Santé mentale des entrepreneurs : une prise de conscience s’impose dans la tech

OPINION - Portée par une forte dynamique de création d’entreprises innovantes, la France ambitionne de porter à cent le nombre de licornes d’ici à 2030. Pour y parvenir, les fondateurs seront en première ligne et soumis à une forte pression, avec la nécessité de s’assurer de leur capacité à durer, dans un secteur marqué par le court-terme. Tout l’enjeu sera donc de mieux les accompagner, pour performer. Par Julie Davico-Pahin, entrepreneuse et Présidente de la French Tech Aix-Marseille Région Sud.
(Crédits : DR)

La mission French Tech fête ses dix ans cette année : l'écosystème des startups françaises s'est profondément transformé, notre pays peut aujourd'hui afficher fièrement de magnifiques réussites entrepreneuriales, regroupées autour des programmes Next40 ou encore French Tech120. Les jeunes pousses de la tech ont levé 16 milliards d'euros en 2022, soit une augmentation de 16% sur une année. La figure du CEO a, elle aussi, considérablement évolué. Figure forte, emblématique du projet, il incarne la prise de risque et la réussite, force l'admiration.

Si bien que nous assistons aujourd'hui à une véritable « glamourisation de l'entrepreneuriat ». Le storytelling a généralement de quoi faire rêver : la bonne idée, au bon moment, auprès des bonnes personnes, et, parfois, quelques millions en poche pour repartir dans une nouvelle aventure.

Derrière les paillettes, la réalité de milliers d'entrepreneurs est bien plus complexe et diverse. Les raisons qui poussent à se lancer dans l'aventure sont multiples, mais nous sommes tous alimentés par le goût du risque, l'envie de créer, de faire bouger les lignes... et par l'espoir de démultiplier la création de valeur. C'est précisément cet objectif qui nous rend vulnérables.

Si bien que la santé mentale devient un réel sujet dans le monde de l'entrepreneuriat : selon un sondage publié en avril 2023 par la startup Snapshot, 72 % des entrepreneurs déclarent être touchés par des problèmes psychologiques. Forcément, ce constat a des répercussions sur la performance globale des entreprises.

Comment tenir le cap quand le capitaine perd pied ?

Emmanuel Macron a pour objectif d'atteindre cent licornes françaises d'ici à 2030 : nous ne pourrons y parvenir qu'avec des CEO pleinement mobilisés. La question du bien-être des entrepreneurs doit être posée.

Dans un premier temps, il est indispensable de déconstruire ce mythe du « superhéros » : tous les chefs d'entreprises portent sur leurs épaules l'avenir de leur structure. Dans la tech, chaque jalon passé est plus intense que dans les secteurs traditionnels. La notion de temps est extrêmement courte, les retours financiers attendus aussi. Et le taux d'échec, particulièrement élevé.

L'incarnation de la startup par son fondateur est également très forte : il est celui qui rassemble et doit convaincre autour de son projet innovant. Les fonds en capital-risque le reconnaissent aisément : ils investissent en grande partie pour l'entrepreneur et sa capacité à transformer l'essai, dans un marché où tout est à construire.

La crise du covid que nous avons traversée, et plus globalement les grandes transformations que nous vivons, bouleversent le rapport de la société au travail. Les organisations font du bien-être des salariés un point central de fidélisation des équipes dans des contextes d'hyper-croissance. Alors pourquoi ne pas appliquer à nous-mêmes ce que nous offrons à nos collaborateurs ?

Oui, entreprendre a toujours été difficile, nous savons aussi où nous mettons les pieds. Devons-nous pour autant accepter cette fatalité ? Je crois au contraire que l'équilibre permet de se dépasser et de surperformer.

Il est grand temps à présent de faire preuve de bon sens. Notre écosystème promeut les entrepreneurs, alors écoutons-les ! Soucions-nous de leur bien-être, il en va de l'avenir de leurs entreprises.

Déployons concrètement des actions d'accompagnement, notamment dans les périodes à risques, comme les levées de fonds. Le coaching a réussi à faire ses preuves, généralisons-le pour challenger le fondateur et lui permettre d'aborder le plus sereinement possible ces étapes clé. Parions sur la prise de conscience collective : les financeurs, publics et privés, ont un rôle central à jouer. En relation étroite avec l'entrepreneur, ils sont en première ligne pour identifier le risque et alerter.

La French Tech, sur les territoires, joue évidemment ce rôle de proximité, de confiance, auprès des fondateurs. L'animation du réseau, l'accompagnement ou encore le mentorat sont autant d'éléments qui permettront de combiner pragmatisme et ambition pour faire rayonner tout le potentiel de nos startups, durablement.

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