EmboBio, la deeptech qui mêle médecine et cuisine moléculaire pour permettre l'embolisation

Installée à Aix-en-Provence et Marseille, Embobio a mis au point un dispositif d'embolisation fabriqué à partir d'agar-agar, un gélifiant fréquemment utilisé en cuisine. En résulte une solution 100 % naturelle et très bon marché. Laquelle pourrait convenir aux pays où les techniques d'embolisation classiques sont très peu accessibles.
(Crédits : DR)

Professeur au sein d'Aix-Marseille Université, Vincent Vidal est aussi radiologue interventionnel à l'AP-HM. Sa mission : traiter anomalies et maladies à l'aide de l'imagerie qui permet de le guider jusqu'aux organes profonds et les traiter. Parmi les actes qu'il pratique régulièrement : l'embolisation. Il s'agit alors d'obstruer un vaisseau sanguin, soit parce que celui-ci nourrit une tumeur, soit parce qu'il subit une hémorragie.

Le professeur est également impliqué dans le projet Fair-Embo. Un projet humanitaire adossé à une chaire du même nom, qui se donne pour mission de rendre l'embolisation plus accessible dans des pays où ce type de méthode coûte trop cher.

Un agenda certainement chargé, qui ne l'empêche pas, de temps à autre, de regarder la télévision. C'est ainsi qu'il tombe sur une émission dans laquelle est présent le très médiatique chef étoilé Thierry Marx. Ce jour-là, le chef parle de produits bio... et de cuisine moléculaire. Tiens donc. Et si cela permettait de fabriquer des dispositifs d'embolisation naturels ? On éviterait ainsi la gélatine de porc, les billes d'acier ou de PVA couramment utilisées dans ce type d'actes, ce qui n'est pas toujours facile à assumer pour les médecins et à digérer pour les patients. Et puis, cela permettrait peut-être de concevoir un produit bon marché, facile à produire... Qui ne tente rien n'a rien : le professeur appelle Thierry Marx.

Cap sur le marquage CE

« Il a réussi à le joindre et Thierry Marx était curieux lui aussi », raconte Hugues Sachot, PDG d'Embobio qui connaît de longue date le professeur Vidal. Avec Raphaël Haumont, professeur à l'Institut de chimie moléculaire et des matériaux d'Orsay, ils testent plusieurs recettes avec plusieurs textures et niveaux de viscosité. Jusqu'à obtenir, grâce à la déshydratation et à la compression d'agar-agar, la texture idéale.

Une première étude de faisabilité est menée sur des animaux. Elle est concluante. L'embolisation fonctionne. Elle résiste et ne provoque par d'infection ni d'inflammation. Un brevet est déposé en 2020.

Le projet est accompagné par la Satt Sud-Est, par l'incubateur Impulse, par Eurobiomed et Bpifrance qui vient de lui décerner le label DeepTech. « Nous avons attendu que tout soit bien bâti et solide avant de créer la société ». C'est chose faite en octobre 2022.

Prochaine étape : le marquage CE. « Un parcours du combattant », assure Hugues Sachot. « Avant il y avait 50 organismes notifiés en Europe. Il en reste 29 dont un seul en France ». En résultent des délais forcément plus longs. « Et les petites boites comme la nôtre ne sont pas prioritaires face aux géants de l'industrie ». La jeune entreprise est néanmoins parvenue, grâce à une autre société locale, à prendre attache avec l'organisme notifié français. « L'audit pour le marquage CE devrait avoir lieu en septembre 2024 ».

De quoi espérer une commercialisation début 2025. D'autant que la production devrait être relativement aisée. « Notre dispositif nécessite d'avoir des personnes qualifiées, mais elles sont très simples à fabriquer. Nous avons déjà de quoi faire des mini-séries de 200 unités par mois. On pourra faire un pré-lancement puis entre 50.000 et 100.000 unités par an au décollage. Dans les locaux que nous occupons [des locaux du Centre européen de recherche en imagerie médicale (Cerimed) à Marseille, ndlr], nous pouvons pousser les murs et recruter 5 à 10 personnes. Le plus lourd, ce sera le réglementaire ».

Marché mondial

Avec son produit, l'entreprise vise les marchés européen et américain qui représentent 75 % du marché de l'embolisation. « En Europe, nos clients seront uniquement des CHU où l'on trouve des radiologues interventionnels experts. C'est un marché assez concentré. Il y a 25 CHU en France. Et un service radiologie réalise entre 800 et 1000 embolisations par an ».

Aux États-Unis, le mode opératoire est en réflexion. Mais déjà, Hugues Sachot constate un intérêt du marché pour les dispositifs d'embolisation conçus à partir de matières naturelles. « Des procédés sont développés mais ceux dont on a entendu parler sont très chers et compliqués à produire. Nous avons donc des atouts ».

Le produit se destine également aux pays les moins bien dotés en matière d'embolisation, où les solutions proposées actuellement sur le marché sont trop coûteuses. Il doit notamment permettre de mieux prendre en charge les hémorragies de la délivrance qui entraînent dans 3 % des cas le décès de la mère en Afrique et en Asie du Sud-Est, contre 0,3 % en Europe de l'Ouest. « Nous proposerons notre produit à son prix de revient dans ces pays où nous formerons des médecins à la radiologie interventionniste et à l'embolisation ».

Et l'entreprise n'entend pas s'arrêter à cette première utilisation médicale du agar-agar. « Notre brevet porte sur un portefeuille de solutions. Embobio n'en est que le premier produit. Nous travaillons, avec des experts de plusieurs spécialités, sur d'autres formulations et d'autres indications médicales ».

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