Dans le Sud, le Panier Provençal renforce la filière des tomates françaises et la souveraineté agricole tricolore

Née en 2019 suite à la reprise de Provence Tomates par la Coopérative agricole Provence-Languedoc (CAPL ), l'entreprise installée à Tarascon, transforme en purée, jus et concentré, des tomates cultivées par une cinquantaine de producteurs dont la majorité se trouve en Camargue. Des ingrédients qu'elle distribue à 99 % à des industriels. Avec l'ambition de renforcer la filière de tomates françaises.
(Crédits : DR)

Au début des années 2000, la filière des tomates françaises fait face à un concurrent de poids : la Chine. Le pays produit des tomates très bon marché qui irriguent les acteurs de la transformation. Il investit également dans des outils de transformation du monde entier, à l'image de l'entreprise Le Cabanon dans le Vaucluse, rachetée par un investisseur chinois. « C'était une très grosse entreprise qui pouvait transformer jusqu'à 400.000 tonnes de tomates quand ses concurrents locaux en produisaient 30.000 tonnes », raconte Frédéric Baeza, directeur général du Panier Provençal.

S'ensuivent des destructions d'emploi jusqu'à la chute de ce fleuron français. « C'était le seul gros transformateur local, sur un territoire bien adapté, bien alimenté en eau, avec des savoir-faire, des personnes qualifiées, du matériel... »

Pour éviter de voir disparaître ce patrimoine, un nouveau projet industriel voit le jour : Provence Tomates. Mais « les choses n'ont pas été bien faites. Le business plan n'était pas juste et dans le même temps, le cours de la tomate a chuté, ce qui n'avait pas été anticipé ». En 2018, l'entreprise fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

C'est alors que la Coopérative agricole Provence-Languedoc (CAPL) décide de s'en mêler, reprenant en août 2019 Provence Tomates qui devient alors Le Panier Provençal. « CAPL est une coopérative plutôt commerçante qui achète du matériel, des produits phytosanitaires, des engrais pour ses membres. Elle a aussi une activité de collecte de céréale mais avant Le Panier Provençal, elle n'avait aucune activité industrielle ». Cette acquisition lui permet de vendre davantage - la culture de tomates a besoin de systèmes d'arrosage au goutte à goutte, d'engrais, de pesticides -, mais aussi de consolider la filière des tomates françaises. « Pour que la filière soit reconnue, il faut un tonnage suffisant. Sans cela, s'il ne s'agit que d'une niche et les industriels n'oseront pas commander de la tomate française », faute de stabilité et de volumes suffisants.

Des tomates essentiellement camarguaises

Quatre ans plus tard, l'entreprise emploie 17 salariés, 3 alternants et une centaine d'intérimaires l'été.

Dans son usine de Tarascon, elle transforme en jus, purée et concentré, des tomates cultivées de plein champs par 55 producteurs, soit environ 1.100 hectares de cultures et 85.000 tonnes de tomates (prévisions pour 2023 sous réserve d'aléas climatiques), dont 11.000 tonnes en agriculture biologique.

« Nos producteurs se trouvent à 70-80 % en Camargue », un territoire qui présente de nombreux atouts. « On y trouve de grandes parcelles qui permettent d'exercer cette culture très automatisée, à la fois dans la plantation et dans la récolte. Le terroir est aussi intéressant. L'eau est présente. Et pendant les trois mois entre la plantation et la cueillette, les conditions météorologiques sont favorables, avec un temps sec et un vent qui évitent le développement de maladies comme le mildiou. Cela permet d'utiliser très peu de traitements, y compris en conventionnel ».

Mais l'aléa climatique étant toujours présent, l'entreprise a choisi de diversifier ses sources d'approvisionnement en s'appuyant également sur des exploitants de la Drôme et des Hautes-Alpes.

Ces producteurs vendent au Panier Provençal une tomate adaptée aux besoins de l'industrie : à savoir sans pédoncule, plus ferme pour résister à l'entassement, totalement rouge en son centre - gage d'une belle coloration du produit fini - et dont les pieds se développent tous au même rythme, ce qui permet une récolte en un seul temps.

