Fabricant de bustes et cintres, La Bonne Accroche fait le pari (gagnant) de la relocalisation

Née en 1987 à Paris, cette entreprise s’est fait un nom grâce à son Cintriplex, cintre utilisé pour présenter des ensembles de lingerie et de bain. En 2014, deux Marseillais reprennent l’affaire, animés par l’envie de s’engager en faveur de la transition écologique. Un an plus tard, ils relocalisent la production – jusque- là réalisée en Asie – avec l’ouverture d’un atelier dans la commune de Carnoux-en-Provence.
(Crédits : DR)

La relocalisation. Depuis l'épidémie de covid-19, le mot est sur toutes les lèvres. Comme une garantie d'autonomie en temps de crise. Un gage de souveraineté. Mais aussi pour réduire les nuisances sur l'environnement grâce à une moindre quantité de pollutions émises lors du transport de marchandises, tout en créant de l'emploi.

Dans cette ligne, de plus en plus d'entreprises engagent un rapatriement -total ou partiel- de leurs activités. Pour être plus en phase avec les attentes de leurs clients et se différencier de leurs concurrents qui n'auraient pas (encore) franchi ce pas. Si le processus nécessite évidemment des investissements, il peut s'avérer profitable. Ce qu'entend bien prouver La Bonne Accroche.

Née en 1987 à Paris, l'entreprise, qui opère dans la fabrication de cintres, se fait connaître à travers un produit-phare : le Cintriplex. L'objet réinvente la manière de présenter les ensembles de lingerie et de maillots de bain en présentant sur le même cintre culotte et soutien-gorge. La gamme s'étoffe, s'enrichissant notamment de bustes de présentation de vêtements, même si le cintre reste le cœur de métier.

Haut-de-gamme, local et éco-responsable

En 2014, l'entreprise est rachetée par deux Provençaux. Yvan Fernandez, qui se charge du développement commercial, et Benjamin Ravarit-Dethon, dont le parcours amène naturellement à se pencher sur l'aspect technique des projets. « Je ne viens pas du milieu du cintre mais de celui du buste », dit-il. Un atout tant cintres et bustes sont complémentaires. « Quand on travaille en boutique, on fait face à ces deux besoins en même temps ». Par ailleurs, à l'image de ce que la haute couture est à la couture, la production de bustes est, bien que souvent déficitaire, un étendard en mesure de faire rayonner la marque. A l'inverse, le cintre permet de générer davantage de marge.

En reprenant la marque, les deux entrepreneurs se positionnent sur le marché du haut-de-gamme, avec une forte appétence pour le sur-mesure. S'ajoute à cela une volonté d'adopter des pratiques de production plus respectueuses de l'environnement, en phase avec les nouvelles attentes des consommateurs. Un engagement qui passe d'abord par un acte fort : la relocation de la production, un an après le rachat.

Cette relocalisation concerne les sous-traitants. Les trépieds, qui provenaient jusqu'alors d'une fonderie indienne, sont désormais achetés à Roquevaire. Et à une dizaine de kilomètres de ce fournisseur, dans la commune de Carnoux-en-Provence, l'entreprise installe son propre atelier de production. Elle devient ainsi la seconde entreprise à proposer des bustes de fabrication française.

Une épidémie qui a conforté le choix de la relocalisation

Au départ, l'entreprise s'adresse essentiellement au marché des boutiques de mode. Mais l'épidémie de covid-19 et la fermeture de ces mêmes boutiques l'oblige à revoir ses plans, en même temps que se créent de nouvelles opportunités.

Confinés, un certain de nombre de ménages investissent dans l'aménagement de leur logement. « Nous avons ainsi travaillé avec des architectes d'intérieur parisiens ». Les cintres permettant alors d'équiper les dressings de particuliers.

Dans le même temps, les musées ferment. L'occasion idéale pour opérer des rénovations. Ce qui constitue un débouché pour La Bonne accroche. En particulier sur le marché des bustes permettant, par exemple, de présenter des habits d'époque.

Une manière pour l'entreprise de se différencier face à un concurrent beaucoup plus lourd que lui. En se positionnant sur un marché de « niche dans la niche ».

Dans le même temps, l'entreprise bénéficie d'un contexte combinant difficultés d'approvisionnement à l'import et demande accrue pour les produits de fabrication locale. Le pari de la relocalisation s'avère payant.

Des opportunités sur les marchés de l'architecture d'intérieur et du patrimoine

Aujourd'hui, bien que les boutiques aient ré-ouvert leurs portes, l'entreprise continue de se développer sur les marchés de l'architecture d'intérieur et du patrimoine. Elle est ainsi impliquée dans l'exposition Yves-Saint-Laurent présentée dans six musées parisiens de janvier à mai.

Elle travaille également pour des écoles de mode. Et le yachting pourrait être une piste de développement à l'avenir.

Commence en outre à se poser la question de l'export. Les entrepreneurs le savent, le savoir-faire français, dans la mode en particulier, fait vendre. Et le label Entreprise du patrimoine vivant est un atout. La Bonne accroche a déjà conclu des contrats extra-frontaliers. « Nous avons par exemple travaillé par le Musée national du Bahreïn ». Elle pourrait aller plus loin en se développant davantage, toujours sur les deux marchés que sont le patrimoine et les architectes d'intérieur.

Se structurer et amplifier l'engagement éco-responsable

D'ici là, elle veut renforcer sa démarche éco-responsable. « Nous sommes engagés dans la suppression du plastique et des fibres de verre, en remplaçant le plastique par des algues et les fibres de verre par du papier mâché ». Et à la place de la toile écrue, de la fibre de chanvre. Des évolutions qui vont de pair avec l'obtention de labels et autres normes.

Pour croître, l'entreprise doit en outre se structurer en recrutant. « Il faudrait doubler chaque poste ». Mais elle se heurte à la pénurie de compétences générées par la délocalisation depuis plusieurs décennies de l'industrie de la mode. « Pour la fabrication de bustes, il n'existe pas de formation. Nous sommes quasiment dans une démarche de compagnonnage en interne ». Ce qui demande du temps.

Benjamin Ravarit-Dethon, qui, en plus de sa casquette d'entrepreneur, occupe la fonction de président délégué et trésorier du collectif Fask, attend ainsi beaucoup de l'école de production Fask Academy fraîchement mise sur pied. Pour former une nouvelle génération de travailleurs des métiers de la mode.

Ayant encore des difficultés à nouer des relations avec de potentiels clients locaux, il espère aussi que le travail de Fask sera en mesure de fluidifier les échanges. Pour créer de nouvelles opportunités dans la proximité.

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