Téléconsultation : ce qu'en attendent MesDocteurs, Docly et Avis2Santé

Après une décennie d’expérimentations, les consultations médicales à distance, ou téléconsultations, sont désormais remboursées par l’Assurance-maladie. Une (r)évolution du système de santé français qui ouvre les portes du marché de la télémédecine sur laquelle se sont déjà positionnées nombre de start-ups dont trois jeunes pousses régionales qui entendent y prendre des parts sans tarder...

Ça se bouscule sur la ligne de départ ! Depuis l'annonce du remboursement des téléconsultations par l'Assurance-maladie, effectif le 15 septembre 2018, nombre de jeunes pousses s'activent pour se positionner sur ce marché certes naissant mais dont le fort potentiel aiguise bien des appétits. La plus emblématique ? Sans conteste la start-up Doctolib, leader en France des rendez-vous médicaux depuis sa fusion cet été avec son concurrent MonDocteur, qui prévoit de lancer sa plateforme de e-consultation le 1er janvier prochain. Un nouvel entrant qui n'inquiète pas outre mesure Marie-Laure Saillard, directrice générale de l'entreprise MesDocteurs, basée à Carnoux-en-Provence (siège) et Paris. Elle fait partie de ces pionnières qui ont anticipé le filon eu égard aux attentes suscitées par la télémédecine, notamment en termes de baisse des coûts et de lutte contre les déserts médicaux.

MesDocteurs passe la vitesse supérieure

"Nous travaillons sur le sujet depuis trois ans, d'abord au travers d'une offre de téléconseil médical que nous avons complétée dès 2016 avec un service de téléconsultation pris en charge par les porteurs de risques (assurances, mutuelles, complémentaires santé, NDLR). Au total, nous comptons à notre actif plus de 100 000 mises en relation entre patients et médecins", explique-t-elle. Une expertise qui, selon la dirigeante, "crédibilise l'entreprise" dont la majorité du capital appartient depuis l'automne 2017 au Groupe VYV (Harmonie Mutuelle, MGEN, Istya...), lui permettant en outre d'être une des premières, si ce n'est la première, à attaquer le marché sans attendre, avec une offre sécurisée par visioconférence baptisée AvecMonDoc, conforme aux principes définis par l'Assurance-maladie. Cette dernière estime à 500 000 le nombre d'actes de téléconsultation en 2019, à 1 million en 2020 et à 1,3 million en 2021, quand MesDocteurs vise 2 millions dès 2020. "Quelle sera la part des consultations en ligne entrant dans le cadre du parcours de soin, c'est encore difficile à évaluer, tout comme le rythme de développement de l'usage reste compliqué à anticiper", admet-elle.

Les modèles d'usage en question

Car, comme le souligne Audrey Bel, directrice du Centre d'innovation et d'usages en santé (CIUS) à Nice, dont l'une des missions est d'accompagner les entreprises et porteurs de projet dans le développement de solutions e-santé, si les barrières technologiques sont levées, celles liées à l'usage persistent. "La télémédecine n'est pas un outil. C'est un acte de consultation nouveau qui implique des pratiques nouvelles. La question est de savoir comment cette pratique va s'intégrer dans le système français du parcours de soin où le médecin traitant occupe une place centrale. C'est là que les entreprises ont un rôle à jouer puisque c'est à travers leurs outils qu'elles développeront des modèles d'usage".

A cet égard, deux modèles s'opposent... ou se complètent, selon les points de vue. Celui qui vise à respecter les mêmes critères obligatoires que lors d'une consultation physique, donnant ainsi la priorité aux médecins traitants ou, en cas d'indisponibilité, aux maisons ou centres de santé territoriaux, garantissant donc une prise en charge par l'Assurance-maladie. Et celui qui y déroge, porté essentiellement par des plateformes salariant leurs propres médecins et qui, pour permettre aux actes d'être remboursés, devront surfer sur les "situations particulières" prévues par le texte, parmi lesquelles figurent les téléconsultations de certains spécialistes ou encore celles effectuées auprès de patients n'ayant pas déclaré de médecin traitant. Lequel des deux prendra le pas sur l'autre ? "L'avenir nous le dira. Les différents usages de la télémédecine ne sont pas encore figés", botte en touche Audrey Bel.

Le Suédois Docly s'adapte à l'écosystème français

Pour Lionel Hoellinger, au contraire, la réponse semble toute trouvée. "Nous avons fait le choix d'adapter notre solution au cadre défini par la loi et donc de respecter le parcours de soin à la française", indique le directeur France de Docly Md International, leader du secteur en Suède dont la plateforme MinDoktor traite 300 000 patients par an depuis l'ouverture du marché en 2016. L'entreprise créée en 2013 a récemment levé plus de 50 millions d'euros pour déployer sa solution en Europe, notamment en France où elle s'est implantée il y a six mois, d'abord à Nice avant de poser ses bagages à Sophia-Antipolis. Depuis, elle travaille avec le CIUS, l'Union régionale des professionnels de santé - Médecins libéraux (URPS-ML) Sud Paca et des chercheurs afin d'adapter et de designer sa plateforme de télémédecine aux spécificités de l'écosystème hexagonal.

Un premier déploiement pilote sera organisé en novembre auprès de deux groupes de huit médecins libéraux, situés en Provence Alpes Côte d'Azur et en Rhône-Alpes, avant un lancement programmé au premier trimestre 2019. "La digitalisation de la santé s'apparente à un marathon, non à un sprint. On sait que l'adoption digitale s'accélère au fil du temps, c'est pourquoi il nous faut proposer une solution solide, simple d'utilisation et de confiance, surtout sur un marché lié à la capacité des médecins de s'emparer de l'outil", souligne-t-il. Un outil qui, outre son procédé d'assurance qualité, intègre un algorithme de tri identifiant en amont les cas et symptômes éligibles à la téléconsultation, histoire de ne pas perdre de vue l'une des promesses phares du système : faire gagner du temps aux praticiens.

Avis2Santé au CHU de Nice

Des médecins qui sont de plus en plus nombreux à s'intéresser aux offres déjà sur le marché. "On constate depuis le 15 septembre une explosion des demandes d'information", note Viviana Peretto, dirigeante de la start-up varoise Avis2Santé. Laquelle, après deux ans de R&D, commercialise depuis avril auprès des centres hospitaliers, cliniques, maisons de santé, cabinets médicaux et Ehpad une plateforme de télémédecine globale et sécurisée. Celle-ci mixe téléconsultation, télé-expertise et cabinet médical connecté qui, couplé à des dispositifs médicaux, eux-aussi connectés, permettent à une infirmière, dans le cadre par exemple des maisons de retraite, de transmettre les données recueillies au médecin. Une solution choisie en septembre, après appel d'offres, par le CHU de Nice pour son service de soins palliatifs. "Jusqu'à présent le flou relatif aux conditions de remboursement n'aidait pas à faire entrer la télémédecine dans un projet médical. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Les professionnels peuvent s'engager sur des dépenses, et nous, construire des projets stables et définitifs", reprend-t-elle. Des projets qui pourront inclure la télé-expertise, remboursée sous conditions à partir de février 2019, sur laquelle MesDocteurs comme Docly, entendent bien aussi se positionner.

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