Solène Roelandts pérennise le savoir-faire de Puyricard

Née en 1967, cette chocolaterie posée à Aix-en-Provence, fondée par deux Belges passés par le Congo s’est développée grâce à sa production artisanale, à la fois sophistiquée et gourmande. A 35 ans, leur petite fille, Solène Roelandts, reprend les rennes de l’entreprise ; soucieuse de l’adapter aux défis de son temps, tout en préservant et en valorisant son identité.
(Crédits : DR)

Chocolats enrobés. Calissons. Marrons glacés... A l'oreille des Provençaux - et même des moteurs de recherche sur internet -, le nom de Puyricard évoque en premier lieu un univers sucré et chocolaté, incarné par vingt-quatre boutiques dans le Sud de la France mais aussi à Paris.

Mais Puyricard, c'est avant tout un village de l'agglomération d'Aix-en-Provence dans lequel se sont écrites les premières lignes de l'histoire de l'entreprise familiale du même nom. Et dont Solène Roelandts est la troisième narratrice.

« Mes grands parents, qui étaient d'origine belge, vivaient au Congo ». Dans les années 1950-1960, les premiers mouvements indépendantistes les obligent à envisager un départ. « Mon grand-père, Jan-Guy travaillait dans la publicité. Ma grand-mère, Marie-Anne, a dû chercher un travail qui serait facilement exportable en Europe ». Ce sera le chocolat. « Elle a ouvert une première chocolaterie en Belgique ». Dans ses préparations, elle tente de s'émanciper des recettes belges, et confectionne des chocolats moins gras, moins sucrés, que les diplomates aiment offrir à leur hôtes.

Quelques années plus tard, les tensions se renforcent dans le pays. L'heure est venue de partir. Le couple fait ses valises. Mais pas question de retourner en Belgique. « Ils avaient envie de soleil et de nature ». Enfants et recettes sous le bras, ils élisent domicile au milieu des champs de lavande, dans le village de Puyricard. « Quand mon grand-père a vu la ville d'Aix voisine, la grande route qui est désormais une autoroute, il a immédiatement perçu le potentiel de croissance de cet endroit ».

Une boutique pionnière

Dans un ancien atelier de construction de matériaux qui leur sert aussi de logement, ils ouvrent un laboratoire et une boutique témoin. « Au début, ils s'imaginaient plutôt comme grossistes », raconte l'entrepreneuse. Mais les boutiques de chocolat sont peu fréquentes à l'époque. Celle de Marie-Anne et Jan-Guy fait saliver les passants qui sont nombreux à s'y arrêter. « Ces premiers clients leur faisaient des retours qui permettaient à ma grand-mère d'améliorer ses recettes. La demande était telle qu'il fallait rationner les clients », s'amuse l'entrepreneuse. « Les choses ont bien changé depuis ».

En effet, l'offre de Puyricard s'étend. Sous l'impulsion du père de Solène, Tanguy Roelandts, le réseau de boutiques s'étoffe. Celles-ci sont le plus souvent implantées dans les centre-ville. « C'est ce qui a toujours le mieux fonctionné pour nous ». Et ce, malgré la baisse de fréquentation de ceux-ci au fil du temps. « Notre activité est très saisonnière, alors les gens continuent de faire le déplacement au moment des fêtes. Le reste de l'année, c'est un peu plus calme ». L'entreprise familiale s'est aussi essayée aux grands centres commerciaux. Las. « Les clients n'entraient pas trop et les charges étaient très élevées ».

La gamme aussi s'est transformée. Des chocolats toujours aux parfums, formes et textures toujours plus variés. Des marrons glacés. Des fruits confits. Des calissons ... Les chocolats à l'alcool se faisant quant à eux plus discrets, évolution des goûts obligent. Une gamme large, mais dotée d'une identité que Solène Roelandts décrit comme un savant mélange entre gourmandise belge et finesse à la française.

Liberté et moyens d'action

Des évolutions, la jeune femme en a impulsées bon nombre également, elle qui ne se destinait pas forcément à poursuivre l'épopée familiale.

Bien sûr, elle joue les marchandes vers l'âge de onze ans. Elle assure quelques saisons à l'adolescence. Puis elle poursuit des études par goût pour certaines matières. Elle obtient un DUT en techniques de commercialisation, puis un master en management et marketing à l'IAE d'Aix-en-Provence. Elle fait ensuite ses armes dans plusieurs entreprises comme les Galeries Lafayette, Gemalto ou Adrexo. « Puis un jour, mon père m'a proposé de faire une saison à Puyricard. Cette saison ne s'est jamais finie ».

