Comment Dhune veut muscler l’écosystème régional en matière de santé

Ce centre d’excellence basé à Marseille veut développer la filière des neurosciences en région Provence-Alpes Côte d’Azur en misant sur la pluridisciplinarité et la complémentarité des acteurs publics et privés.
(Crédits : DR)

Maladie d'Alzheimer, de Parkinson, sclérose en plaques... les maladies neuro-dégénératives touchent plus de douze millions de personnes en Europe. Et face au vieillissement de la population, les choses ne vont pas en s'arrangeant, d'autant que l'on ne dispose pas à ce jour de traitements convaincants.

En plus de constituer une souffrance pour les malades et leurs familles, ces pathologies constituent un problème de santé public. En 2015, on estimait qu'elles représentaient un coût de 900 milliards d'euros pour l'Europe. A l'inverse, complète Olivier Blin, directeur de Dhune, "un vieillissement réussi est une opportunité pour la société".

Pour saisir cette opportunité et soulager les familles, il faut avancer sur le front de la science. Ce à quoi s'attelle Dhune, centre d'excellence pour les maladies neuro-dégénératives et le vieillissement, fondé il y a cinq ans. Sa mission est de créer des synergies en faisant se parler des domaines qui s'ignoraient jusqu'alors, à savoir la biologie, les sciences humaines ou encore l'informatique. Il souhaite aussi fédérer les acteurs locaux, qu'ils soient publics (collectivités locales, universités, centres de recherche ...) ou privés, afin que les résultats de la recherche fondamentale bénéficient le plus vite possible aux malades via la mise sur le marché des innovations. D'où la constitution d'un comité industriel d'une trentaine de membres.

Cerveau virtuel, biothérapies deuxième génération et spatial

La démarche vaut au centre plusieurs labels (Fédération Hospitalo-Universitaire, Centres of excellence in neurodegenration (CoEn)) et l'obtention d'un appel à projet RHU de l'Agence nationale de recherche assorti d'un financement sur cinq ans, jusqu'en 2020.

Un financement qui lui permet de contribuer au projet EPINOV consistant à modéliser le cerveau d'une personne atteinte d'épilepsie pour mieux comprendre les mécanismes de la maladie et rendre la  chirurgie la plus sûre et précise possible. Un chantier qui mobilise à la fois des acteurs publics (Aix-Marseille Université, AP-HM, Hospices civils de Lyon, Inserm) et privés (Dassault Systèmes).

Dhune soutient également le développement d'une seconde génération de biothérapies "qui s'intéressent au plus profond de l'ingénierie cellulaire. L'idée est de réguler plutôt que de bloquer afin d'éviter des phénomènes compensatoires". Les traitements ainsi conçus pourraient être utilisés contre la maladie d'Alzheimer, la dépression ou les troubles bipolaires. Et là aussi, Dhune joue le rôle d'intermédiaire entre les acteurs locaux parmi lesquels l'entreprise VectHorus qui peut "vectoriser des agents et cibler tel ou tel organe".

Des domaines de pointe dans lesquels Dhune veut voir s'imposer ceux qu'il accompagne, tout en essayant de leur ouvrir des horizons plus inattendus. Ainsi, il a récemment aidé des groupes académiques et des entreprises à se positionner sur des appels à projet du Centre national d'études spatiales (CNES). "Nous allons déposer deux dossiers académiques début juin". Car les neurosciences pourraient jouer un rôle clé dans les expéditions spatiales à venir. "Elles sont fondamentales quand on parle de vol habité. Les spationautes ont des emplois du temps très contraints. Pour réaliser toutes les tâches requises, il faut une activité physique et mentale de qualité au risque de compromettre la mission". Cela vaut pour des expéditions de courte ou de moyenne durée, mais cela vaudra encore plus pour des missions plus longues, en direction de Mars par exemple, où l'enjeu sera de prévenir les dépressions et l'agressivité. "Le système nerveux central joue un rôle prépondérant". Les neurosciences pourront contribuer à sélectionner au mieux ceux qui partiront, assurer un suivi et éventuellement une prise en charge médicale. Ces connaissances présenteront également un intérêt sur Terre, contre les troubles psychiatriques et ceux du vieillissement.

Un écosystème plus dynamique

Autant de réalisations qui permettent à Olivier Blin de tirer un bilan positif des premières années de Dhune. "L'écosystème a été renforcé. On le voit au travers de tous ces projets que l'on a pu aider, du nombre croissant de startups qui travaillent sur ces sujets". Reste la question épineuse du financement de l'innovation à laquelle le centre a tenté d'apporter une réponse en lançant l'an dernier un fonds d'investissement baptisé First. Celui-ci devrait être alimenté autant par des acteurs publics que privés. "Nous sommes en pleine levée de fonds. Nous avons fait tout le travail avec les investisseurs publics régionaux qui sont d'accord pour contribuer". Et si la crise a quelque peu ralenti les démarches, elle rappelle en même temps à quel point il est primordial d'investir dans la santé. "Ce qui tire la Bourse sur le plan international c'est la santé. La crise nous l'a montré", pointe Olivier Blin.

Une prise de conscience qui devrait selon lui contribuer à dynamiser un peu plus la filière sur un territoire qui dispose de sérieux atouts. "Nous avons une recherche fondamentale de qualité et des universités qui ont la volonté de s'ouvrir sur le privé". Une coopération incarnée notamment par la mise en place d'un centre d'affaires dédié aux neurosciences au sein du campus de la Timone à Marseille. "Vect-Horus y est installée. Nous avons aussi des jeunes pousses qui y sont localisées sans occuper de locaux. Nous allons poursuivre ce travail avec le Président d'AMU et le doyen de la faculté de médecine. L'idéal serait d'accueillir une dizaine d'entreprises d'ici cinq ans".

Pour poursuivre sur sa lancée, Dhune - dont le budget annuel s'élève à environ 200 000 euros - espère être alimentée par un nouveau financement de l'État ; celui obtenu dans le cadre de l'appel à projet RHU prenant fin cette année. "Il n'y a pas eu de nouveau plan Alzheimer ou maladies neuro-dégénératives. Nous appelons le Ministre de la santé à poursuivre le financement pour avoir un socle suffisant et être au service des acteurs du territoires". Histoire ne pas manquer le rendez-vous avec les neurosciences de demain.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.