandat, un fil conducteur qui fait que tout s'inscrit dans la continuité. Les grands projets de ce troisième mandat découlent de ce qui a été préparé. Et parmi les projets majeurs figurent en effet l'Hôtel de Police. Il faut savoir que la police nationale était logée dans des locaux indignes. Nous avons donc racheté le bâtiment au ministère de la Santé et proposé d'y réaliser un grand Hôtel de Police qui rassemble la police nationale, les renseignements territoriaux, la sécurité civile, la police municipale... et que l'on y aménage un centre d'hypervision urbain et de commandement qui réponde aux problématiques de mobilité, d'environnement, de risques naturels. Dans une période de crise, avoir un chantier de cette nature, qui nécessite un investissement de 220 millions d'euros, financé à hauteur de 172 millions d'euros par l'Etat, est significatif. En homme de droite que je suis, la relance de l'économie par l'investissement est un choix. Ce chantier (dont la livraison est attendue pour 2025 NDLR) fournit de l'activité aux entreprises locales.

D'autres projets structurants, outre la Coulée Verte, sont également prévus, très tournés vers l'environnement. C'est, dites-vous, afin atteindre l'objectif de diminution de 55% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 que vous avez fixé.

La Coulée Verte saison 2 est la suite logique de la saison 1. Et nous agirons partout où nous avons la possibilité de procéder à une désartificialisation des sols. 280.000 arbres ont été plantés ce qui fait 70 hectares d'espaces verts supplémentaires qui ont été distillés au cours de mes mandats précédents. Lors du dernier mandat, nous avons réglé la problématique du transfert du Théâtre national (appelé TNN NDLR), de la cinémathèque et nous avons lancé les procédures pour le futur parc des expositions qui s'érigera au sein du pôle multimodal (dans le périmètre de l'Eco-Vallée, à l'ouest NDLR). La Coulée Verte est aujourd'hui en chantier. A cela s'ajoute la future station de traitement et de valorisation des eaux usées, Haliotis 2, qui sera exemplaire en termes de transition écologique. C'est la station du XXIIème siècle. Elle produira quatre fois plus d'énergie que ce que consommait l'ancienne station et elle s'inscrit parfaitement dans le projet d'aire marine protégée de la Baie des Anges. Suez l'a emporté face à Veolia et c'est un investissement de 540 millions d'euros pour un montant total de 700 millions d'euros. C'est un projet qui va fournir de l'activité à de nombreuses entreprises jusqu'en 2030, date de sa livraison. La mobilité est également un élément important dans notre souhait de protection de l'environnement. Les lignes 4 et 5 du tramway (prévues pour 2026 et 2028 NDLR) sont indispensables pour atteindre notre objectif de diminution de 55% de Co2 d'ici 2030. Pour rappel, la livraison de la ligne 2 du tramway en 2019 (ligne qui relie l'est à l'ouest de la ville NDLR) a permis la baisse d'émissions de NOx et particules fines entre -17 % et -31 % sur la Promenade des Anglais.

La démolition du palais des congrès Acropolis et la Coulée Verte saison 2 c'est aussi 1.700 tonnes de Co2 évitées annuellement.

Vous vous êtes doté, il y a quelques jours d'un Haut Conseil pour le climat et la biodiversité. Quel sera réellement son rôle ?

C'est Magali Reghezza (géographe, niçoise d'origine et membre du Centre de formation sur l'environnement et la société de l'Ecole normale supérieure NDLR) qui m'a conseillé et conseillé différents confrères, experts dans leur domaine. Ce Haut Conseil doit nous permettre d'accélérer, de vérifier que nous tenons le cap. Il nous permet de sortir du débat politicien. Les projets validés par ce Haut Conseil seront plus difficilement contestables.

Il a été annoncé, voici quelques semaines, la tenue à Nice de la conférence des Nations Unies sur la thématique des océans. Le choix de la 5ème ville de France était-il si évident ?

La France et le Costa Rica sont en charge d'organiser la conférence. Après New York et Lisbonne, c'est Nice qui a été choisie car Nice est exemplaire du point de vue verdissement, réduction des particules fines. Nice est en tête des grandes villes de France de plus de 200.000 habitants où le niveau de particules fines a le plus baissé entre 2009 et 2021 puisqu'il est de l'ordre de -53,29% là où il est de 52,78% à Lyon, de -50,11 % à Marseille ou de -45,02% à Toulouse. Cette conférence devrait se conclure par les Accords de Nice sur les océans.

Pour en revenir aux projets structurants, certains n'emportent pas l'adhésion immédiate de la population. C'est par exemple le cas de la deuxième partie de la Coulée Verte. La Promenade du Paillon - autre nom de la Coulée Verte - est aujourd'hui plébiscitée, reconnue comme un aménagement vert qui a changé positivement la ville. Il y a dix ans cette Coulée Verte saison 1 provoquait aussi des critiques. Qu'avez-vous appris de cette expérience ?

