Avec le Programme Atlas, acteurs publics et privés de la cancérologie s’unissent contre le lymphome

Pour aider les innovations à passer du laboratoire au marché, le Cancéropole a mis sur pied un modèle de financement de la recherche destiné à limiter les risques pour les industriels qui s’engagent auprès des laboratoires académiques. C’est dans ce cadre qu’est né ce programme visant à mieux comprendre le lymphome, 6ème cancer mondial. Quatre acteurs publics et privés sont impliqués dans ce projet qui apporte au territoire de l’activité, de l’emploi et une visibilité internationale.
(Crédits : DR)

On le sait, laboratoires académiques et industriels ont parfois du mal à se parler. Pas la même manière de faire, des intérêts parfois en contradiction, des cultures différentes... Ce qui complexifie et ralentit parfois la mise sur le marché de nouvelles molécules thérapeutiques. Pour y remédier, de plus en plus d'acteurs œuvrent à créer des passerelles entre ces mondes.

Parmi eux, le Cancéropole Provence-Alpes Côte d'Azur. Ce « propulseur régional des recherches et innovations anticancers » a mis en place ces dernières années un programme de financement de l'innovation baptisé EmA (pour Émergence et accompagnement). Celui-ci naît d'un constat que dresse Clara Ducord, directrice du Cancéropole. « Pour aller plus loin dans ses recherches, un laboratoire académique a parfois besoin de faire appel à un industriel. Mais il existe un fossé entre ce vers quoi peut aller le chercheur et le niveau d'avancement à partir duquel un industriel peut investir ». Pourtant, l'industriel aimerait bénéficier des connaissances du laboratoire. Mais plus tôt il s'engage, plus le pari est risqué.

Grâce à son programme d'investissement, le Cancéropole propose à l'entreprise privée de venir un peu plus tôt tout en limitant la prise de risque grâce à un financement partagé dans le cadre d'un projet échelonné, construit autour de jalons que le laboratoire de recherche doit atteindre pour que l'industriel poursuive la collaboration. « Le laboratoire est gagnant puisque son projet peut prendre une autre envergure. Quant à l'industriel, il bénéficie des connaissances académiques ».

Comprendre les deux principaux lymphomes

C'est dans ce cadre que naît le programme Atlas dédié à la compréhension des deux lymphomes les plus fréquents que sont le lymphome folliculaire et le lymphome diffus à grandes cellules B. Un vrai enjeu de santé publique puisque l'on enregistre chaque année 18 000 nouveaux cas en France.

En l'occurrence, l'acteur industriel est Bristol Myers Squibb, une entreprise biopharmaceutique internationale dont la mission consiste à découvrir, développer et proposer des médicaments innovants qui aident les patients à surmonter des maladies graves. Côté académique, on trouve le Centre d'immunologie Marseille Luminy, une unité mixte de recherche de l'Inserm, d'Aix-Marseille Université et du CNRS. Autre acteur majeur du partenariat : l'institut Carnot Calym, dans le Rhône. Familier des collaborations public/privé, celui-ci regroupe des équipes de recherche académique, translationnelle et clinique capables de conduire au développement de thérapies médicamenteuses ou d'outils diagnostiques pour le lymphome.

« Le but de la collaboration est de comprendre la maladie, son développement, pourquoi des cellules deviennent cancéreuses, pourquoi certaines résistent au traitement », explique Clara Ducord. Une meilleure compréhension qui doit à terme améliorer la prise en charge des patients dans le cadre d'une médecine plus précise et personnalisée tout en évitant les rechutes. Et ce, au moyen de l'identification de biomarqueurs permettant la diagnostic, le pronostic et l'identification de cibles thérapeutiques.

Après une première phase de faisabilité à laquelle BMS et le Cancéropole ont investi à part égale, le projet est entré dans une seconde étape consistant à passer à des essais à plus large échelle, avec 200 patients impliqués. Les équipes peuvent pour cela s'appuyer sur l'importante collection d'échantillons de l'Institut Carnot Calym. Des résultats devraient être disponibles d'ici quatre ans.

Un projet d'ampleur européenne qui profite au territoire

De par le nombre d'acteurs impliqués et les budgets alloués, Bertrand Nadel, directeur de recherche au CIML et directeur de l'Institut Carnot Calym, juge qu'il s'agit d'un projet « de l'ampleur d'un projet européen ». Ce qui implique forcément des retombées pour le territoire. « Cela permet d'identifier Provence-Alpes Côte d'Azur comme un hub de compétences pour les entreprises de santé, avec ce que cela engendre en termes d'activité et d'emploi. Et ce, il faut le souligner, dans un territoire qui n'est pas Paris ni l'Île-de-France », pointe Bertrand Nadel.

« Le projet apporte aussi plus de moyens pour les acteurs du projet et leur territoire. Il y a les équipements, le matériel mais aussi les compétences des personnes qui y participent », complète Clara Ducord. Des compétences variées parmi lesquelles beaucoup de savoir-faire en bio-informatique, une discipline devenue incontournable dans bien des pans de la médecine.

Public/privé : des collaborations encore marginales

« C'est du win-win-win », résume Bertand Nadel pour signifier combien chacun à y gagner. « C'est vraiment l'avenir ». Pourtant, si ce type d'initiatives se développe « petit à petit », notamment en cancérologie, cela reste marginal. « Ce n'est pas simple au niveau administratif, réglementaire. Ce n'est historiquement pas dans la culture des choses », regrette Clara Ducord.

Pour y parvenir, il faut bousculer les codes, repenser la façon de faire de la recherche quitte à opter pour des termes de contrats qui sortent des sentiers battus. « Cela a été un vrai combat avec Atlas. Nous avons  fait un précédent en réfléchissant différemment, que ce soit le Cancéropole, les tutelles ou les partenaires », explique Bertand Nadel. « Souvent, chacun campe sur ses trames du contrat. Nous, on a voulu éviter d'avoir un contrat classique où on ne se parle pas. On a construit une relation saine autour d'objectifs différents. Les chercheurs veulent soigner des gens sur le long terme. Les industriels aussi mais ils ont aussi des visées de profit à plus courte échelle. Pourtant, ce ne sont pas deux mondes exclusifs. En travaillant ensemble, le bénéfice est mutuel ».

Et Clara Ducord de poursuivre : « Il faut créer plus de métiers de la valorisation économique et du transfert de technologies ». La Cancéropole poursuit sa mission en ce sens. Comme Atlas, deux autres projets ont été lancés dans le cadre du financement EmA, l'un sur les mélanomes, l'autre sur des cancers du sang. Deux autres devraient prochainement voir le jour.

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