A destination des industriels ... et un peu de la restauration

Côté clients, Le Panier provençal s'adresse à 99 % à des professionnels, plus spécifiquement des industriels qui utilisent ses produits comme ingrédients de leurs recettes. « On livre des clients qui fabriquent des plats cuisinés, des jus, des sauces, des pizzas... ». Parmi eux, de grands noms comme Sodebo, Marie, Liebig, ou encore Auchan dont les ketchup sont composés de tomates transformées par la PME provençale.

Le pourcentage de clientèle restant est composé de grossistes et de structures de restauration hors foyer, un marché que Le Panier Provençal scrute avec intérêt depuis que la loi Egalim oblige la restauration collective à proposer 50 % de produits "de qualité"  dans ses menus, dont 20 % de produits bio.

Le bio, justement, constitue l'un des axes de développement du Panier Provençal depuis son acquisition par la coopérative. En témoigne l'investissement de 2 millions d'euros - soutenu par le plan France relance - dans une ligne de production entièrement consacrée aux tomates bio. Une ligne capable de transformer 250 tonnes de tomates par jour, contre 2.000 tonnes pour la ligne dédiée aux tomates d'agriculture conventionnelle.

Le Panier Provençal prévoit aussi d'étoffer son offre en développant des produits transformés qui ne soient plus totalement lisses, comme de la pulpe ou du concassé, plébiscités par ses clients. « Notre outil de production ne nous le permet pas encore mais nous étudions cela pour 2024 ».

Coproduits : une seconde vie dans les cosmétiques

Et pour tirer au mieux profit de ses tomates, l'entreprise travaille aussi à la valorisation de ses co-produits, à savoir la peau, les pépins ou encore l'hydrolat résultant de l'évaporation de l'eau des tomates, une étape nécessaire à la confection de concentrés et de purées.

« Avec un laboratoire de recherche fondamental, nous avons breveté un principe actif issu des pépins et de la peau de tomates », un actif aux propriétés anti-oxydantes. « Nous avons ensuite créé la société Phenix en Provence pour valoriser ces travaux ». Extraits par une société partenaire, les principes actifs sont vendus à l'industrie cosmétique, notamment à de « très gros acteurs », qui les incorporent à leurs formulations. « Cela permet à la fois de pérenniser le fonctionnement de l'usine et de mieux payer les producteurs ».

Des producteurs qui ont par ailleurs vu la rémunération que leur propose Le Panier Provençal augmenter au fil des années. « En 2020, on leur achetait leurs tomates pour 78 euros la tonne. En 2021, nous sommes passés à 92 euros. En 2022 à 105 euros et en 2023, ce sera 140 euros ». Car plus l'entreprise produit, plus elle réalise des économies d'échelle qui lui permettent de mieux rémunérer ses fournisseurs, et donc d'inciter ceux-ci à lui vendre plus de tomates... renforçant un cercle vertueux qui bénéficie à la fois à l'entreprise et aux producteurs.

Reste que l'entreprise ne parvient pas encore à utiliser à plein régime son outil de production. « La demande est supérieure à ce que l'on peut offrir. Cette année, nous prévoyons de transformer 85.000 tonnes de tomates mais notre site nous permettrait d'atteindre 100.000 tonnes. Et avec seulement 2 ou 3 millions d'investissements, on pourrait augmenter nos capacités de production de 15 à 20 % ». L'enjeu est surtout de trouver suffisamment de producteurs capables de produire suffisamment de quantités, ce qui n'est pas toujours aisé. « La production de tomates est annuelle. Ce n'est pas comme les arbres fruitiers que l'on plante pour de longues années. Tous les ans, les producteurs se posent la question de savoir s'ils planteront des tomates. L'an dernier par exemple, face à la pénurie d'huile de tournesol, beaucoup ont préféré planter du tournesol ».

Mais l'année 2023 s'annonce plus favorable à la PME. De sorte que celle-ci, qui affichait un chiffre d'affaire de 19,6 millions d'euros en 2022, espère atteindre 24,5 millions d'euros pour son prochain cru dont les plantations commencent tout juste.

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