Menta, la deeptech qui veut contribuer à relancer l’industrie des semi-conducteurs en Europe

Spin off du Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier, la deeptech basée à Sophia Antipolis, spécialisée dans la (re)programmation de puces embarquées, entend répondre aux défis de l’industrie électronique et à la recherche de souveraineté et de compétitivité de l’Union européenne en matière de semi-conducteurs.
(Crédits : FLORENCE LO)

Avec le Chips Act, l'Europe veut revenir sur le devant de la scène dans le domaine des semi-conducteurs. Présenté en février 2022, le texte - en fin de processus d'adoption - cherche à renforcer ses capacités en la matière, portant la part de l'Union européenne (UE) dans la production mondiale à 20% d'ici à 2030 contre moins de 10% à l'heure actuelle. Une enveloppe de 45 milliards d'euros devrait lui être allouée, avec l'objectif clairement affiché d'assurer la souveraineté technologique des pays membres. Une ambition qui conforte la deeptech française Menta, laquelle entend bien consolider sa place sur le segment de la conception de semi-conducteurs aujourd'hui dominé par les acteurs extra-européens et en particulier américains.

Il faut dire que l'entreprise, née en 2007 et basée à Sophia Antipolis, a des arguments pour convaincre, elle qui se positionne sur un sujet clé pour l'industrie électronique. Son domaine d'expertise : la fonction FPGA (Field Programmable Gate Array) qu'elle est en mesure d'embarquer (eFPGA) permettant ainsi de reconfigurer, après leur production, n'importe quelle puce contenant cette technologie. Spin off du Laboratoire d'Informatique, de Robotique et de Microélectronique de Montpellier (LIRMM), elle fait partie de la poignée d'acteurs dans le monde capable de produire ce type de circuits intégrés. C'est la seule en Europe.

Obsolescence et puissance de calcul

Parmi les enjeux auxquels la technologie développée par Menta (dont elle est 100% propriétaire) répond, il y a celui de l'obsolescence. "La vitesse de changement des algorithmes, à destination de l'intelligence artificielle ou de la cybersécurité, est très rapide alors que le cycle de production actuel d'un circuit intégré est d'environ deux ans. Le résultat est que certains de ces processeurs finissent mort-nés ou, à l'instar des composants microélectroniques dans l'industrie de l'aéronautique par exemple, ne sont plus exploités pour la mission qui était la leur à l'origine du fait de l'évolution permanente des besoins", explique Vincent Markus, son président.

Surtout, reprend-il, "notre technologie est capable de répondre aux défis de l'accélération de la puissance de calcul nécessaire au traitement des données au plus près de leur source". Un marché colossal - celui de l'edge computing estimé à 200 milliards de dollars dans le monde dont 64 milliards en Europe - porté par l'industrie 4.0, les objets connectés et les telcos, auquel Menta veut prendre part, alors que ses concurrents américains ont récemment fusionné avec des fabricants de semi-conducteurs (Intel pour Altera, AMD pour Xilinx) pour mieux se positionner dans cette course à la performance.

Souveraineté européenne

Pour ne pas se laisser distancer, la deeptech azuréenne a déjà levé un total de 16 millions d'euros auprès de FJV Investissement et la Banque européenne d'investissement (BEI). Elle emploie 26 personnes pour un chiffre d'affaires 2022 d'environ 4 millions d'euros réalisé dans les secteurs du spatial, de la défense et des télécommunications, et mise sur une accélération rapide de celui-ci pour atteindre le milliard d'euros dans cinq ans. Menta est en effet engagée dans différents projets de recherche qui pourraient lui permettre de changer d'échelle tout en favorisant la production et la compétitivité européenne en matière de semi-conducteurs. Parmi eux, le projet Mosaic, piloté en coopération avec le Commissariat à l'énergie atomique. Celui-ci vise à développer un interposeur universel destiné aux puces dites hétérogènes, permettant demain de réduire les coûts, le temps nécessaire à la conception de semi-conducteurs et ainsi faciliter, accompagner, voire multiplier les objectifs de l'Union Européenne inscrits dans le Chips Act.

Le sujet du moment pour l'entreprise sophipolitaine consiste donc à procéder à une nouvelle levée de fonds, d'un montant compris entre 15 et 20 millions d'euros. L'idée : consacrer 70% de la somme à la R&D, 30% à la commercialisation. Et ce, avec l'objectif de garder le capital de la deeptech en Europe, ce qui n'est pas une mince affaire. "La grande majorité des subventions ou financements publics, nationaux et européens, doit être accompagnée d'investissements privés, or dans le secteur du semi-conducteur ceux-ci viennent de fonds installés hors UE, en Chine, aux Etats-Unis et dans les pays du Golfe", relève Vincent Markus qui regrette : "Le financement des deeptech européennes s'avère être une question fondamentale non résolue. Nous devons pouvoir maintenir les talents et les innovations stratégiques dans les mains d'acteurs européens, sinon pourquoi parler de souveraineté ?"

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