Elle est dès à présent téléchargeable gratuitement sur le site du laboratoire de psychologie cognitive, sis à la faculté de Marseille St Charles... et peut donc intégrer le panel de polices à disposition dans tout logiciel de traitement de texte qui se respecte. Son petit nom, c'est Eido... Une "fonte", ou police, mise au point par l'équipe dans laquelle officie notamment le chercheur Jean-Baptiste Bernard. Et destinée à un public spécifique : les plus de 65 ans atteints, à près de 15 %, par une maladie oculaire nommée DMLA, ou dégénérescence maculaire liée à l'âge. Laquelle est "la cause majeure de basse vision. Et ce déficit ne peut être corrigé par des lunettes", explique le chercheur. En lecture spécifiquement, ils éprouvent une difficulté notable à reconnaître les lettres et les mots. Toutefois, chez ces personnes, en demande d'une plus grande autonomie en lecture, "lorsqu'il y a erreur, ce n'est jamais dû au hasard. Ils vont par exemple confondre un D avec un B... Ce sont les lettres similaires physiquement qui peuvent être confondues".

Plus d'un million de patients en France

Confusions qui peuvent donc être évitées avec un alphabet adapté. Ce que l'équipe du laboratoire de psychologie cognitive a réalisé. L'idée : prendre une police déjà existante et la modifier, en inclinant légèrement d'un côté ou d'autre certaines parties des lettres créant des confusions par leur ressemblance. "Tout en veillant à ne pas créer d'autres complications, puisqu'en changeant certaines lettres, on pourrait générer de nouvelles similitudes entre elles". Le résultat reste encore perfectible pour le chercheur, mais la police a déjà été testée sur des patients sains, sur lesquels on a simulé une atteinte de type DMLA. Point positif, elle permet d'améliorer de 30 % la perception des lettres, et des mots, et d'opérer un gain de temps dans l'extraction des infos. En revanche, elle ne permet pas pour l'instant de lire des textes de façon plus aisée. "Nous devons à présent chercher à comprendre pourquoi cette police ne facilite pas la lecture, et ne permet pas à l'œil de balayer plus facilement le texte". Toujours est-il que cet alphabet représente déjà une avancée majeure pour les personnes atteintes de DMLA, soit plus d'un million en France... Une prégnance sans doute exponentielle à l'avenir, compte tenu du vieillissement de la population.

Des perspectives notables, une fois les freins levés

Signe de l'intérêt de la communauté scientifique, les recherches menant à cette police et les tests opérés après coup ont fait l'objet d'une publication dans la prestigieuse revue Plos One. De nouveaux tests, à plus grande échelle, seront opérés à partir de septembre dans les locaux du centre d'ophtalmologie de La Timone à Marseille.

On envisage par ailleurs sans peine les perspectives de développement commercial qui pourraient découler de cette innovation, si l'équipe pouvait comprendre les freins possibles à la lecture, et y remédier : outre l'intérêt évident d'éditeurs tels Adobe ou Microsoft, des revues, livres, sites internet pourraient être rédigés avec Eido à direction de ce public... Sans oublier les collectivités, acteurs du social et plus spécifiquement du 3ème âge qui seraient intéressés par cette dernière.

"Pour l'heure, d'un point de vue éthique, nous ne voulons pas la faire payer. Tout d'abord parce que notre volonté est qu'elle bénéficie au plus grand nombre, mais aussi parce que ce n'est pas pour nous envisageable tant que nous n'avons pas réglé la question de la lecture".

Alors pourtant que certaines polices adaptées aux dyslexiques ont été mises sur le marché de façon payante... "Et qu'elles n'ont jamais fait la démonstration de leur efficacité par le biais de tests".