Filtre à particules pour le maritime : cette innovation, déployée par La Méridionale, née de l’industrie « terrestre »

Déployée par la compagnie basée à Marseille, ce filtre s’appuie sur une technologie qui doit tout au bicarbonate de soude et n’emploie pas d’eau. Une innovation déjà utilisée pour des fumées d’incinérateurs de déchets et de centrales thermiques qui a nécessité deux ans de R&D pour être appliquée au secteur maritime. Ce qui en fait une première mondiale et une alternative aux scrubers, jusqu’ici utilisés sur les navires pour limiter l’émission de particules.
(Crédits : M.Joly)

C'est l'innovation qui joue l'effet accélérateur dans la transition écologique du secteur maritime. Ce qui, après un été qui s'est cristallisé autour de la polémique alimentée par la pétition lancée par le maire de Marseille, Benoît Payan, au sujet de la pollution des navires de croisières, remet quelque peu l'église au centre du village. Tout comme l'automobile ou tout autre secteur, pollution il y a mais désintérêt des professionnels il n'y a pas. Et La Méridionale sait de quoi elle parle, elle qui a été la première compagnie à s'engager dans l'électrification des bateaux à quai. C'était déjà à Marseille et en... 2016.

Le bicarbonate de sodium pour désulfuriser

Et ce filtre à particules, réelle avancée en matière écologique, est la suite logique de la réflexion menée par la compagnie que préside Marc Reverchon. « Nous nous sommes toujours inscrits dans la défense et la protection de l'environnement. Et nous sommes partis du fait que les rejets impactent la qualité de l'air. Notre modèle d'exploitation nous a permis de nous pencher sur ce qu'il était possible de faire lorsque le bateau est à quai. C'est ainsi que nous nous sommes engagés dans l'électrification », rappelle Benoît Dehaye, ajoutant que d'autres actions ont été mises en place comme le choix d'une peinture plus durable (en silicone), de pilotages adaptés avec optimisation du rendement hélices notamment, de répartition de masses. « Sauf que les rejets existent en permanence. Nous sommes donc passés à l'étape supérieure, celle de la navigation en mer », poursuit le directeur général de la compagnie. Réflexion et tests ont été menés pour donc, donner naissance à ce filtre à particules qui s'appuie sur une technologie déjà utilisée à terre, précisément sur les épurateurs de fumées d'incinérateurs de déchets et de centrales thermiques. Son principe est de désulfuratiser en profitant de la réaction chimique de permet l'emploi du bicarbonate de sodium. Une désulfurisation qui se fait à sec, c'est-à-dire sans utilisation d'eau. Les gaz d'échappement sont ainsi dirigés vers un collecteur om le bicarbonate est injecté. Le tout est ensuite mené vers des sortes de chaussettes filtrantes, a basé de téflon, ce qui permet de capturer à la fois le bicarbonate, les particules fines et ultrafines et les métaux lourds. L'ensemble étant ensuite dirigé vers une filière de valorisation à terre.

La marinisation, innovation mondiale

Une première phase de test a ainsi été entamée en 2019. Deux partenaires industriels ont été choisis pour mener à bien l'innovation : Andritz pour son expertise en matière de technologie d'épuration des gaz d'échappement et Solvay pour sa position de leader mondial de bicarbonate de sodium. Test qui a permis de mesurer l'efficacité du procédé, 99% des particules fines et ultrafines étant éliminés.

Un résultat qui a décidé La Méridionale à passer à l'échelle supérieure et d'entamer une marinisation sur l'ensemble des moteurs du Piana, l'un des 4 navires qui constituent sa flotte. Mis en service en 2011, doté d'une capacité de 800 passagers, de 2.500 mètres linéaires de fret et de 200 véhicules, Le Piana sert la ligne Marseille-Ajaccio. Et Benoît Dehaye de souligner la petite performance que constitue l'équipage d'une telle innovation sur un navire existant et non pas en construction.

Déploiement à large échelle ?

Une performance à réitérer puisque ce filtre devrait équiper, d'ici deux ans, un autre navire - le plus vieux de la flotte. La compagnie - filiale maritime de la SNEF, le logisticien du froid - entend en doter le Kallisté, mis en service en 1993 sous réserve de validation technique. Mais une telle innovation restera-t-elle une exclusivité de La Méridionale ou a-t-elle vocation à devenir un équipement de toute autre compagnie maritime ? « Nous avons travaillé avec les Chantiers navals de l'Atlantique qui ont intégré ce filtre à particules comme solutions pour toute construction neuve », dévoile Benoît Dehaye. Une innovation qui a nécessité un investissement de 15,8 millions d'euros. 500.000 euros pour la période de test puis 3,3 millions d'euros pour accompagner la marinarisation ont notamment été apportés par la Région Sud via son dispositif « Escale zéro fumée ». L'Ademe ayant également apporté sa contribution financière. « Nous avons besoin d'avoir des partenaires institutionnels de longue durée », souligne le directeur général de la compagnie.

Cependant, La Méridionale compte poursuivre ses efforts en R&D et continuer à regarder toute solution qui permettrait de répondre aux exigences de la zone SECA, ce que tend à devenir la Méditerranée d'ici 2025. Une exigence qui demande un carburant chargé à 0,1% en soufre. « Nous regardons le vélique, l'hybridation... Nous réfléchissons à la meilleure façon d'adapter les solutions à notre activité », précise Benoît Dehaye. Pour rappel, La Mériodionale est née à Marseille en 1931 et dessert la Corse depuis 1937. Depuis décembre 2000, elle organise une ligne vers Tanger Med, au Maroc. Elle emploie 600 personnes dont 490 marins et effectue 6 traversées chaque semaine vers le Maroc, ainsi que 13 vers la Corse.

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