Pourquoi l’Institut Paoli Calmettes veut se doter d’un entrepôt des données de santé

A Marseille, le centre de lutte contre le cancer a obtenu un financement de la Région Sud pour l’installation d’un entrepôt des données de santé. Cet outil lui permettra de regrouper et de rendre utilisables des données issues de ses différents pôles. De quoi nourrir la recherche et améliorer le traitement des patients.
(Crédits : DR)

L'Institut Paoli Calmettes (IPC) et le digital, c'est une histoire qui remonte à loin. Dès sa création en 1945, le centre met en place un dossier unique par patient - fait rare à l'époque - qui facilitera ensuite l'informatisation des dossiers médicaux, en 1994. Progressivement, d'autres documents se dématérialisent : comptes-rendus de consultations et d'hospitalisations, prescriptions....

Plus récemment, il a développé Consore, un moteur de recherche qui permet de retrouver des informations textuelles dans un grand volume de données contenues dans les dossiers patients. Le logiciel est ainsi en mesure de traiter divers formats de données et de permettre une recherche en fonction de critères variés. Le but étant notamment de constituer des cohortes de patients pour la recherche.

Rendre interopérables des données de diverses natures et origines

Désormais, l'IPC entend franchir un nouveau pas en se dotant d'un entrepôt des données de santé. Entrepôt dont dispose pour l'heure une poignée d'hôpitaux français. Le premier d'entre eux, c'est l'AP-HP, qui a obtenu une autorisation de la Cnil en 2017 et y a intégré des données administratives et médicales de 8 millions de patients passés par ses 39 établissements. Les CHU de Nantes et Lille lui ont emboîté le pas en 2018 et 2019.

« L'entrepôt des données de santé est une façon de regrouper des données éparpillées dans différents secteurs de l'hôpital et de les rendre lisibles et exploitables pour d'autres », présente Patrice Viens, directeur général de l'IPC. Cela comprend des données écrites (comptes-rendus) mais aussi leurs sources c'est-à-dire les données brutes obtenues en amont de ces comptes-rendus.

« Avant, on définissait un projet et on construisait une base de données ad hoc qui ne servait plus ensuite. Là, on pourra utiliser autant que l'on souhaite ces données sans avoir à les restructurer ». Un gain de temps qui demande néanmoins un important travail en amont.

Un budget prévisionnel de 5 millions d'euros

Pour financer ce chantier, l'IPC prévoit dans un premier temps un budget d'environ 5 millions d'euros dont la moitié sera financée par la Région Sud via le Fonds européen de développement régional (Feder). Car un tel outil demande des moyens techniques, d'autant que le stockage des données se fera au sein de l'Institut, mais aussi humains. « Il faut des gens pour construire l'entrepôt et voir quelles données mettre en priorité ». D'où le recrutement d'informaticiens et la formation de médecins. « Il faut les impliquer sinon ça ne pourra pas fonctionner ». Quant aux logiciels, l'IPC s'appuiera sur des outils existants et en développera de nouveaux. Pour certains aspects, il pourra par ailleurs recourir aux services de sous-traitants. Un chantier d'ampleur qui devrait être livré fin 2022. Avec des perspectives larges, qui seront abordées pas à pas.

« Les premières utilisations de l'outil se feront au service de la recherche », assure Patrice Viens. « Nous pourrons aller beaucoup plus vite pour travailler sur les cohortes, pour comprendre pourquoi certaines évoluent plus ou moins bien, pourquoi certains patients répondent à des traitements et d'autres non ».

Par la suite, l'Entrepôt des données de santé offrira des perspectives dans le traitement des malades. « Pour traiter un patient particulier, on pourra en rechercher un autre qui lui ressemble et voir ce qui a été le mieux pour lui ». Et ainsi tenter de reproduire ce qui a fonctionné. « Cela est difficile à faire quand on n'a pas de grandes cohortes ».

Enfin, ces données pourront nourrir des algorithmes facilitant le diagnostic à partir de radiologies ou de séquences de gènes. « Sur une séquence de 5000 gènes, c'est difficile de savoir ce qu'on va trouver, on peut passer à côté de quelque chose. Là, il sera possible de trouver des récurrences que l'on n'aurait pas vues autrement ».

Un enjeu prégnant en oncologie

Des perspectives particulièrement importantes en matière d'oncologie. « On a encore un certain nombre de cancers qui sont mal compris et l'accès à la data est capital. De plus, dans cette spécialité, des médicaments sont mis très vite sur le marché. Il est important de pouvoir les suivre et se poser des questions au regard de leur toxicité et apports bénéfiques ».

Mais pour passer de ces perspectives à la réalité, l'IPC doit encore franchir un certain nombre d'étapes. La prochaine, c'est la structuration de la capacité de stockage. Il faudra définir quels secteurs de l'hôpital intégreront en premier le projet. « On choisira des secteurs déjà bien informatisés. On structurera leurs données et on les transférera vers l'Entrepôt, progressivement dès 2021 ».

Enfin, pour que ces données soient exploitables, il sera nécessaire de créer un portail qui permettra de les lire. « L'Entrepôt des données de santé sera ouvert aux équipes de recherche qui travaillent autour de l'IPC ». Le sera-t-il aux industriels travaillant sur des traitements en oncologie ? « C'est un gros débat mais ce n'est pas mon modèle. Ils pourront nous demander une analyse mais pas y accéder directement ».

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