La Chocolatière de Marseille ou le commerce de proximité comme remontant

Officiant au cœur de la Cité phocéenne, Zerrin et Alain Semerciyan sont depuis huit ans à la tête de l’entreprise marseillaise. Une institution connue pour sa barre de chocolat pralinée déclinée en presque vingt recettes, et qui ausculte avec attention les envies de ses clients, venus des quartiers alentours comme du bout du monde.
(Crédits : DR)

Dix heures. Pas une minute de plus. La femme surmontant des lingots de chocolat de quartiers d'orange, graphée sur le rideau de fer de la Chocolatière de Marseille, s'éclipse. Alain et Zerrin Semerciyan prennent place dans leur petite boutique. L'air y est frais, embaumé de réconfortants effluves chocolatés. Zerrin s'installe derrière sa caisse enregistreuse, prête à accueillir ses clients d'un avenant : « Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? ». Alain, son époux, se place quant à lui au pied de l'escalier en colimaçon qui mène à son laboratoire. Lieu de labeur autant que de création.

Voilà huit ans qu'ils se sont installés ici. Zerrin vient de Turquie. Un diplôme dans la finance auquel elle doit renoncer en arrivant en France, faute de reconnaissance internationale. Alors elle travaille où elle peut. Se débrouille. Puis se retrouve dans cette chocolaterie en tant que salariée. « Il y avait une super clientèle, dit-elle. Mais la situation financière était compliquée ». Jusqu'à la liquidation.

Alain, lui, a travaillé vingt ans durant dans un magasin de prêt-à-porter avant de devenir chauffeur VTC. Peu après la liquidation de la chocolaterie de sa femme, c'est à son tour de perdre son emploi.

Signe du destin. Ils rachètent la chocolaterie qui devient alors La Chocolatière de Marseille.

Du chocolat pour tous les publics

« Nous avons fait un crédit pour acheter les murs et renouveler le matériel. Nous avons changé la déco », explique Alain. « On a aussi modifié les recettes ». Le lingot au chocolat de l'ancien propriétaire devient La Barre marseillaise. Enrobé d'un généreux nappage, un praliné « sans beurre ni crème, pour ne pas donner mal au cœur ». Une création déclinée en une petite quinzaine de recettes selon les saisons et les fêtes qui ponctuent l'année. Noisettes, amandes, orange confite, pistache grué de cacao... « On a aussi des barres sans sucre ajouté où l'on met à la place un édulcorant, du maltitol. Car nous avons des clients aux régimes alimentaires particuliers, des problèmes de diabète.... mais qui ont envie de se faire plaisir », explique Alain. Et Zerrin de compléter : « Nous essayons de penser à tout le monde ».

A tout le monde selon ses goûts. En témoigne l'impressionnante gamme de chocolat en format carré. Du piment pour rompre la monotonie. De la guimauve pour les nostalgiques. Du chocolat blanc marbré de framboise contre les gros coups de mou... Carrés que l'on peut assortir dans des coffrets de divers formats, adaptés à tous les budgets.

Gourmands d'ici et d'ailleurs

Parmi la clientèle de la Chocolatière, beaucoup de touristes. C'est notamment à eux que s'adresse l'une des dernières trouvailles d'Alain et Zerrin, une barre qui, au lieu de la forme de lingot, a celle du nom de la ville. « On a travaillé six mois dessus. Cela n'a pas été facile d'avoir l'ensemble du détail des lettres », montre Alain.

La boutique accueille aussi beaucoup de clients du cru. A l'image de cette dame d'une soixantaine d'année qui vient d'entrer dans la boutique. Élégante robe bleue, brushing noir impeccable, rouge-à-lèvre rouge, elle tient à louer les qualités du chocolat de l'enseigne. « Je viens ici exprès de la Timone », à quelques dizaines de minutes en transports en commun. « Je suis cliente depuis le début. Leur chocolat est le meilleur, pas trop sucré. J'en achète pour mon fils qui vit en Italie. Et aussi pour ma petite-fille, du chocolat au lait. Elle m'a dit qu'elle n'en a jamais goûté d'aussi bon ! », s'exclame-t-elle sous le regard attendri de la patronne.

La proximité primée

Faire plaisir, prendre soin. Cela lui tient à cœur. L'entreprise a d'ailleurs reçu un prix pour cela. En 2016. Un prix Esprit client remis par la Chambre de commerce et d'industrie. « Nous faisons attention à la qualité des produits qu'on vend à nos clients, on les écoute, on veille à ce qu'ils n'attendent pas trop dehors, surtout pendant les périodes de fêtes où ils sont nombreux », énumère Zerrin. Une attention primée de fidélité. « Même quand la rue était tout en travaux, les gens ont continué à venir. Ils auraient été capables de grimper sur l'échafaudage pour venir acheter leur chocolat », rit l'entrepreneuse qui s'émeut de tous ces enfants qu'elle a « vus grandir ».

Malgré la saleté du quartier, pas assez entretenu à leur goût, les entrepreneurs n'abandonneraient pour rien au monde le centre-ville. « Comme le dit la CCI, c'est un grand magasin à ciel ouvert », pense Alain. « Il y a beaucoup de magasins qu'on ne trouve pas ailleurs. On nous a déjà demandé pourquoi on n'allait pas dans un de ces nouveaux centres commerciaux. Mais pour quelle raison le ferait-on ? »

Alain et Zerrin sont attachés à ce lieu qui leur a permis de conquérir leur autonomie. Fiers du chemin parcouru. « Quand mon épouse est arrivée en France, elle ne parlait pas un mot de français. Regardez où elle en est aujourd'hui », s'émeut Alain.

Ce matin, seuls deux clients ont franchi le seuil de la boutique. « Les journées sont un peu longues », reconnaît en soufflant Zerrin. L'été, on préfère combattre les petits inconforts de la vie par d'autres remèdes que le chocolat. Alors les deux « docteurs gourmandise » s'apprêtent à baisser le rideau de fer pour deux mois, comme ils le font chaque année. Profiter de la mer et du soleil avant de revenir en septembre. La besace emplie de nouveaux remontants cacaotés.

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