"Penser les structures familiales en Algérie"

Face aux changements structurels, comment les Algériens et les Algériennes font-ils encore "famille" ?

Nombre de pays vivent aujourd'hui des changements structurels profonds dont des  tentatives observées de refondation politique rendent compte. Penser le politique aujourd'hui c'est penser les mutations sociales et leur prise en charge en vue d'une bonne gouvernance. Je ne vous parlerai donc pas de religion mais de changements structurels en Algérie. Comme dans nombre d'autres pays, on observe des mouvements profonds de population accompagnés de retraits de droits. Des flots de migrants mais aussi des populations qui localement se déplacent en quête d'une vie meilleure. L'Algérie, pourtant richement dotée, produit des harragas, gaspille aussi des vies humaines en mer et sur place où les violences sont nombreuses. Des hommes et des femmes dorment, dans les rues avec des enfants.

Les mobilités résidentielles

Le premier constat est celui  du nombre de modifications apportées aux logements signifiant ainsi qu'ils ne correspondent pas aux besoins des populations.

La seconde observation concerne les formes que prend la volonté d'accéder au statut de propriétaire. Si la libéralisation du marché foncier, la régularisation de l'habitat illégal sont venus signifier aux algériens, dès 1986, la fin de l'Etat premier logeur, il y a, dans le même temps, comme un refus observé des Algériens et des Algériennes, dans leur majorité, d'entrer dans un véritable  marché immobilier. Un logement acquis, du fait de relations sociales ou familiales ou de la volonté d'un responsable politique, est une part de la rente pétrolière qui doit être transmise aux enfants. Pour en partir, les sujets attendent une autre facilité offerte par l'Etat en vue d'accéder à la propriété d'un autre logement.

D'autre part, historiquement, les déplacements de population ont, depuis longtemps, été le fait de décisions de pouvoirs autoritaires : déplacements de la période coloniale, cycles d'exode massif après l'indépendance. Ceux qui ont eu recours à un habitat précaire se sont vus relogés souvent sans contrepartie financière (cette question de l'accès au logement sans paiement de loyers par nombre d'occupants est une singularité algérienne). Entre les différentes opérations de relogement, les autorités ont aussi reconduit de façon unilatérale et autoritaire des habitants de bidonvilles dans leur région d'origine.

 Il est évident qu'un tel contexte ne peut pas favoriser les mobilités résidentielles. Ces dernières ne concernent  que les personnes dotées de moyens financiers importants : les cadres recrutés par des entreprises étrangères (mais l'Algérie n'exerce pas une attractivité suffisante pour que cela soit significatif) ou les plus précaires qui errent de villes en villes et pensent que les métropoles seront en mesure de leur offrir des opportunités nouvelles. Ces deux profils sont ceux qui concernent les populations mobiles au Maghreb : jeunes diplômé-e-s en quête de perspectives nouvelles ou personnes sans inscription sociale dans leur pays.

Les familles

Lorsque  les espoirs d'insertion  sont déçus, la famille se replie sur elle-même, réactivant  des normes et de pratiques familiales fondées sur un état antérieur. Ces familles proclament alors leur déficit de sécurité et de confiance dans les institutions urbaines.

D'autres ne peuvent réaliser ce repli communautaire en l'absence d'une structure familiale forte et, si elles ne sont pas désocialisées, elles construisent de nouvelles familles. Ce mouvement semble être celui de la réalisation d'une figure "verticale" de la famille, une famille qui regrouperait autour d'un couple parental, des ascendants et des descendants directs, ignorant les collatéraux.

La présence en ville, l'exposition à des valeurs nouvelles place les sujets dans des situations où ils vivent  des contradictions entre les genres et les générations,  donnant lieu à une diversification des intérêts et des stratégies des différents  membres de la famille.

Les figures familiales

On observe, dans la majorité des cas, des rapports complexes qui se jouent sur une  scène culturelle mondialisée qui propose des rôles et des normes nouvelles aux différents membres des familles algériennes  et on observe :

L'entrée rapide des femmes dans l'espace public. On observe aussi que 'il existe des  liens entre le célibat des femmes et leur accès à l'éducation.

La figure du père s'affaiblit, ce que montre aussi la baisse de la  patri localité.

Les frères redoublent de férocité.

Mais aussi, le classement des villes, qui préside à la gestion des territoires, se heurte à une hétérogénéité dans l'espace défini comme rural et une hétérogénéité dans l'urbain. La distinction urbain/ rural et grandes villes/ villes moyennes n'a pas démontré une grande efficacité. Il faut donc être prudents vis-à-vis des tentatives observées de construire de l'homogénéité à partir d'un signe vestimentaire, d'une pratique religieuse.  Les harragas, les algériennes qui dorment dans les rues des villes accrochées à leurs enfants auprès des commissariats espérant une protection, les jeunes suicidés viennent de ces rapports complexes au sein des familles. Ils viennent de situations et de familles qui ne parviennent pas à "fonctionner", qui relèvent même de l'impensé pour des autorités qui continuent de vouloir juguler les aspirations nouvelles  et les mutations fortes dans un corset juridique, idéologique, politique et policier.

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Fatma Oussedik intervient à la Villa Méditerranée dans le cadre des "Mardis de la Villa" dont le thème ce 4 avril est consacré à "Comprendre les mutations sociales en Algérie".

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Commentaires 2
à écrit le 03/04/2017 à 8:56
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Pour un pays SI développé hum vous en êtes encore au moyen âge niveau évolution vous croyez pas

à écrit le 03/04/2017 à 8:51
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Et ben pas drôle quoi

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