A Marseille, le 15, un tiers-lieu pour réinventer le monde

Porté par le Lica (Laboratoire d'intelligence collective et artificielle), ce tiers-lieu installé dans un espace boisé de 6.000 m² au cœur de la Cité phocéenne a vocation à faire coopérer des acteurs d'univers variés et à mettre en valeur des solutions répondant aux grands défis numériques, sociaux et écologiques qui nous attendent.
(Crédits : DR)

« Un tel coin de verdure en plein de centre-ville de Marseille, c'est plutôt rare », sourit Claire Demaison, co-fondatrice du Laboratoire d'intelligence collective et artificielle (Lica), attablée à une table en bois encore humide de la veille. Et en effet, on a beau se trouver au cœur de la ville, le parc qui abrite depuis cinq ans le Lica offre un voyage immédiat pour la campagne.

Passé son portail vert, on perçoit aussitôt l'odeur humide et terreuse de la rosée. La végétation abonde. Le bruit des voitures alentours est étouffé, remplacé par des chants d'oiseaux. Utile pour se reconnecter aux urgences écologiques qui sont parmi les sujets phares de cette Scop créée en 2017, et dont la mission est de mettre à disposition des collectivités et des entreprises des formations, conseils et outils afin de muscler leur intelligence collective pour mieux collaborer, tout en se servant des nouvelles technologies (IA, blockchain ...) de la manière la plus adéquate possible. Et ce, afin de les accompagner au mieux dans leurs transitions, qu'elles soient sociétales, numériques ou écologiques.

Diversité des profils, des projets et des partenaires

Ce qui fait la spécificité du LICA, c'est la pluridisciplinarité de ses six membres fondateurs. Claire Demaison, par exemple, est issue de l'univers de l'événementiel. Elle a travaillé sur plusieurs projets européens dans le domaine de la culture. Jérôme Gonzalez, lui, a un profil plus technologique. « J'ai travaillé dans les technologies numériques et les télécommunications. J'ai créé une startup. Je me suis intéressé au big data, à l'intelligence artificielle, aux applications mobiles ». Mais sa curiosité l'a aussi conduit à acquérir une bonne connaissance des enjeux géopolitiques. A leurs côtés, des spécialistes de l'eau, du climat, ou des méthodologies de coopération.

Partis à six, ils sont désormais dix-huit dans l'équipe. Et sont parvenus à accompagner de nombreux projets partout en France, mais aussi en Europe. « Réalise tes rêves », qui vise à révéler les talents de personnes éloignées de l'emploi à Lille, Paris et Marseille, porté avec d'autres acteurs locaux et nationaux, et qui devrait se déployer en Île-de-France, dans les Hauts-de-France et à la Réunion. L'École des transformateurs publics - portée avec l'Épopée ou encore Quantic, qui apprend à des agents de diverses institutions à travailler et monter des projets ensemble : « La première promotion est composée d'agents de la Ville de Marseille, de l'AP-HM, de la Métropole d'Aix-Marseille et de Pôle emploi ». On peut aussi citer Musical Bunce Back, un projet européen qui a vocation à revisiter la place des femmes dans la création musicale et utilise notamment pour cela la blockchain.

Le Lica a en outre été mandaté par la Mairie de Marseille pour structurer son Assemblée citoyenne du futur, nouvel outil de démocratie participative qui doit s'appuyer sur cent onze citoyens pour définir un certain nombre d'actions à mener sur len temps long. Preuve de la capacité de la Scop à s'adresser à des acteurs très hétérogènes, publics comme privés, issus de champs d'action très divers.

De tiers acteur au tiers-lieu

Et désormais, ce tiers acteur veut se doter d'un lieu qui lui ressemble. Et c'est ce qu'il compte faire en achetant ce havre de verdure de 6000 mètres carrés au cœur de Marseille (il n'en était jusque là que locataire), avec sa bâtisse du 17eme siècle, son ancienne pépinière et sa ville provençale. Un lieu qu'il veut transformer en « tiers-lab des transitions » accueillant des espaces multi-usages (bureaux, formation, coworking, création ..), un restaurant solaire, des jardins partagés ainsi qu'un espace en plein air pour l'organisation d'événements et séminaires. L'acte d'achat devrait être signé d'ici quelques jours. Restera une phase de travaux qui ne devrait pas empêcher l'ouverture du lieu dès le printemps prochain.

« Ce lieu, ce sera un peu notre livrable, explique Claire Demaison. C'est une façon de rendre visible tout ce que l'on fait depuis 5 ans ».

Car il s'agira de fédérer des publics très divers, mais sur un même lieu. Parmi les résidents, plusieurs pressentis : Culture permanente - qui fait de la permaculture -, le Bureau des guides - une association mêlant art et randonnée-, le restaurant solaire Le Présage, la coopérative Anatomie d'architecture ...

Le tiers-lieu - baptisé Le 15, son numéro dans la rue qu'il occup e- accueillera aussi des salariés en télétravail, en coworking. Mais aussi des citoyens. « Au tout début du LICA, nous organisions des rencontres citoyennes mais avec le covid-19, nous nous sommes recentrés sur d'autres projets. On aimerait revenir à cela. Et ce lieu doit nous le permettre ». Par exemple au travers de formations grand public.

« Nous allons mettre en place dès 2023 un carnet des transitions qui sera un parcours au terme duquel chacun pourra obtenir des certifications dans le domaine des déchets, de l'alimentation, de l'intelligence collective ... Toutes ces briques dont on a besoin pour faire face à toutes les transitions qui nous attendent ». Des compétences qui pourront aboutir à la mise en œuvre de projets : « On pourra être un incubateur de projets citoyens », imaginent ainsi Claire Demaison et Jérôme Gonzalez .

Imaginer de nouveaux référentiels

Ces citoyens, comme les entreprises qui le souhaitent, pourront en outre être impliqués dans la gouvernance partagée de la Société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) créée pour prendre en charge la gestion et l'animation du site. D'où le choix, en plus d'une levée de fonds de 3,5 millions d'euros auprès d'investisseurs publics et privés tels que l'Anru, la Banque des territoires, la foncière Belleville ..., de lancer un appel à coopérateurs pour réunir 100 000 euros supplémentaires. « Cela va nous aider à constituer une première communauté. A trouver les premiers beta-testeurs que nous pourrons inviter dans ce lieu ».

Démonstrateur de coopérations nouvelles, le tiers-lab a aussi vocation à offrir à tous un parcours mettant en lumière diverses innovations en faveur de la décarbonations, des technologies douces (low tech) ... abordées selon une approche à la fois scientifique et artistique pour capter l'intérêt du plus grand nombre. Le 15 veut aussi initier de nouvelles manières de créer de la valeur économique. Et de la mesurer.

Ainsi, grâce à son outil Echos life visant à développer de nouveaux systèmes de valeur économique en s'appuyant sur la technologie de la blockchain, le LICA espère montrer que l'on peut attribuer une valeur économique à des actes qui n'en ont a priori pas en dépit d'une utilité bien réelle, comme par exemple le fait d'entretenir bénévolement un jardin. « On aimerait créer de nouvelles modalités de contribution et de rétribution. C'est une façon d'imaginer de nouveaux référentiels économiques», explique ainsi Jérôme Gonzalez.

Un vaste chantier ; mais cela n'effraie pas les équipes du LICA, qui, face à l'immensité des défis sociaux et écologiques et au désespoir que cela génère souvent pour les citoyens, veulent ouvrir de nouveaux horizons. Et offrir un antidote au découragement.

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