«  Le bois est une ressource renouvelable lorsqu’elle est bien gérée », Rémi-Pierre Lapprend (Fondation Maisons du monde)

ENTRETIEN - Née en 1996, l'entreprise spécialiste de l'ameublement et de la décoration compte 8.000 salariés répartis entre ses 350 magasins, son siège à Nantes et son centre logistique de Saint-Martin de Crau, dans les Bouches-du-Rhône. Forcément consommatrice de bois, elle mène depuis les années 2010 une politique de responsabilité sociale des entreprises à travers laquelle elle soutient des programmes de préservation de la biodiversité. Responsabilité qu'incarne notamment sa Fondation créée en 2015. A sa tête : Rémi-Pierre Lapprend, qui est aussi directeur RSE de Maisons du Monde.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE : C'est en 2010 que Maisons du monde formalise sa politique RSE, avec comme priorités, notamment, la traçabilité du bois et les conditions de travail que vos fournisseurs offrent à leurs salariés. Comment procédez-vous sur ces sujets ?

Rémi-Pierre Lapprend : Concernant l'approvisionnement en bois, nous menons des audits sociaux qui permettent de vérifier les conditions de travail. Ces audits sont menés soit par nos équipes, soit par des organismes tiers. Cela passe par un travail auprès de nos fournisseurs pour connaître les matières utilisées. Nous excluons par exemple certaines zones géographiques comme l'Amazonie ou le bassin du Congo. Nous sélectionnons des produits certifiés par des labels comme FSC qui garantit que le bois n'est pas issu de la déforestation. 75 % de nos meubles sont ainsi certifiés.

Quid des 25 % restants ?

Il y a certaines régions, en Inde par exemple, où l'on utilise des essences de bois non forestières comme le manguier, et qui ne sont pas éligibles aux certifications. Nous devons trouver d'autres manières de nous assurer que la coupe de ces arbres est légales. Nous nous améliorons progressivement.

Vous avez lancé Good is Beautiful, une offre de produits jugés plus « responsables ». Quels sont les caractéristiques de ces produits ?

Avec Good is beautiful, nous privilégions certaines matières comme le coton bio, les matériaux recyclés ou le bois certifié. On trouve aussi des produits fabriqués en Europe : même s'il s'agit encore d'une petite part, cela permet de répondre aux attentes de nos clients. Enfin, certains produits sont identifiés « Good is beautiful » parce qu'ils permettent la préservation d'un savoir-faire comme la vannerie ou la gravure sur bois.

En 2015, Maisons du monde se dote aussi d'un fonds de dotation - une fondation- qui lui permet de mieux structurer ses actions de mécénat. Quels projets ce fonds permet-il de financer et avec quels moyens ?

Pour alimenter ce fonds, le groupe Maisons du monde lui reverse 0,08 % de son chiffre d'affaire, soit environ 1 million d'euros qui servent de budget de base à la fondation. S'y ajoute les montants obtenus grâce aux dons obtenus via l'Arrondi en caisse, soit environ 400.000 euros par an.

Avec cet argent, nous finançons dans la durée des projets liés à la préservation des arbres dans les forêts. Ainsi que des actions de sensibilisation à destination du grand public. Au total, ce sont environ 25 projets qui sont soutenus chaque année dans une quinzaine de pays.

Vous cherchez aussi à sensibiliser vos salariés avec le programme Solidaritrip ...

Oui, la sensibilisation de nos équipes est effectivement le premier étage de la fusée. Nous avons 8.000 collaborateurs qui constituent un public avisé et facile à toucher. Et parmi les actions de sensibilisation qui leur sont destinées, il y a Solidaritrip qui permet chaque année à une vingtaine d'entre eux de voyager plus ou moins loin pour voir de près les projets que nous finançons. L'an dernier c'était l'Équateur. En fin d'année, certains iront à Madagascar où ils pourront constater la pression que subissent les mangroves et les actions qui sont menées pour les préserver.

Parmi les projets que vous financez, on trouve évidemment des actions menées en Amérique de Sud, en Asie, dans des territoires très fortement impactés par la déforestation. Mais aussi des projets menés en Europe et dans plusieurs régions de France. De quoi s'agit-il par exemple dans ce cas ?

Il peut s'agir de travailler sur les haies dans les régions rurales, car les haies sont un élément essentiel de la biodiversité qui a disparu avec l'extension de l'agriculture industrielle. Nous avons aussi des projets en milieu urbain comme à Marseille avec l'association Germ' qui s'occupe de revégétaliser des friches. La diversité des sujets traités est immense.

Comment sélectionnez-vous les projets que vous soutenez ?

Nous lançons régulièrement des appels à projets qui sont relayés auprès d'associations environnementales. Un comité d'experts nous aide à sélectionner les projets. Nous sommes par ailleurs attentifs à agir sur le long terme et nous nous engageons sur des montants significatifs : environ 30.000 euros par an.

Dans le cadre de leur politique RSE, beaucoup d'entreprises s'engagent sur la plantation d'arbres en compensation de leurs émissions carbone. Une pratique de plus en plus critiquée pour son manque d'efficacité. Pratique dans laquelle vous n'avez pas souhaité vous inscrire ...

En effet, nous avons toujours refusé d'entrer dans la course à la plantation d'arbres. Car vous pouvez planter un arbre, qu'est-ce que cela change ? La compensation carbone a des effets positifs mais aussi négatifs. Nous préférons une approche holistique qui intègre la dimension environnementale dans son ensemble : le climat, mais aussi la biodiversité, sans oublier la population locale qui doit être à l'initiative des projets que nous soutenons.

Préserver les forêts et leur biodiversité à travers la fondation, tout en cherchant à vendre toujours plus de meubles pour l'entreprise qui la porte : n'y-a-t-il pas une contradiction ?

On peut toujours avoir cette perception et c'est normal. Mais le bois est un matériau hyper noble. C'est une ressource renouvelable lorsqu'elle est bien gérée, lorsqu'on ne touche pas à certaines forêts. Il est possible de produire des ressources en bois pour nous meubler tout en réduisant son impact environnemental.

Il est aussi possible de faire évoluer son modèle économique, notamment via le développement de l'économie circulaire qui fait partie des axes de votre politique RSE. Quelles sont vos actions en ce sens ?

Depuis 2021, nous avons une obligation réglementaire de reprise des anciens produits. En plus de cela, nous avons dans notre entrepôt de Saint-Martin-de-Crau une activité de réparation des produits retournés à cause d'un défaut de fabrication ou d'un impact lors du transport. Cela mobilise une trentaine de salariés à temps plein.

Et nous avons un autre enjeu à venir : c'est la vente de produits de seconde main sur notre site ou en magasin. La demande est là. Il faut que nous puissions y répondre. Cela oblige à repenser nos modèles économiques, nos circuits logistiques et notre manière de présenter les produits. Nous devrions pouvoir enclencher cela d'ici la fin d'année.

Alors qu'il est de plus en plus difficile de recruter, notamment dans les métiers de la vente, vos engagements RSE vous aident-ils à vous distinguer en tant que marque employeur ?

On parle souvent de quête de sens au travail et c'est une réalité. Avant, c'était le recruteur qui interrogeait le candidat sur les engagements de l'entreprise afin de voir s'il s'était bien renseigné. Maintenant, c'est l'inverse. De plus en plus de candidats nous posent des questions sur ces sujets. Et pas seulement pour les postes de niveau bac+5 au siège. Nos engagements ne nous empêchent pas d'avoir comme tout le monde des difficultés de recrutement, mais il est certain qu'ils renforcent notre marque employeur.

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