« Il faut remettre l'usine au centre de la stratégie » Bruno Grandjean (Alliance Industrie du Futur)

ENTRETIEN. Le défi est à la fois technologique, culturel et territorial mais l'industrie moderne, numérique et responsable n'est plus un vœu pieux, elle est réalité. Et c'est très bon pour la compétitivité, explique le président de l'Alliance industrie du futur.
Pour Bruno Grandjean, président de l'Alliance industrie du futur (AIF), la France n'a pas seulement besoin de produits innovants, mais également de process innovants.
Pour Bruno Grandjean, président de l'Alliance industrie du futur (AIF), la France n'a pas seulement besoin de produits innovants, mais également de process innovants. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - En juillet  2015, naissait l'Alliance industrie du futur (AIF) que vous présidez. Quatre ans plus tard, les objectifs qui étaient fixés sont-ils atteints ? Quelles sont les priorités ?

BRUNO GRANDJEAN - Il n'y a pas que l'AIF à œuvrer pour porter une autre image de l'industrie. Il y a un rebond de l'investissement productif en France et c'est un moteur de la croissance française. La robotique également a fait un bond. Il y a eu une prise de conscience qui est visible au travers des investissements réalisés. L'industrie, c'est aussi du numérique, ce n'est plus Zola, c'est du travail de haute qualification. Du côté des pouvoirs publics nous voyons des éléments de fiscalité qui nous sont favorables. La réussite du grand salon Global Industrie est un autre élément qui prouve que les chefs d'entreprise sont plus responsables, plus militants qu'avant. C'est un vrai sujet de société que de remettre l'usine au centre des préoccupations. Nous avons gagné le combat culturel. Mais ce qui a été cassé en vingt ans ne peut pas être réparé en quatre ou cinq ans.

Quel est le rôle de l'indice I2DF qui a été lancé en juin dernier ?

Cet indice doit nous permettre de savoir où on en est, quelle est la progression des PMI vers l'industrie du futur. C'est un indicateur de maturité numérique, présent dans les contrats État-Région qui servira à la fois aux entreprises pour adapter leur stratégie et leur management, mais aussi à l'orientation des politiques publiques d'accompagnement. Nous espérons que l'Italie et l'Allemagne se rallieront à cette initiative.

Vous êtes monté au créneau - avec d'autres acteurs de l'industrie - pour défendre le rôle des centres techniques industriels, notamment dans leur rôle d'accompagnement des PMI dans les transitions numériques et environnementales. Et vous avez convaincu Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances...

Les Centres techniques industriels étaient perçus comme l'héritage du passé alors qu'ils jouent un rôle essentiel dans le passage du laboratoire à l'usine. Leur financement vient d'être sanctuarisé ce qui représente un arbitrage favorable à l'industrie. Et les remet au centre du jeu. Nous avons besoin de recherche appliquée, pas uniquement de produits innovants mais également de process innovants.

Quel effet de levier peut-on espérer de Territoires d'industrie ?

L'échelon régional est le bon échelon, c'est le bon réglage. Il faut l'animer, le faire vivre. Jusqu'à présent on avait une approche top down. Mais les structures doivent suivre. Le critère qui démontrera la maturité, c'est lorsque les sujets de difficultés des entreprises ne seront plus traitées par Paris mais au niveau régional.

L'AIF distingue des PME innovantes et tournées vers le futur via les Vitrines de l'Industrie du futur. Ce « label » est-il une simple reconnaissance ou joue-t-il un effet de levier côté business ?

Ce sont 70 entreprises qui ont été labellisées. Ce sont des entreprises exemplaires, qui tirent tout le monde vers le haut. C'est un travail de communauté, un réseau d'excellence [les entreprises labellisées constituent un club qui leur permet d'échanger entre elles sur des problématiques communes, ndlr]. C'est un peu notre Légion d'honneur.

Comment évolue l'industrie du futur en Europe ? La France est-elle compétitive ?

Tous les pays ont compris que l'industrie doit être performante. La France est en train de réussir des choses qui inspirent. Nous sommes dans une logique de militantisme. L'industrie du futur ce n'est pas que de la techno pure mais aussi une façon d'intégrer le collectif, les salariés... C'est une French touch appréciée. C'est une façon de sortir des stéréotypes. La France a sa place. Nous n'avons pas à rougir.

On souligne souvent le manque de féminisation de la filière industrielle. Est-ce un changement de mentalité qui doit s'opérer ?

C'est peut-être là que se situe le point de retard. Il existe un décrochage culturel qui mettra du temps à se résorber, des stéréotypes difficiles à faire bouger. On peut souligner l'engagement et l'initiative de l'association Elles bougent qui œuvre pour faire découvrir le métier d'ingénieure aux jeunes femmes. Oui, les métiers de l'industrie ne sont pas réservés aux hommes. L'industrie est un métier ouvert. Or, le grand public est resté cantonné à ce qu'était l'industrie dans les années 1970. C'est aussi le rôle des enseignants de valoriser l'industrie actuelle. Il existe de toute façon toujours un décalage entre le moment où on commence le combat et celui où cela se perçoit sur le terrain.

Les jeunes sont-ils enfin sensibles à la diversité offerte par l'industrie ? Osent-ils, comme les y incite le projet collaboratif « Osez l'industrie ! », mené avec l'UIMM ?

Chez les jeunes nous avons gagné une grande partie du combat culturel. On commence à tourner la page de l'alternance comme voie de garage. On a compris que nous avons aussi besoin d'une intelligence de la main.

On dit que 7 ans, c'est l'âge de raison. Quels sont les défis à relever pour l'AIF dans les trois prochaines années ?

L'objectif est par exemple de renforcer la connexion avec la recherche. Il faut convaincre les plus récalcitrants, ceux qui ont encore du mal à s'ouvrir. C'est faire que pour beaucoup d'entreprises, produire en France soit un choix. Il y a des filières à encore mieux valoriser, comme celle des biens d'équipement par exemple. Nous voulons mettre en valeur la capacité de la France à fabriquer des capteurs, des logiciels... Il existe un effet d'accélération. C'est en ce moment que la France peut rattraper son retard. Nous avons tout pour remporter le match de la compétitivité.

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Commentaires 5
à écrit le 13/11/2019 à 16:22
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c'est une blague yaka-fokon ! les fonds de tiroirs ont été raclés pour les fonctionnaires qui eux seuls possèdent la science infuse pour aller de l'avant et repeindre les ruines de l'industrie française dans des couleurs passe-muraille.

à écrit le 13/11/2019 à 16:00
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Cette modernisation de l'industrie est particulièrement salutaire mais les investissements coûtent cher. Et l'État pourrait davantage aider ou inciter le E qui se lancent ds la digitalisation de leur process par un allègement de la fiscalité de produ...

à écrit le 13/11/2019 à 14:17
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Si le capital financier est disponible à profusion et à coût bas, le capital humain lui n'est probablement pas forcément disponible malgré le chômage élevé, car la plupart des gens au chômage ne sont pas forcément qualifiés.

à écrit le 13/11/2019 à 10:08
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Il le faut et l'argent n'est pas un problème. Avec les taux très bas voir négatif pour les très grandes entreprises le coût du capital est aujourd'hui quasi nul. Par contre pas d'usine sans marché et pas d'accès au marché si les coûts de production n...

à écrit le 13/11/2019 à 9:10
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"Il faut" sans pognon ne sert à rien, or le pognon il est planqué dans les paradis fiscaux donc "il faut" d'abord et avant tout fermer ces établissements et vraiment !

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