Carbon Bee, de la vigne à la médecine

Cette startup originaire de la Drôme a développé une technologie capable d’identifier la présence d’adventices ou de maladies des plantes. Le but : appliquer la juste dose de produits phytosanitaires pour optimiser le rendement et limiter les méfaits. Après s’être perfectionnée en Provence Alpes Côte d’Azur où elle compte de nombreux partenaires, l’entreprise se déploie désormais à l’international.

Pendant quelques années, ses drones ont survolé avec assiduité les pentes et coteaux des paysages provençaux. Née en 2015, Carbon Bee a conçu une technologie capable de reconnaître des maladies des plantes et des adventices (mauvaises herbes qui puisent l'énergie et nuisent à la croissance des cultures NDLR).

« Nous utilisons une caméra hyperspectrale qui voit des couleurs que ne perçoit pas l'œil humain », explique Gérald Germain, président de la société.

Les images sont ensuite analysées par un algorithme d'apprentissage profond qui reconnaît les différents problèmes à traiter et détermine la quantité de produit phytosanitaire à pulvériser. « Nous parvenons ainsi à diviser par 20 la consommation de ces produits dans les champs ».

Du drone au capteur embarqué sur un tracteur

Les premiers tests sont conduits entre le sud de la Drôme et Provence Alpes Côte d'Azur, à l'aide de drones. L'outil est à la mode et se révèle utile tant les reliefs de la région sont variables.

Membre du pôle Terralia (basé à Avignon NDLR), la startup cible alors les champs de lavande et les vignes. Avec, en Provence, un fléau particulier à combattre : la flavescence dorée. Causée par un insecte (la cicadelle), elle est à l'origine de pertes considérables pour les producteurs. Le phénomène est renforcé par le réchauffement climatique et la mondialisation. « C'est une maladie qui vient d'Amérique et est transportée par un insecte asiatique », précise Gérald Germain.

En travaillant sur cette pathologie, Carbon Bee expérimente en même temps la grande diversité de pratiques en viticulture. « La vigne est une culture difficile à comprendre, chacun ayant ses pratiques. Cela a poussé notre technologie dans ses retranchements ».

Pendant les premières années, l'entreprise peut réaliser jusqu'à 50 % de son chiffre d'affaire en région Sud. Aujourd'hui, cette part est moindre car elle s'est fortement ouverte à l'international, avec un changement de stratégie concernant sa technologie. Si le drone était relativement accessible au milieu des années 2010, il est devenu bien plus coûteux ensuite. S'ajoute à cela une maîtrise pas toujours évidente de la part des agriculteurs. « En 2017, nous avons donc décidé d'installer nos capteurs sur les rampes de pulvérisation des tracteurs. Comme ces engins passent régulièrement dans les champs, autant les utiliser ». Les caméras ont un champ de vision qui s'étend quatre mètres devant elles. Les produits sont pulvérisés en direct, selon les besoins évalués par l'algorithme. Une manière de faire idoine pour les grandes surfaces où la technologie se développe essentiellement.

Fermes géantes d'Europe de l'Est et petites cultures à valeur ajoutée

« La plupart des cultures au monde sont réalisées sur de telles surfaces. C'est le cas du blé, de l'orge, du maïs ou du soja ». Des céréales où l'usage d'herbicides comme le glyphosate est fréquent. « Pour certaines de ces cultures, il n'y a pas d'alternative. Nous voulons en être une, entre le zéro produit phytosanitaire et un usage démesuré, le temps que l'on trouve d'autres solutions ».

L'entreprise est ainsi présente en Europe de l'Est, en République Tchèque ou en Ukraine, dans les anciens kolkhozes de l'URSS. « Ce sont des fermes énormes de 700 000 à 800 000 hectares. On travaille aussi aux États-Unis et nous irons peut-être en Amérique du Sud cette année ». Là-bas, les agriculteurs sont confrontés à un problème de résistance aux produits chimiques. Réduire la quantité de ces substances pourrait être une issue.

La société - qui a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaire de 1,2 million d'euros - s'intéresse aussi à de plus petites cultures à forte valeur ajoutée, comme celle du basilic en Italie. « Les producteurs utilisent beaucoup de produits pour avoir un rendement de l'hectare important. Notre solution leur permet de réduire leurs dépenses en utilisant juste ce qu'il faut ».

Une IA qui apprend vite et pourrait s'avérer utile en médecine

Pour offrir sa technologie aux agriculteurs, Carbon Bee la vend à des fabricants de pulvérisateurs et de produits phytosanitaires. Jusqu'à peu, elle était la seule à commercialiser un tel outil. « Mais le leader des tractoristes vient de proposer à peu près la même chose que nous ». Pas de quoi inquiéter outre mesure l'entreprise de 25 salariés qui mise sur la spécificité de son système d'apprentissage profond.

« Nous avons breveté une technologie qui permet d'apprendre plus vite que la moyenne, à partir d'un nombre inférieur d'images. Nous pouvons ainsi aller plus rapidement sur plus de cultures différentes ». Si bien que Carbon Bee évolue à ce jour sur une quinzaine de cultures, ciblant une dizaine d'herbes problématiques. En résulte par ailleurs un prix de vente relativement accessible par rapport à la moyenne du marché.

A terme, cette capacité d'apprentissage profond rapide pourrait emmener l'entreprise sur un nouveau marché : celui de la médecine et du diagnostic. « On pourrait repérer des maladies ou des cancers de la peau, des bactéries ou des virus dans la salive... Les tempos sont beaucoup plus longs dans le médical et les données pour apprendre sont rares. En moyenne, un algorithme a besoin de 100 000 images pour savoir reconnaître un cancer de la peau. C'est très coûteux. Nous pouvons diviser ce nombre par cent et donc rendre ces technologies plus accessibles ».

Des travaux ont déjà été conduits et des prototypes fonctionnent. Une levée de fonds devrait permettre d'explorer plus en profondeur ce nouveau champ d'investigation.

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