"Les instances internationales voient le Sud comme un lieu de réflexion et de travail" (Renaud Muselier, président Région Sud)

Avec le forum Méditerranée du futur, le président de la Région Sud souhaite donner à la collectivité et au territoire qu'elle représente une dimension mondiale. Tout en y incluant la notion de dernier kilomètre.
(Crédits : Yann BOUVIER)

Enjoué, Renaud Muselier répond au téléphone avec un "vive la Méditerranée". Le président de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne cache pas sa satisfaction à propos de la cinquième édition de Méditerranée du futur. Un évènement "très positif" qui a réuni pendant deux jours plus d'une trentaine de délégations internationales à Marseille.

Au-delà des rencontres, l'événement a débouché sur le lancement du fonds d'investissement Pliff. De son nom complet PAMex Locally Investment Facility, il doit devenir le bras financier du PAMex, l'acronyme du plan d'action pour une Méditerranée exemplaire 2030, et vise un milliard d'euros d'ici trois ans pour soutenir des projets environnementaux. Du concret, assure Renaud Muselier.

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LA TRIBUNE : Quel est le rôle d'une collectivité comme la Région au sein du bassin méditerranéen ?

RENAUD MUSELIER : Nous sommes plus des Méditerranéens que des gens de l'Europe centrale, si nous les Français, Espagnols et Italiens ne prenons pas notre destin en main par rapport à ce bassin ce ne sont pas les Européens qui le feront pour nous. Donc, nous avons un rôle de leader naturel. Nous avons tous les mêmes problèmes et responsabilités. Nous sommes respectueux de la diplomatie de nos Etats, mais nous avons tous les mêmes problèmes et responsabilités. Comme j'aime bien le dire, nous nous occupons du dernier kilomètre.

Mais je veux donner à la région une dimension mondiale. Quand nous organisons Méditerranée du futur avec des pays étrangers, l'Unesco, l'Union pour la Méditerranée (UpM) ou le R20 (ndlr : une ONG qui accompagne les autorités locales dans les projets d'infrastructures durables) qui s'associent à la démarche, cela témoigne d'une reconnaissance envers nous. Les instances internationales voient la Région comme un lieu de réflexion et de travail. Réunir les politiques, les financiers, les organisations internationales et les autorités portuaires c'est quelque chose de très concret, cela donne le fameux Pliff.

Il existe déjà des acteurs ou organismes de financements, pourquoi vouliez-vous lancer ce fond ?

Nous sommes dans une situation où nous avons besoin d'argent public, privé, de projets et de répondre à un problème environnemental. Donc moi je pars de ce que nous avons mis en place dans la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur avec le plan escale zéro fumée et je le démultiplie sur le bassin méditerranéen. Nous savons le faire, le contrôler, l'organiser et créer les partenariats. Nos interlocuteurs doivent montrer politiquement, financièrement et techniquement ce qu'ils font.

Notre stratégie est assez simple, il s'agit de ne pas se disperser. Et je suis plutôt confiant dans une démarche que l'on peut suivre de près puisque j'en suis le co-président et que les équipes techniques seront à Marseille. Ces équipes s'appuient sur notre savoir-faire incontestable sur le plan administratif et sur les moyens techniques pour être éligible aux fonds européens. Nous avons la volonté politique et financière avec R20, nous serons dans l'efficacité totale.

Nasser Kamel, secrétaire général de l'UpM, parlait en ouverture du forum d'un acte 5 qui serait "celui de l'action et des solutions", c'est cela dont il s'agit ?

Il a parfaitement raison, mais c'est fruit des éditions précédentes. La première était déjà sur le réchauffement climatique, elle a amorcé la position de la Région sur ce sujet avec aujourd'hui le soutien de l'Europe. L'acte 2 a débouché sur la création d'un conseil méditerranéen de la jeunesse qui nous aide beaucoup aujourd'hui car les jeunes n'ont pas la même vision politique, géopolitique et structurelle de leur avenir sur le bassin. Ensuite en 2019 c'était sur les investissements avec la création d'un club, sans lui nous n'aurions pas eu le Pliff aujourd'hui. Et quand vous apportez des moyens financiers, les personnes compétentes sont capables de monter un modèle économique et un savoir-faire technique. Cela permet concrètement de réussir à brancher les bateaux au quai.

Vous parlez de l'électrification des quais, pourquoi s'y impliquer pour la rive Sud de la Méditerranée ?

Quand nous avons inventé l'escale zéro fumé, ce n'était pas à nous de payer mais nous avons tout de même mis 30 millions d'euros sur la table pour Marseille, Toulon et Nice. Le maire de Marseille Benoît Payan, qui n'apprécie pas vraiment les croisières, a rajouté 10 millions d'euros. A partir de là, le directeur du port peut organiser son dispositif pour rendre le fonctionnement rentable. Comme je ne veux pas dire aux bateaux de ne plus venir, alors ils doivent s'équiper pour venir à quai chez nous et payer l'électricité. C'est nous qui amenons l'énergie. Un ferry qui vient de Tunisie se branchera aussi à La Goulette ce qui est bon pour tout le modèle. Nous apportons une solution technique, pratique et imparable.

Le rassemblement méditerranéen est-il compatible avec la concurrence avec les territoires ? Le projet de pipeline depuis l'Espagne qui arrivera à Fos devait initialement déboucher en Occitanie, région absente du forum...

Ce n'est pas un sujet politique mais industriel. Il y a une concurrence naturelle dans la vie en général. Elle existe entre Toulon, Nice et Marseille qui avec leurs maires respectifs veulent montrer que leur ville est essentielle. Soit j'épouse ce match, soit j'essaie de faire en sorte que chacun dans ses spécialités ait un développement adapté.

Dans la compétition régionale ou interrégionale, il y a de la place pour tout le monde en France. L'Occitanie a des atouts que je n'ai pas, mais pour le pipeline ils n'ont pas le port de Fos avec ses capacités de traitements d'hydrogène et des réservoirs qui sont prêts. Même si Carole Delga (ndlr : présidente PS de la Région Occitanie et de Régions de France) est remarquable, elle n'a pas les outils.

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Vous dites souvent que vous vous occuper du "dernier kilomètre", n'est-ce pas un terme qui renvoie à des petits projets alors que les enjeux sont au contraire importants ?

C'est une expression qui montre que sans nous rien n'est possible. Ça permet de rappeler que ce sont les régions qui sont autorités organisatrices des fonds européens, sans l'Europe nous ne pouvons pas le faire mais sans nous elle ne peut rien faire. Ce que je fais c'est mettre en place des moyens, ce sont 30 milliards d'euros d'investissement de l'Europe, l'Etat et la Région qui sont prévus d'ici 2028 dans le cadre du partenariat d'expérimentation sur l'environnement. Ce ne sont pas des petits projets et nous nous retrouvons à copiloter avec le préfet de Région l'ensemble des politiques nationales mais avec en plus le soutien de l'Europe. J'aimerais avoir une décentralisation comme en Allemagne, mais ça n'arrivera pas donc je m'adapte et j'essaie de partager les clefs.

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