Avec Innov&Sea, la culture cellulaire se met au service des tests d'impact sur l'écosystème marin

Basé à Nice, le spin-off de l'Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement (IRCAN) mise sur la culture cellulaire in vitro d'un organisme sentinelle pour accompagner le secteur de la cosmétique en général, du solaire en particulier, dans la formulation de produits écofriendly avec l'environnement marin. Un marché en très forte progression, que la biotech entend élargir à court et moyen terme aux produits plastiques et à la biosurveillance.
(Crédits : JV Vieux-Ingrassia)

Chaque année, on estime à plusieurs milliers de tonnes, voire selon certaines études à plusieurs dizaines de milliers de tonnes, les produits solaires déversés dans les océans. Si les estimations diffèrent, des certitudes s'imposent quant à l'impact de cette pollution sur les coraux ou les herbes de posidonies, essentielles à la vie sous-marine en Méditerranée. Et les interrogations demeurent sur son rôle dans la chaîne alimentaire via les poissons ou les coquillages. Dans ce contexte, de plus en plus nombreuses sont les marques et entreprises industrielles qui se tournent vers les formules eco-friendly, et ce sur un marché mondial de la protection solaire en forte progression qui devrait franchir 24 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2030 contre 15 milliards de dollars en 2023.

Culture cellulaire in vitro

C'est là qu'intervient Innov&Sea. Spin-off de l'Université Côte d'Azur via l'Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement à Nice (IRCAN), la biotech a développé un test d'écotoxicité pour évaluer l'impact des produits solaires sur les écosystèmes marins à partir d'une technologie de culture cellulaire in vitroUne innovation « écoresponsable » qui constitue une alternative aux méthodes existantes nécessitant le prélèvement et l'utilisation d'organismes marins vivants.

« Le test est basé sur la mise en culture de cellules d'un organisme sentinelle, l'anemonia viridis, une anémone de mer qui appartient à la même classe que les coraux constructeurs de récifs et qui vit en symbiose avec une microalgue. Il connaît le même phénomène de blanchissement, reflétant ainsi l'état de santé de l'écosystème marin récifal », explique Pauline Cotinat, présidente et co-fondatrice de la jeune pousse basée à Nice avec les enseignantes-chercheuses Paola Furla, Stéphanie Barnay-Verdier et le business développeur Emmanuel Michelot.

Le marché de la cosmétique et au-delà

Créée en février 2023, Innov&Sea adresse donc l'industrie du solaire, pour laquelle elle teste déjà la toxicité réelle des matières premières (filtres UV...) jusqu'au produit fini, tel qu'il va être mis sur le marché. « Nous aidons les entreprises à déterminer quel va être le produit le plus adapté, quelle va être la matière première à utiliser en priorité afin de sélectionner la formulation la moins impactante possible », reprend la dirigeante. Qui en convient : « L'impact ne sera jamais nul. L'intérêt est de le limiter au sein d'un écosystème déjà bien mis à mal par les activités humaines et le réchauffement climatique ».

L'entreprise ne se contente toutefois pas de ce seul segment de marché. Elle est également sollicitée pour expérimenter d'autres types de produits cosmétiques, comme les produits rincés (shampoings, gels douches). « Plus largement, notre test est adapté à tous les types de produits chimiques, donc adaptable à n'importe quelle industrie. Celles liées au plastique et aux additifs qui entrent dans sa composition nous intéressent particulièrement ». Autre axe d'intérêt pour la start-up, la biosurveillance, sujet pour lequel elle travaille sur un programme de R&D afin « de mettre au point le protocole et comprendre les besoins de ce type de marché » piloté par les collectivités locales ou les agences de traitement de l'eau.

Directive européenne

Innov&Sea a généré un chiffre d'affaires de 105.000 euros lors de son premier exercice et entend le doubler à la fin 2024. Soutenue par l'incubateur Provence Côte d'Azur, les bourses French Tech et les subventions liées aux concours d'innovation, parmi lesquels l'emblématique i-Lab dont le montant doit encore être précisé, Innov&Sea trace sa route sur un modèle de croissance organique. Histoire de « challenger le business actuel », souligne Pauline Cotinat. Qui n'exclut toutefois pas l'option levée de fonds, en fonction des besoins en R&D et de sa volonté d'accélérer sur un marché très mobile. « Les tendances vont vites, les technologies aussi ».

Quant aux réglementations... elles sont surveillées de très près. « Les entreprises de cosmétiques sont très vigilantes, relève Pauline Cotinat. S'il n'existe à ce jour aucune loi les obligeant à tester l'impact environnemental de leur produit avant de le mettre sur le marché, il n'en est plus de même pour la rhétorique utilisée comme argument marketing. » Une directive européenne de mars 2024 interdit en effet les allégations écologiques trop globalisantes, peu précises, et introduit un système de vérification. Finies donc les mentions « respectueux de l'environnement » qui entretiennent le flou auprès des consommateurs. Le recours à des tests pour prouver ses dires devrait s'imposer. De quoi booster un peu plus l'activité de la jeune pousse de 5 personnes. Qui entend bien devenir le nouveau standard pour évaluer l'impact des produits cosmétiques ou autres sur les écosystèmes marins.

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