"Les PME ont souvent l'impression que l'IA n'est pas faite pour elles" (Jean-Philippe Desbiolles, IBM)

En signant un partenariat avec le Riality Lab, lieu totem de l’IA au sein de la Chambre de commerce et d'industrie Aix-Marseille Provence, le groupe IBM entend renforcer sa présence en tant qu’acteur du territoire. Une façon de jouer la carte de la proximité pour convaincre les PME de l’intérêt de l’IA dans leurs pratiques.
(Crédits : DR)

« L'intelligence artificielle, c'est la fin du code. Le passage d'un monde déterministe - où quand il se passe ceci, il se produit cela - à un monde d'apprentissage », résume Jean-Philippe Desbiolles, membre du comité directeur d'IBM France et spécialiste de l'IA. Un changement de paradigme dont se sont emparé les grands groupes. Mais pour les petites et moyenne entreprises en revanche, l'attitude est encore assez attentiste.

« Elles ont l'impression que ce n'est pas pour elles », pense Jean-Philippe Desbiolles. Parce qu'elles imaginent ces solutions trop coûteuses, trop difficiles à mettre en œuvre, ou parce qu'elles n'en voient pas vraiment l'intérêt. Un constat qui vaut pour la France, mais aussi pour la Région Sud évidemment. Et IBM entend bien y remédier.

« Désormais, l'IA est accessible rapidement d'un point de vue technique. Son prix a beaucoup baissé par rapport à dix années auparavant, d'autant plus grâce à l'émergence de ressources libres d'accès ». D'ailleurs, pense-t-il, les entreprises s'y préparent. « Dans notre étude de 2022 sur l'adoption de l'IA, nous avons observé que si 23 % des entreprises représentatives interrogées utilisent déjà l'IA (contre 30 % dans le monde), 37 % investiguent le sujet pour déployer cela sous douze mois ».

Besoin d'accompagnement dans la proximité

Des investigations qui consistent notamment à trouver les bons acteurs pour les accompagner. D'où l'intérêt pour IBM de renforcer son ancrage local. C'est d'ailleurs tout le sens du partenariat fraîchement signé avec le Riality lab de la Chambre de commerce et d'industrie d'Aix-Marseille Provence, comme l'explique Sybille Gérent, responsable des partenariats et en charge du territoire provençal. « Ce partenariat est né de relations humaines. Quand nous avons échangé avec la CCIAMP au moment du montage de ce lieu totem de l'IA qu'est le Riality lab, il est apparu comme une évidence qu'en temps qu'expert du sujet et acteur du territoire, nous y avions toute notre place ».

Acteur du territoire car IBM dispose d'équipes R&D à Nice et d'une « grosse antenne commerciale à Marseille ». Elle a compté parmi ses clients des collectivités locales du territoire. Et entretient des relations avec plusieurs établissements de l'enseignement supérieur tels que Kedge, Epitech, l'Ecole des Mines à Gardanne, l'école d'ingénieurs Isen ou encore Aix-Marseille Université. Avec cette dernière, elle tente notamment de contribuer à la montée en puissance de l'IA dans certains secteurs stratégiques au niveau local. « Avec AMU, nous avons ciblé deux thématiques principales pour le territoire : la santé ainsi que le transport et la logistique ».

Côté niçois, des projets pourraient émerger en lien avec l'Institut 3IA, IBM entretenant déjà de bonnes relations avec la Maison de l'intelligence artificielle.

Des PME en attente de pragmatisme

Une proximité qui rime avec agilité et accessibilité pour les entreprises. Au sein du Riality lab, IBM entend apporter son expertise et montrer des cas d'usage aux PME afin qu'elles comprennent ce que l'IA peut leur offrir. De façon informelle, au travers de moments d'échanges au sein de ce tiers-lieu, et surtout pragmatique. « Les PME n'ont pas beaucoup de temps à y consacrer. Il faut que nous puissions leur trouver une solution en une journée ».

Parmi les applications les plus attendues : « le langage naturel avec tout ce qui touche aux robots conversationnels, la digitalisation des sites, des applications ... Un domaine qui est arrivé à maturité », juge Jean-Philippe Desbiolles. Ce dernier observe également une demande croissante d'entreprises souhaitant utiliser l'IA pour transformer en profondeur leurs process. « C'est par exemple le cas quand une entreprise veut extraire de la donnée de ses courriers de service après-vente pour comprendre quels produits ou quels services dysfonctionnent ».

« Qui dit apprentissage dit pédagogie »

L'enjeu est aussi de dépasser certaines appréhensions devant une technologie apprenante que certains craignent de voir « remplacer » l'humain. Face à cela, Jean-Philippe Desbiolles aime à dire que « l'IA sera ce que tu en feras », affirmation qui titre d'ailleurs le livre qu'il a publié en 2019 aux éditions Dunod. « Qui dit apprentissage dit pédagogie. Quel modèle on crée ? Quelle place laisse-t-on à l'homme ? ». Pour lui, il faut bâtir une intelligence artificielle de confiance qui soit à la fois robuste, transparente et explicable. « Et ces trois étages doivent être encapsulés dans un système de valeurs biens définies ». Des valeurs claires et explicites, plutôt qu'une exigence d'éthique par définition subjective.

Aussi, pense-t-il, il est essentiel de se positionner sur la coopération souhaitée entre l'homme et la machine, et définir en amont si, dans un cas particulier, il est préférable de s'en référer au seul pouvoir de décision de la machine, à celui de l'homme ou bien miser sur une collaboration des deux. « Prenez un avocat, l'intelligence artificielle peut analyser à sa place toute la jurisprudence, collecter les différents cas similaires ... Mais quand on a tout ça, qui décide de la plaidoirie ? C'est l'humain ! ».

Reste à relever un défi : celui de l'inclusivité dans le milieu de la technologie : « L'inclusion n'est pas juste une question dogmatique. Si on ne le fait pas, si on n'inclut pas des gens de sexes, d'orientation sexuelle, de façons de voir les choses qui soient différentes, l'IA sera biaisée par nature » pense Jean-Philiippe Desbiolles. Convaincu qu'en la matière, il est essentiel d'impliquer l'humain pour que l'IA ne soit pas subie par la société, mais qu'elle en soit le reflet souhaité.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 25/10/2022 à 21:28
Signaler
Elles ne s'ont pas assez dystopiques ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.