D'abord, la dimension sociale. Dans un territoire comme le nôtre, peu disposent d'un bout de jardin ou d'un balcon. Aujourd'hui, on est réfractaire par principe, on se demande « pourquoi ce chantier ». Dans la vie politique, soit on se dit je ne passe par l'adversité, soit on l'affronte. Le mandat de maire est un mandat de dialogue, c'est un mandat d'action. Il faut savoir entendre, expliquer et ensuite décider. C'est l'un des mandats qui exige le plus de courage. Ceux que l'on considère comme des grands maires sont des maires qui ont fait preuve de courage. Le courage ce n'est pas difficile à partir du moment où l'on est sincère. Ce projet n'est fait par ego mais parce que j'ai des données et que j'écoute ce que me disent les experts. Il faut continuer sur le Paillon. D'autre part, là où le pouvoir d'achat a chuté, on remarque un mouvement de plus en plus important vers la mobilité douce. Le projet de Bus à Haut Niveau de Service va permettre de dédoubler la ligne 1 du tramway. Nous avons porté la capacité de transport en commun de 8.000 usagers par jour à 37.000 usagers par jour.

Le Port de Nice est un également un projet dont le devenir est guetté très attentivement. Où est-il ?

Il n'est pas question du Port de Nice mais de la façade portuaire. La Métropole dispose d'un réseau non pas de un, mais de huit ports (de Saint-Laurent du Var à Cap D'Ail NDLR). Pour le dire autrement, nous disposons d'un port en sept parties. Nous voulons être davantage une destination de grande plaisance que de croisiéristes et de ferries. Nous allons équiper les ports de branchement électrique à quai. Nous imposons aux bateaux de pas entrer dans les ports s'ils dégagent plus de 0,1% de soufre. Nous allons relancer également la filière pêche.

Nice et plus largement la Côte d'Azur sont perçues comme des destinations touristiques. Mais il existe pourtant aussi une industrie, peu identifiée comme une filière à part entière en dehors des frontières régionales. Quelle stratégie l'ancien ministre de l'Industrie que vous êtes estime qu'il faudrait mener pour attirer des projets industriels ?

Nous disposons d'un beau tissu industriel qui englobe Carros Le Broc (siège d'entreprises comme Virbac, Malongo ou Arkpharma NDLR), l'OIN Eco-Vallée, des entreprises dynamiques comme Ragni... Nous avons l'opportunité d'accueillir de nouvelles industries, dans le domaine de la santé comme des éco-industries. Les grandes industries aiment venir lorsque le territoire est organisé, lorsque les grandes écoles sont présentes. Ce qui est notre cas avec la présence de Simplon, Isart, des écoles d'ingénieurs, de l'Ecole 42, du Wagon ou de Centrale... Ici, les industriels sont dans un écosystème. Nous pouvons avoir un peu plus d'industrie liée à la santé et nous y travaillons.

Autre sujet, quid de la dette ? Un « reproche » qui vous est adressé, entre autres par vos adversaires politiques. Dette ou investissement ?

Le rôle d'une collectivité est de soutenir l'activité économique et l'investissement et de faire de la bonne dette. Savez-vous que les bons de souscription émis au début des années 1900 afin de financer le métro de Paris ont été remboursés il y a 15 ans ? Qu'est-ce qui compte ? Des entreprises qui ferment ou de la dette sur la collectivité ? Je préfère la dette de la collectivité à partir du moment où la dette est génératrice d'emplois et de croissance. La dette n'est pas un gros mot.

Municipales : avantage Estrosi, match possible avec Ciotti

Si l'échéance est encore lointaine, le sujet n'en n'est pas moins déjà d'actualité. A trois ans du prochain scrutin municipal, la prise de tension du climat politique par l'Ifop révèle quelques tendances qui ne sont pas inintéressantes mais dont il faut aussi conserver le recul nécessaire. Ainsi, le sondage mené par l'institut a établi une hypothèse qui place l'actuel maire de Nice en tête au premier tour, fort de 35% d'intention de vote, suivi par Eric Ciotti, crédité de 25% des suffrages. Suivent ensuite Europe Ecologie les Verts et la France insoumise, respectivement à 11% et 9%. Puis Philippe Vardon, ex-RN, désormais Reconquête et le Rassemblement national à 5% et 6%. « L'avantage est net pour le maire sortant », commente Frédéric Dabi, le directeur général de l'Ifop. « Mais le match est possible avec Eric Ciotti ». Eric Ciotti qui a la capacité à siphonner des voix du côté du vote RN comme du vote Reconquête. Mais Christian Estrosi peut également bénéficier de voix en provenance de la gauche, disposée à voter utile et qui ne ferait pas le choix, au second tour, d'Eric Ciotti. Ce que dit également l'étude publiée par l'Institut de sondage c'est que le match se situe assez clairement en dehors de la gauche. D'aucuns évoquent une triangulaire en additionnant des pourcentages, mais, dit Frédéric Dabi, « la triangulaire n'a pas été testée comme configuration. De plus, il ne faut pas oublier que l'échéance est à trois ans et que seul le premier tour a été testé dans l'étude. L'électorat, ce n'est pas de l'arithmétique, c'est de la dynamique ».

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Commentaires 3
à écrit le 02/03/2023 à 17:17
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En parlant de courage : Dénonçant des « manœuvres » de leurs alliés de la majorité présidentielle et un « gâchis », les députés Horizons ont retiré jeudi leur proposition de loi de lutte contre la récidive, après avoir été battus dans l’hémicycle ...

à écrit le 02/03/2023 à 16:47
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C'est pas sa femme laura Tenoudji qui présente une vidéo sur la Tribune de temps en temps.Une journaliste de France 2 .

à écrit le 02/03/2023 à 7:40
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Il a peut être réussi à Berner les citoyens de sa Commune et il a aussi des réussites à son action, mais n'oubliez pas que c'est d'abord pour lui qu'il travaille, même alors qu'il pourrait passer la main,il continue pour son clan et le système qu'il...

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