Spécialiste des micro-organismes pour l’agriculture raisonnée, Biointrant s’industrialise

Installée à Pertuis, dans le Vaucluse, cette entreprise née d’une rencontre entre un entrepreneur et des chercheurs conçoit des biostimulants censés réduire l’usage d’engrais et de produits phytosanitaires dans l’agriculture. Elle vient d’obtenir des autorisations de mise sur le marché pour huit de ses produits et prévoit d’ouvrir son capital afin d’amorcer l’industrialisation de ses produits.
(Crédits : DR)

Les micro-organismes constituent un univers invisible sans lequel aucune vie ne pourrait exister.

Chez l'humain comme chez l'ensemble des êtres vivants, on parle de microbiome pour définir ces microbes qui font partie intégrante de nos organismes. Ces bactéries et champignons constituent des colonies qui nous habitent et qui sont impliquées dans bon nombre de nos fonctions vitales. Le microbiome présent sur la peau nous protège des agressions extérieures quand celui qui occupe nos intestins a pour fonction de transformer les aliments en nutriments. On retrouve le même type de mécanisme au sein du système racinaire des végétaux.

Renaud Nalin, initialement chercheur en écologie microbienne, a exploré cet univers sous plusieurs angles. Dans les années 2000, il troque sa blouse de scientifique contre un costume d'entrepreneur et crée plusieurs sociétés visant à valoriser le potentiel de ces micro-organismes. Que ce soit dans les cosmétiques, dans la chimie fine, ou dans la santé.

Puis il découvre le travail mené par un laboratoire de recherché dédié à l'écologie microbienne de la rhizosphère (la partie du sol pénétrée par les racines des plantes et les micro-organismes associés). Il s'agit du laboratoire Lemire, porté par le CEA, le CNRS et Aix-Marseille Université. « Ils avaient développé une souchothèque, c'est-à-dire une bibliothèque de bactéries particulièrement intéressantes dans leur capacité à s'associer à des plantes cultivées », raconte Renaud Nalin.

Des recherches académiques au fort potentiel de valorisation

Ces bactéries auraient le potentiel de stimuler les plantes en réduisant le recours aux produits phytosanitaires et aux engrais. Un moyen pour les agriculteurs de s'adapter aux nouvelles normes tout en répondant à la demande des consommateurs pour une agriculture plus raisonnée. « Il y avait un intérêt de valorisation fort, sauf que le laboratoire n'avait pas de velléités à assurer ce travail. Mais grâce à leur coopération, nous avons pu mettre en place une structure pour valoriser leur bibliothèque de bactéries dans des bio-solutions avec une application agronomique ».

Biointrant est créée en juin 2018. Sa première tâche consiste à mettre en place une plateforme technique permettant, grâce à la bio-informatique, d'identifier les bactéries présentant le plus grand potentiel. Bactéries dont il faut ensuite connaître le fonctionnement, les effets (positifs comme négatifs) et dont il faut évaluer le potentiel d'industrialisation.

8 produits ont été autorisés en Allemagne, 1 en France

A ce jour, plus de 3.000 souches bactériennes ont été identifiées. En fin d'année dernière, 8 produits ont obtenu une autorisation de mise sur le marché allemand. Et début 2021, une première autorisation a été accordée pour le marché français. D'autres devraient suivre.

Les 8 produits autorisés sont de deux types. Une première partie d'entre eux concerne les grandes cultures (colza et tournesol essentiellement). Il s'agit alors de lutter contre le stress hydrique en offrant aux plantes une meilleure résistance au manque d'eau.

A l'inverse, d'autres produits visent les cultures de spécialité de type fraises, tomates, basilic ; sous serre principalement. « Là, les bactéries permettent de travailler sur les rendements avec une augmentation significative de plusieurs dizaines de pourcent ».

Pour commercialiser son offre, la société a déjà noué des partenariats avec de grands distributeurs de matière organique et des semenciers. « Ces derniers sont intéressés parce qu'ils peuvent soit gagner des parts de marché en incrémentant nos produits à leurs solutions, soit remplacer des produits phytosanitaires ».

La science comme argument différenciant

Car là est l'ambition de Biointrant : « optimiser l'utilisation d'engrais et de produits phytosanitaires qui commencent à être interdits ». L'idée n'est pas tant de s'adresser aux exploitants bio qu'à ceux qui souhaitent se tourner vers des pratiques plus respectueuses de l'environnement dans le cadre de l'agriculture conventionnelle. « Il y a une forte demande car la pression est triple. Elle est économique, car les agriculteurs ont besoin de réduire les coûts liés à ces produits. Elle est aussi sociétale et environnementale ».

Et bien-sûr, Biointrant est loin d'être la seule à avoir identifié cette demande. « C'est un marché assez concurrentiel mais qui propose encore très peu de diversité bactérienne. Au total, l'offre globale ne compte qu'une quinzaine de bactéries. Nous, on en a sorti 8 en 3 ans. Notre force, c'est d'avoir un spectre de découverte de bactérie énorme et illimité ».

Si bien que l'entreprise est désormais prête à la commercialisation. A une condition cependant : « il faut pouvoir produire ». Elle souhaiterait enclencher la production elle-même pour fixer les procédés d'industrialisation avant de pouvoir s'appuyer sur des prestataires sous-traitants. Mais cela a un coût, d'où une ouverture du capital en perspective.

Lever 1 million d'euros d'ici la fin d'année

Première étape : une campagne de notation et de financement participatif sur la plateforme Wiseed qui doit permettre de collecter 500.000 euros en même temps que de donner de la visibilité au projet. Ensuite, une levée de fonds du même montant devra permettre de « syndiquer autour d'une table des compétences clés pour faire évoluer l'actionnariat et accompagner l'évolution du métier de Biointrant ».

En plus d'amorcer l'industrialisation, l'argent injecté servira à recruter. L'entreprise s'imagine compter une quinzaine de personnes d'ici un an, contre 6 actuellement. Elle entend par ailleurs poursuivre ses efforts de recherche et développement afin d'étoffer son offre. Ainsi, après la bio-stimulation, elle nourrit un intérêt pour le bio-contrôle et les bio-pesticides. Un marché où le nombre de concurrents est moindre, mais que se partagent des géants du fait d'importantes barrières à l'entrée. « Dans ce domaine, il faut une dizaine d'années pour développer un produit et le montant des investissement est très élevé». Qu'importe, Biointrant entend bien s'y enraciner. « On y va car on a un peu d'astuce pour aller vite dans la découverte de ces produits ». Un atout qui doit lui permettre d'intéresser « les grands de ce monde », dans le cadre d'accords de co-développements.

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