A l’Institut Paoli Calmettes, la lutte contre le cancer passe aussi par une politique économique conquérante (2/2)

Situé à Marseille, ce centre de lutte contre le cancer s’illustre depuis sa création par un fort effort d’innovation tant technologique qu’organisationnelle. Ce qui nécessite une politique économique audacieuse et des liens avec toujours plus de partenaires, au niveau local comme à l’international.
(Crédits : DR)

Expérimenter. C'est un peu la philosophie de l'Institut qui doit en même temps veiller à maintenir un équilibre financier sans lequel l'innovation n'est plus permise.  "Lorsqu'il y a un plan de retour à l'équilibre, ce qui saute en premier, c'est l'innovation", note Patrice Viens, directeur général de l'Institut. C'est donc un cercle vertueux qui doit se mettre en branle et que l'Institut semble maintenir depuis de nombreuses années.

Hôpital privé à but non lucratif, celui-ci réinvestit la totalité de ses excédents. Et chaque année, ce sont en moyenne 20 millions d'euros qui sont consacrés à l'innovation sur un budget total de 220 millions. "La clé de l'équilibre, c'est l'activité". Mais aussi "le dialogue avec les médecins et l'appropriation qu'ils se font des décisions que l'on prend". Et tous partagent une conviction : "nous sommes là pour innover", avec des outils institutionnels dont il faut se saisir pour accompagner ce mouvement.

L'Institut compte aussi sur les collectivités territoriales pour certains de ces projets. Ainsi, pour le MRIdian, la facture s'est élevée à 8,2 M€ auxquels se sont ajoutés 2 M€ de travaux. Le Département, la Ville de Marseille et la Aix-Marseille Provence ont chacun mis 1 million d'euros sur la table. L'Institut a apporté 5 M€ de fonds propres. "Toute innovation est une peu de l'expérimentation et doit être comprise dans un budget R&D. C'est normal que l'hôpital en prenne une partie à sa charge". Quitte à prendre des risques.

Être à la pointe de la technologie et préparer l'avenir

Des risques inévitables lorsque l'on veut faire un pas vers une innovation de rupture telle que les traitements par CAR-T cells pour les porteurs de lymphomes résistant aux traitements standards. "Le premier patient de l'IPC a été traité en janvier dernier et huit malades sont en cours de traitement", précise Christian Chabannon, hématologue et responsable du centre de thérapie cellulaire. "Ce traitement s'inscrit dans le cadre des immunothérapies. On utilise une cellule du système immunitaire du patient". Un lymphocyte en l'occurrence, prélevé sur place puis expédié vers un laboratoire pharmaceutique américain habilité. Celui-ci se charge ensuite de manipuler génétiquement la cellule. "Il y intègre une sonde capable de repérer et de détruire la cellule cancéreuse. La cellule modifiée est ensuite réexpédiée à l'hôpital sous forme congelée". Elle est ensuite réintégrée dans l'organisme du malade et les CAR-T cells utilisés ciblent un antigène exprimé dans certains types de lymphomes. Une seule injection peut suffire, évitant ainsi les traitements lourds et invasifs proposés jusqu'alors.

Si cette technologie n'est pour l'heure utilisée que contre certains types de cancers, l'idée est de reproduire son succès contre d'autres, plus fréquents. Ce à quoi s'attellent les équipes de recherche de l'institut.

Des espoirs qui ont nécessité d'importants chantiers et une réorganisation des services. "Il a fallu créer des interfaces entre les services d'hématologie, de réanimation, de neurologie, de cardiologie car la prise en charge est très pluridisciplinaire". Et si seuls sept établissements en France sont habilités à utiliser ce traitement, l'IPC est le seul Centre de lutte contre le cancer à l'être. Et l'infrastructure n'y est pas pour rien, en particulier la construction d'IPC 4, le tout dernier bâtiment de l'Institut consacré à l'hématologie, inauguré en juin dernier. Comme quoi l'innovation appelle l'innovation, à condition de "ne pas papillonner " observe Patrice Viens, et de rester concentré autour de priorités.

Tisser des liens avec le monde de l'entreprise et s'ouvrir à l'international

"Les spécialités dans lesquelles nous investissons beaucoup sont la radiothérapie, l'hématologie et la recherche translationnelle sur certaines pathologies". Avec un savoir-faire particulier concernant les leucémies, cancers digestifs et cancers du sein. Des domaines pour lesquels l'institut bénéficie de la compétence de ses médecins et d'importantes données de patients. Des données dont il s'agira à l'avenir de tirer de nouvelles connaissances à l'aide de partenaires issus du monde de l'entreprise.

"Il nous arrive d'héberger des startups mais le plus souvent, elles sont issues de nos recherches en interne. Désormais, l'objectif est d'en attirer de nouvelles dans un étage qui leur sera dédié". Avec un intérêt particulier pour des startups expertes de l'intelligence artificielle, de la réalité augmentée et autres nouvelles technologies numériques. "On essaie de travailler sur la masse de données du centre pour aborder la maladie de façon différente". Un premier appel d'offre a été lancé, il porte sur un projet de prévention des complications chirurgicales. "Nous pourrons aussi réfléchir à des outils connectés pour la prise en charge hors les murs".

Car l'IPC en est convaincu, la lutte contre le cancer nécessite d'unir les forces de chacun. Au niveau local, national mais aussi, de plus en plus, à l'international. "Nous avons pour ambition d'être reconnus au niveau européen". Un partenariat a d'ailleurs été tissé avec l'université d'Oxford. Partenariat qui prendra la forme d'appels d'offre communs pour financer des projets de recherche. Pour que se dresse une armée en ordre de marche, bien déterminée à faire reculer le cancer.

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