Embarquée dans l'entreprise, cette touche-à-tout enfile de nombreuses casquettes. Responsable de magasin. Chargée de communication. Assistante exécutive puis, en 2017, directrice générale.

Ce qu'elle aime par dessous tout, au-delà des produits dont elle se délecte quotidiennement, c'est le large spectre de domaines auxquels l'univers du chocolat la met en contact : des relations avec les producteurs en passant par la décoration des boutiques, le numérique, la fabrication, l'événementiel ... Et ce, dans une entreprise « suffisamment petite pour pouvoir monter des projets de bout en bout. Avec néanmoins suffisamment de budget ».

Succès asiatique

En tant que directrice générale, elle œuvre à la modernisation de la charte graphique et des boutiques. Elle initie une stratégie d'export avec une tactique : « ne pas chercher les volumes à tout prix, mais plutôt des projets spécifiques ». Sa cible première : l'Europe. Mais ce sont finalement des pays plus lointains qui présentent le plus de potentiel. Les États-Unis, le Canada et, beaucoup, l'Asie : Émirats arabes unis, Corée, Chine, Singapour, Japon ... « En Asie, les produits français premium marchent très fort. C'est particulièrement vrai au Japon où le marché du chocolat se développe beaucoup depuis huit ans ». Pour séduire les papilles de ces nouveaux clients, Puyricard n'hésite pas à adapter ses recettes afin d'exporter ces saveurs emblématiques qui constituent pour beaucoup l'image de la Provence. « Sur ces marchés, nous avons par exemple créé des ganaches au romarin et à l'huile d'olive. Et nos chocolats ont tous des prénoms provençaux ».

Comme son père avant elle, Solène Roelandts devient à 35 ans la nouvelle présidente de l'entreprise qui compte une centaine de salariés à l'année. Elle entend poursuivre les travaux entrepris pour moderniser l'entreprise. Y compris en se saisissant des enjeux numériques. « Nous investissons beaucoup sur notre site depuis dix ans mais le covid-19 a accéléré les choses, même si les Français restent réticents lorsqu'il s'agit d'acheter de l'alimentation sur internet. Notre site représente un chiffre d'affaire équivalent à la troisième boutique de notre réseau ». L'an prochain, une nouvelle version devrait être proposée, enrichie de la possibilité de composer son propre coffret de chocolat et de le récupérer rapidement en magasin.

La présidente de l'entreprise, qui a intégré le classement Choiseul, aimerait aussi dynamiser le réseau de franchises. De même que l'offre à destination des entreprises.

Recrutement, inflation et approvisionnement : nouveaux défis de la PME

Avancer, moderniser, développer. Mais ne pas perdre ce qui fait la force de la marque : sa dimension artisanale. « Tout est fait à la main. Ce qui fait que nos coques de chocolat sont extrafines. Nous travaillons en flux tendu, de sorte que l'on produit chaque semaine en fonction des commandes de nos boutiques. Quant au lait et au beurre, ils nous sont livrés chaque semaine, ce qui nous permet d'avoir des produits ultra frais ».

Un travail valorisé par un troisième label Entreprise du patrimoine vivant. « Cela nous donne une crédibilité. Notamment à l'international ». D'autant, rappelle-t-elle, que « ce label n'est jamais acquis. Il faut à chaque fois refaire la demande et prouver que l'on fait les choses toujours de la même façon ». La patronne est également friande de visites d'entreprises et d'ateliers proposés aux clients, qui permettent de faire la preuve de l'artisanat, et de fidéliser.

Mais alors qu'approchent les fêtes de fin d'année, Solène Roelandts se heurte à des défis de taille. L'inflation, qui a inhibé la demande sur les derniers mois. Les difficultés de recrutement et d'approvisionnement. De même que la nécessité de rendre plus transparents et équitables les approvisionnements ; un souci croissant des consommateurs.

« Nous travaillons avec la Confédération des chocolatiers sur un label engagé. L'idée est d'aller dans les pays producteurs. On leur explique comment bien entretenir leur récolte et on s'engage à les payer deux fois le cours du cacao. Ils doivent en contrepartie s'engager à envoyer leurs enfants à l'école ».

Autant de projets au travers lesquels Solène Roelandts entend écrire les prochaines pages de l'histoire Puyricard. Soucieuse de ne pas décevoir ceux qui, parfois depuis de nombreuses années, « vivent grâce à ce travail et se donnent à fond ».

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