Fabricant de cosmétiques solides, Comme Avant adapte sa stratégie au marché (et à la baisse du bio)

Installée près d'Aix-en-Provence, cette entreprise s'est fait connaître pour sa gamme restreinte de cosmétiques solides dont la composition ne comptait pas plus de quatre ingrédients. Mais face à la baisse de la demande sur le marché des cosmétiques bio et à l'éparpillement de l'offre, elle tente de diversifier sa gamme pour fidéliser et séduire un plus large public. Sans pour autant nier ce qui fait son identité : des compositions courtes, des ingrédients bio et un travail artisanal entièrement assuré en interne.
(Crédits : DR)

La salle de production des après-shampooing solides est une petite pièce, claire et lumineuse. Dans l'air, flotte une odeur herbacée. « C'est du chanvre », indique, charlotte sur la tête, le directeur de la production de Comme Avant, Mathieu Ricci. Du chanvre dont l'huile entre dans la composition des après-shampooings. En face de lui, un jeune homme s'applique à couper des bûches de cet après-shampooing à l'aide d'une mandoline dont les fils aiguisés détaillent des tranches circulaire.

C'est la dernière étape de fabrication. Avant cela, les ingrédients ont été fondus à une température oscillant entre 50 et 60°C . A l'aide de spatules, des salariés ont rempli manuellement des moules, en l'occurrence des tubes cylindriques en métal. Après un séchage d'une heure, la substance obtenue a pu être démoulée par une légère pression. Manuelle elle aussi.

Car ici, bien que quelques machines permettent de réduire la pénibilité de certaines tâches ou d'obtenir des textures particulières, la plupart du travail est réalisé à la main par une douzaine de salariés dédiés à la production, au conditionnement et à l'expédition, sur un effectif total de 45 personnes. « Nous avons assez peu de machines », confirme Sophie Lauret, cofondatrice de l'entreprise, tout en avançant dans le long couloir qui lie entre elles les diverses salles de production. « On aurait pu choisir de confier notre production à un sous-traitant comme le font la plupart des nouvelles marques de cosmétiques bio. Notre produits auraient peut-être été moins chers. La gestion aurait été plus simple. Mais ce n'est pas ce que l'on voulait ».

Au départ, un positionnement très minimaliste

Comme Avant naît en 2017. Sophie Lauret et son mari, Nil Parra, cherchent à soigner l'eczéma de leur jeune fils. Les différents produits testés ne les ayant pas convaincus, ils s'aventurent - eux qui ne sont en rien spécialistes de la cosmétique - dans la confection d'un savon maison exclusivement composé d'huile d'olive. L'opération est un succès. La peau du bébé s'adoucit et l'eczéma finit par abandonner la partie. Le couple fait alors découvrir le produit à son entourage qui en loue les vertus, ce qui les motivent à le vendre sur un site internet. Puis la gamme s'élargit d'autres cosmétiques solides : crème hydratante, shampooing, dentifrice en poudre... Avec pour point commun une composition n'excédant pas quatre ingrédients, dont sont bannis parfums, colorants et autres huiles essentielles. «On a démarré Comme Avant avec un côté un peu extrême, très minimaliste », se rappelle Sophie Lauret.

Une forme de frugalité cosmétique qui plaît, dans un contexte où l'on pointe du doigt les formulations incompréhensibles des produits présents sur le marché, la présence de substances nocives, notamment de perturbateurs endocriniens, sources d'anomalies physiologiques et reproductives. Grâce aux réseaux sociaux où la PME constitue une communauté active, elle trouve sa clientèle. Jusqu'à ouvrir sa première boutique à Marseille où elle dispose également d'un petit atelier de fabrication.

Mais elle s'y trouve rapidement à l'étroit. Ce qui la conduit à investir dans de nouveaux locaux aux Pennes-Mirabeau : 1.200 m² dont 1.000 dédiés à la production. L'aventure familiale prend une autre dimension. Et la PME embauche jusqu'à 55 personnes, portée par une demande en hausse depuis sa création et amplifiée par le covid-19.

Néanmoins l'effet covid ne dure qu'un temps. Dès 2021, alors que l'entreprise a engagé d'importants investissements dans son outil de production, le marché du bio voit son horizon se restreindre. « Beaucoup de nos distributeurs, magasins et épiceries bio notamment, ont été obligés de fermer ». Le chiffre d'affaire de l'entreprise, qui s'élevait à 6 millions d'euros en 2020, passe à 5 millions. « Finalement, on ne s'en sort pas si mal. Certains ont vu leur chiffre d'affaire divisé par deux », relativise la dirigeante. Comme Avant est néanmoins contrainte de réduire quelque peu ses effectifs, pour atteindre aujourd'hui 45 personnes.

Une gamme qui se décline pour toucher une plus large audience

Pour pallier cette conjoncture défavorable, l'entreprise décide de diversifier sa gamme. Elle propose déjà des produits ménagers comme de la lessive ou encore du textile (T-shirt, lingettes...). Mais elle veut aller plus loin en déclinant ses références cosmétiques, ouvrant la porte aux parfums et huiles essentielles qu'elle avait jusque là bannis de ses formulations. « Nous sommes fiers de nos premiers produits et nous les conversons car il répondent à une demande. Mais nous avons aussi voulu toucher d'autres publics ». Des publics qui hésiteraient à franchir le pas des cosmétiques zéro déchet, et qui ont besoin de retrouver certaines caractéristiques qui leurs sont familières d'un point de vue olfactif et sensoriel.

