Transport de gaz : Benaros, petit poucet aux grandes ambitions

Imaginez une flotte de sous-marins autonomes capables de transporter, de stocker et de distribuer du gaz naturel sous forme comprimée : c’est l’idée proposée par le motoriste basé à Sophia-Antipolis, ex-Evi Motors, au consortium en charge de l’exploitation du gisement gazier Léviathan découvert il y a une décennie au large des côtes israéliennes. Un projet qui se présente comme une alternative économique aux gazoducs et une solution d’approvisionnement énergétique pour les petits états insulaires... s’il arrive à passer des mots aux actes.
(Crédits : DGA)

Pierre Benaros ronge son frein. L'homme, volontiers volubile, ne cache plus son impatience, comme tous ceux qui ont vu leur activité gelée depuis le déclenchement de la crise de la Covid-19. Il faut dire que celle-ci est venue "interrompre des discussions politiques en Israël sur notre technologie", affirme-t-il. Dès lors, bon an mal an, il tente de maintenir le lien tissé en Terre Sainte ces deux dernières années autour du consortium israélo-américain chargé de l'exploitation du champ gazier Léviathan. Car l'ingénieur cinquantenaire, dirigeant-fondateur de la jeune pousse Benaros SAS immatriculée à La Farlède (Toulon) mais pilotée depuis Sophia Antipolis, s'attaque à un gros morceau : découvert en 2010 dans le bassin du Levantin, au large de la côte ouest israélienne, ce gisement est doté de réserves estimées à plus de 500 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Ce qui ferait de l'état hébreu un futur géant du gaz. A condition de trouver des débouchés d'exportation économiquement viables. C'est là que se positionne l'ex-motoriste azuréen avec "la seule alternative valable au projet de gazoduc EastMed", assure-t-il.

Du fabricant au transporteur

Etudié par Bruxelles, ce projet gazier subaquatique vise à relier le Léviathan à l'Europe via Chypre et la Grèce. Soit un pipeline de 2000 km que d'aucuns jugent trop coûteux, trop complexe, trop incertain dans le contexte géopolitique - celui du Proche-Orient - que l'on connaît. Pierre Benaros est de ceux-là : "Cela ne se fera pas". Lui plaide plutôt pour le transport d'un gaz naturel préalablement comprimé par "des sous-marins autonomes grâce à notre solution technique qui permet des véhicules très bon marché et qui peuvent fournir, à travers un système de rotation et de stockage, exactement le volume de gaz demandé par l'exploitant." Un projet vers lequel l'entreprise née Evi Motors en 2016, et spécialisée dans la conception de moteurs thermiques pour la marine et l'aéronautique, s'est entièrement tournée, quitte à changer de dénomination et modifier son objet social en "Transports maritimes et côtiers de fret". "Autrement dit, résume Pierre Benaros, nous avons gardé notre technologie mais changé notre modèle d'affaires. Nous ne la développons plus pour les autres mais pour nous."

Cette technologie, c'est une gamme de solutions moteur thermiques, de transmission et de turbo propulsion efficientes qui prend le contre-pied de l'hyper-sophistication pour jouer la carte de l'hyper-fiabilité afin de servir des applications militaires par exemple. Des prototypes ont déjà été développés sous la forme de scooter des mers et de drone porteur de charge lourde. Conçu comme un outil de travail pour les territoires isolés, le premier a été abandonné, faute de marché. Le second, présenté à Euronaval (le mondial des technologies navales) 2018, a lui été mis entre parenthèses pour se consacrer au projet Léviathan.

180 M€ pour une cinquantaine de sous-marins

"Toutes les technologies utilisées pour nos sous-marins sont éprouvées, nous entrons donc dans la phase produit de notre projet", relève-t-il. Où il s'agit de séduire les compagnies exploitantes de financer la réalisation d'un n°1, estimé entre 2,5 et 3 M€. "Au total, notre solution alternative au gazoduc EastMed porte sur une flotte d'une cinquantaine de sous-marins, ce qui nécessitera une enveloppe de 180 M€ sur trois ans". Un sacré défi à relever, d'autant que "les portes sont très lourdes à pousser, surtout à distance !", admet Pierre Benaros.

Lequel autofinance le développement R&D et commercial grâce à une double activité de location de navires de plaisance et de maintenance navale de haute technologie qui a permis à l'entreprise de 5 personnes d'engranger un chiffre d'affaires de 298 000 euros en 2019. Et, en attendant la réouverture des frontières avec Israël, se plaît à imaginer si sa solution de transport de gaz comprimé passe du papier à la réalité, de désenclaver - énergétiquement parlant - la Corse et les petits états insulaires méditerranéens qui n'auraient alors "plus besoin d'infrastructures gigantesques, de toute façon infinançables, pour bénéficier de gaz naturel". Mais ça, c'est une autre histoire...

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