Pourquoi le rachat de La Méridionale intègre parfaitement la stratégie (durable, mais pas que) de CMA CGM

L’annonce a pu surprendre mais tout compte fait, elle n’est pas si étonnante que cela. Car La Méridionale, spécialisée dans le transport de passagers entre la Cité phocéenne et l’Afrique apporte non seulement une petite brique supplémentaire au géant de la logistique mais elle met dans la corbeille de la mariée ses innovations en termes de décarbonation, notamment ce filtre à particules, innovation développée en interne et inaugurée en fanfare voici seulement quelques mois. Elle confirme également l’appétence, pour ne pas dire l’appétit, de la compagnie que dirige Rodolphe Saadé pour les pépites mises en difficultés mais au potentiel mesurable Un exercice de reprise d’entreprises en mauvaise passe que l’armateur marseillais maîtrise parfaitement. Et qui lui donne une assise encore plus forte, sur le territoire bien sûr, mais au-delà aussi.
(Crédits : DR)

On avait laissé La Méridionale à l'automne dernier faire l'actualité pour une bonne raison, celle du lancement officiel de son filtre à particules, un filtre capable de capturer les particules fines et ultrafines ainsi que les métaux lourds, l'innovation ayant été testée depuis 2019 et ayant décidé la compagnie de passer à la phase marinisation en équipant l'un des navires de sa flotte, le Piana. Un lancement officiel, en présence des acteurs économiques et institutionnels avait été organisée, pour bien montrer la volonté de décarbonation du monde maritime. La Méridionale, qui n'en était pas à sa première innovation, puisque c'est elle, en 2016 qui est la première compagnie à s'engager dans l'électrification à quai.

Le changement de direction générale qui dit beaucoup

Mais si elle innove, la compagnie présidée par Marc Reverchon connaît cependant des vents économiques contraires. Elle a annoncé abandonner la liaison Barcelone-Tanger début février, conservant la liaison avec le Maroc et la Corse. C'est début 2021 que La Méridionale avait lancé une ligne régulière Ropax (fret et passagers NDLR) entre Marseille Fos et Tanger Med, une ligne très attendue des acteurs maritimes et économiques et qui selon le directeur général d'alors, Benoît Dehaye, était une « liaison naturelle » offrant l'avantage d'embarquer fret et passagers, solution présentée comme répondant aux enjeux environnementaux et être aussi un corridor en alternative à un port d'Algésiras, saturé.

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Les signes d'un situation économique compliquée pour la compagnie se sont confirmés avec l'annonce faite assez brutalement d'une nouvelle direction générale début janvier. La nomination de Guillaume de Feydau en remplacement de Benoît Dehaye qui avait pourtant mené la mise en place opérationnelle de la stratégie décidée par la compagnie, notamment sur son volet décarbonation, a surpris. Guillaume de Feydau qui a déjà connu le sujet de la rentabilité maritime au sein de la SNCM où il a notamment œuvré, Guillaume de Feydau que l'on présente comme spécialiste des opérations complexes. Et on imagine bien que redresser la barre lorsque le trafic a subi l'interruption liée à la crise sanitaire n'est pas chose aisée.

CMA CGM aiguise son appétit de diversification

Susciter l'intérêt de CMA CGM n'est pas rien. L'armateur qui est devenu un groupe spécialiste de la logistique en intégrant différents briques qui ne s'arrêtent d'ailleurs pas au maritime, loin de là - on rappelle la prise de participation au capital d'Air France ou son intérêt pour le spatial ou encore pour les médias - intégrerait à nouveau le transport de passagers, ce qu'il n'a plus dans son giron depuis la cession de la Compagnie du Ponant en 2012.

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CMA CGM qui n'hésite pas à reprendre des entreprises au potentiel réel mais en difficulté. Cela lui avait permis notamment d'acquérir Oxatis, spécialiste de l'e-commerce, implantée à Marseille (depuis cédé à Lundi Matin, basée à Montpellier NDLR) ou plus récemment Gefco que son actionnariat pour partie russe avait fragilisé, partie de l'actionnariat racheté avant le passage sous pavillon CMA CGM. La reprise de Colis Privé l'an dernier était aussi le signe de la capacité de Rodolphe Saadé à savoir saisir les opportunités lorsqu'elles se présentent. Il faut dire que les très bons résultats du n°3 mondial - dont le bénéfice net atteint 17 milliards d'euros et un chiffre d'affaires culminant à 56 milliards de dollars en 2021 - lui donnent largement les moyens de ses ambitions. Qui ne s'arrêteront pas, assurément, en si bon chemin... Tant que les conditions des marchés lui seront favorables.

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