Le savon se décline ainsi en versions « enrichies en huile de bourrache et argile rouge pour les peaux matures et déshydratées, ou en huile de laurier et argile verte pour les peaux sensibles sujettes aux imperfections ». Même chose pour le déodorant à base de beurre de cacao, qui se farde de nouvelles senteurs : eucalyptus et pin sylvestre, citron et bergamote, ou encore géranium bourdon et menthe poivrée. « Parmi nos déodorants, ce sont celui au citron et celui sans parfum qui se vendent le plus », preuve de l'intérêt de ne pas abandonner les produits historiques. Désormais, la gamme 12 types de produits cosmétiques répartis en 35 références.

Un approvisionnement bio et de plus en plus local

Des déclinaisons qui s'appuient de plus en plus sur un approvisionnement local. Ce qui n'était pas le cas au début, l'entreprise assumant de recourir à des matières impossibles à trouver en France comme le cacao ou le karité. « Sur les nouveaux produits, on essaie d'avoir au moins un ingrédient local, comme l'huile de prune qui vient de Gascogne ou l'huile de chanvre, bretonne ». Ce qui n'est pas toujours aisé. « Parfois, même si les matières que vous voulons sont cultivées en France, elles ne le sont pas en bio et nous sommes obligés d'aller les chercher ailleurs afin de respecter les engagements pris à travers nos labels », à l'image de l'huile de bourrache venue du Pays-Bas. Par ailleurs, Comme Avant est confrontée à des tensions d'approvisionnement de plus en plus fortes du fait du nombre croissant d'acteurs des cosmétiques se positionnant sur le marché du bio.

Une multiplication de l'offre face à laquelle l'entreprise veut fidéliser, et accroître le panier moyen de ses clients en innovant dans de nouveaux produits.

Dans la salle de recherche et développement, penchée au dessus d'une marmite de cuisine, la main tenant fermement une spatule en silicone, une jeune femme mélange une pâte dont la texture rappelle celle d'une épaisse purée. Il s'agit en fait d'une recette de savon intime que Comme Avant s'apprête à mettre sur le marché. « On y trouve un tensioactif avec du beurre de karité, de l'argile, de l'aneth, un macérat de millepertuis et de l'acide lactique pour équilibrer le PH », explique le directeur de la production, par ailleurs beau-frère de Sophie Lauret. « Ma sœur aussi travaille aussi », complète la patronne. « Être en famille nous permet de nous dire les choses franchement et de nous serrer les coudes », ajoute Mathieu Ricci.

Grâce au travail manuel, une moindre dépendance énergétique

D'autant que l'entreprise se prépare à de nouvelles turbulences : l'inflation. « Nos fournisseurs ne nous ont pas encore communiqué leurs prix. Nous n'avons pas encore appliqué de hausse sur les nôtres mais nous allons y réfléchir ». L'inflation n'est par ailleurs pas une bonne nouvelle pour la demande, « mais pour le moment cela semble avoir été compensé par l'élargissement de notre gamme ». En revanche, le travail demeurant très manuel, l'augmentation du prix de l'énergie n'a eu qu'un impact restreint. « Avant l'inflation, l'électricité représentait 0,5 % de notre chiffre d'affaire. Maintenant, c'est 1 % ».

Une fois dépassées toutes les salles de production, le long couloir de l'usine mène à la salle de conditionnement. Ce matin, on s'affaire à emballer des sticks à lèvres. Une première personne ouvre les boites cylindriques cartonnées, une seconde les remplit et les referme, laissant échapper un cliquetis régulier. Les sticks rejoindront ensuite l'imposante salle d'expédition où cohabitent des caisses de couleurs vivres. Chaque couleur correspondant à un type de produit.

Produits qui seront distribués dans les quatre boutiques de la marque - ici, dans une boutique attenante à l'usine, mais aussi à Marseille, Toulouse et Paris - dans ses 2.000 points de vente (magasins et épiceries bio, parapharmacies...), et, de façon plus éparpillée, aux clients du site internet qui représentent 70 % du chiffre d'affaire. « Dans l'idéal, nous aimerions atteindre 50 % pour la vente physique et 50 % pour le numérique. Ce serait plus écologique puisqu'on livre de plus gros volumes en points de vente physiques. On utilise les réseaux sociaux et notre fichier client pour inciter clients à aller dans un magasin près de chez eux ».

Quid de l'export ? « Nous avons essayé de vendre au Royaume-Unis il y a quelques années. Mais le Brexit nous a stoppés. Nous verrons en 2024. Pour le moment, nous voulons surtout amener plus de trafic dans les boutiques et stabiliser notre gamme tout en améliorant les produits déjà existants ». Grandir à échelle humaine. Pour renouer avec la croissance et de recruter à nouveau.

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