Le pari "biosourcé" d'Eranova ou comment industrialiser la production de plastique à partir d'algues

C'est à Port-Saint-Louis-du-Rhône, près de Marseille, que l'entreprise a installé son démonstrateur pour produire des algues, mais aussi récupérer celles échouées localement, afin de les transformer en résine. Une matière qu'elle vend ensuite pour fabriquer des emballages en plastique biosourcé.

La Bretagne n'a pas le monopole des algues vertes. Provence-Alpes-Côte d'Azur a aussi son lot de ce végétal aquatique généralement pas très bien accueilli, bien que ce ne soit pas, il est vrai, dans les mêmes proportions. Mais cela reste suffisant pour Eranova, qui se positionne sur le segment de la récupération de ce que ramassent les collectivités. En région Sud, cela concerne surtout l'Etang de Berre, près de Marseille. "Cela varie entre 2.000 et 5.000 tonnes d'algues échouées", chiffre Philippe Michon, co-fondateur d'Eranova. Qui donc les transforme pour en faire du plastique destiné aux usages du quotidien.

Depuis 2006, le dirigeant travaille avec une autre société sur des alternatives au plastique traditionnel. En tant qu'expert du sujet auprès d'organisme comme l'Afnor, il explique avoir vu "le marché évoluer". Mais c'est finalement l'autre fondateur d'Eranova, Philippe Lavoisier, qui lui parle des algues et de leur potentiel. L'entreprise naît officiellement en juillet 2016 avec comme objectif de "créer une nouvelle génération d'alternative au plastique".

Produire des algues puis de la résine

Pour arriver des algues échouées à de la résine, Eranova s'appuie sur un processus breveté. Il s'agit de "stresser" le végétal en le privant de nutriment, ce qui a pour effet d'accroître l'amidon qu'elle génère. "C'est un procédé rapide qui prend environ trois semaines", détaille Philippe Michon. En revanche, il nécessite une quantité importante puisqu'avec 2.000 tonnes d'algues il n'est pas possible de produire plus de 1.000 tonnes de résine.

C'est la raison pour laquelle l'entreprise d'actuellement neuf salariés joue aussi le rôle d'une "alguoferme" en faisait de la culture. Elle vient d'inaugurer son démonstrateur à Port-Saint-Louis-du-Rhône qui produit sur 1,3 hectare un peu plus de 1.000 tonnes d'algues par an. "L'inconvénient de ce végétal qui pour nous est un avantage c'est sa  pousse rapide, vingt fois plus rapidement en bassin qu'en condition terrestre", souligne le dirigeant. Les conditions climatiques de la région, comme l'ensoleillement, favorisent cette culture. "Ce mix nous permet de ne pas être dépendant que des algues de l'Etang de Berre, nous ne capitalisons pas sur la pollution", précise-t-il. Plusieurs associations militent en effet pour réduire l'activité humaine qui génère ces algues.

L'ambition de Philippe Michon est d'augmenter sa surface de production. "Nous travaillons sur un projet d'usine sur 100 hectares pour passer à une échelle industrielle", prévient-il. Un projet chiffré à 60 millions d'euros par le dirigeant. "Nous échangeons avec des investisseurs privés et des institutions pouvant nous financer", explique-t-il. Un travail qu'il effectue en parallèle du lancement des premières études et de la sécurisation du foncier. L'entrepreneur souhaiterait rester sur le même territoire et espère un premier bassin de production prêt pour fin 2024.

Le secteur de l'emballage principalement visé

En attendant, Eranova compte déjà quelques clients comme Carrefour, Casino ou le Slip Français. Elle vend la résine aux transformateurs qui s'en servent pour fabriquer des emballages ou des sacs poubelles. "Ce type de produits est celui qui permet la meilleure visibilité commerciale et cela ne demande pas un process technique trop compliqué", avance Philippe Michon. Cela répond aussi à une législation européenne de plus en plus exigeante sur les emballages. De quoi générer un chiffre d'affaires d'environ un million d'euros pour cette année.

Pour ce qui est de l'usage de cette résine biosourcée dans des secteurs comme l'automobile et le bâtiment il faudra être patient car cela demande une transformation plus poussée pour s'incorporer dans des objets qui doivent durer plus longtemps. Les algues attirent de plus en plus d'acteurs du monde "bio", comme la cosmétique ou l'alimentation animale. Là encore, Philippe Michon ne ferme pas la porte mais se montre prudent. "Il y a beaucoup de potentiel, mais pour l'instant nous nous adressons aux marchés que nous connaissons", tempère-t-il.

Des marchés qui ne se trouvent pas qu'en France. Eranova devrait signer la vente de sa licence dans un pays étranger dans les prochains jours. "Nous avons également des discussions avec le Maroc où nous pourrions créer une entité", annonce Philippe Michon. Un pays où le climat est là aussi propice à la production d'algues en bassin.

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